Particularités albanaises
Au
départ de ce voyage, en filant vers l’Est, nous voulions passer par ce pays, Shqipëria,
comme ils disent ici. Perso, lorsque j’évoquais la région des Balkans ces
dernières années, je pensais assez rapidement aux images de guerre, c’est LE
premier cliché pour la région. On pouvait y ajouter le tourisme en Croatie, la
Slovénie bien intégrée à l’Europe, un peu d’accordéon tzigane et Novak Djokovic
pour la Serbie. On a déjà pu se faire une idée nouvelle en traversant la Bosnie
et le Kosovo.
Mais
l’Albanie ? Vous en avez déjà entendu parler ? Bon, oui bien sûr,
pour certains. En tout cas ce n’était pas mon cas ni celui de Charpi. C’était
pour moi un obscur espace entre l’Adriatique, la Grèce et l’ex-Yougoslavie,
avec de temps en temps des matchs de foot qui se disputaient à Tirana, la
capitale…
Après
une petite dizaine de jour passé là-bas (oui, ce n’est jamais assez…), on a pu
se forger une première idée du pays. Déjà, après la frontière entre le Kosovo à
l’Albanie, on tombe sur une autoroute toute fraîche ! Fou, un pays
riche ! Non, quand-même pas. Mais moins pauvre que le Kosovo c’est sûr.
Pays sous le joug soviétique jusqu’en 1991, l’Albanie a plongé dans le bain du
capitalisme, sans en prendre tous les bons côtés. On retrouve, comme dans de
nombreux « pays en développement », certains secteurs plus
florissants que d’autres : les banques, les compagnies pétrolières, et la
vente de grosses cylindrées tenant le haut du pavé. On rassure les
entrepreneurs étrangers, le pays est encore assez loin du standard européen de
richesse, vous pouvez encore vous faire beaucoup d’argent sur leurs dos !
Le
secteur BTP semble aussi relativement performant. En arrivant à Tirana, comme
dans le Sud un peu plus touristique, on remarque énormément d’immeubles en
cours de construction. Il y a seulement les murs porteurs et les étages… Parfois,
un seul étage est terminé et occupé. Dans certains quartiers, les trois-quarts
des immeubles sont ainsi. Et sur de nombreuses maisons, les toits ne sont pas
terminés. C’en est étonnant, et comme d’autres questionnements, on a eu du mal
à trouver une réponse précise. Pour les toits en construction, est-ce que les
albanais ne paient pas de taxes foncières s’ils ne sont pas terminés, comme
cela se fait dans certains pays ?... En tout cas cela donne des paysages
urbains et semi-urbains assez originaux, tels les Lego de notre jeunesse (et
parfois, certains Lego s’écroulent sur eux-mêmes…).
Un BTP florissant... trop ? |
De
même, Tirana ne possédant que 10 000 âmes en 1910 et prêt d’1 million
aujourd’hui, il a fallu construire vite. Et donc parfois de manière anarchique.
Autour d’une grande place où trône sur son fier destrier Skanderberg, de
grandes avenues à la mode communiste découpent la ville en parts de gâteau,
accélérant de fait l’étalement urbain.
Petite
aparté culturelle concernant Skanderberg, héros du pays, Général du XVè siècle
qui a repoussé les Ottomans de nombreux mois durant. Aux amateurs de prouesse
militaire (les intéressés se reconnaitront), on vous conseille d’étudier un peu
la vie de celui qui a été considéré comme l’un des quatre plus grands généraux
de tous les temps par Napoléon.
De
manière générale^^, les albanais semblent être un peuple très fier de leur
histoire, fier d’avoir atteint l’indépendance en 1912 suite à des siècles d’occupations
de différents peuples (vénitiens, ottomans, grecs, slaves…). On a pu vérifier
ce trait de caractère en arrivant la semaine anniversaire de l’annexion par les
Grecs de la région de çameria,
des milliers et des milliers d’inscriptions « I love çameria » fleurissant sur les bus,
murs, monuments de tout le pays, rappelant l’amour des albanais à ce territoire
qui autrefois leur appartenait et était peuplé à 90% d’albanais. Autant vous
dire qu’ici le grec est également mal vu.
L’italien,
par contre, a la côte, les échanges ayant été très nombreux entre les deux pays
au fil des siècles, et des centaines de milliers d’albanais vivent toujours de
l’autre côté de l’Adriatique. Nombreux sont les italiens à passer de l’autre
côté pour des vacances à petit prix. La présence italienne se remarque aussi
par la mode Dolce Gabanna. On s’y habille de la tête au pied tout en profitant
des vertus culinaires d’une bonne pizza. L’expresso teinté de gelato est
également entré dans les habitudes albanaises.
L’Albanais
apprécie également l’allemand. Cela s’est vérifié lors de la demi-finale de
l’Euro entre les deux pays. Centre de Tirana, une rue piétonne transformée en
mini festival de la bière de Munich : des tables de partout (pleines bien
sûr, des milliers de personnes), des cevapi et autres spécialités culinaires à
base de viande, de la bière qui coule à flot et une ambiance de fous !! Très
peu d’allemands et d’italiens mais ça gueulait comme sur le marché de
Ménilmontant aux heures de pointes ! Et tout ça dans la bonne ambiance
(bien qu’un tiers des albanais parie de l’argent sur les matchs de foot). On
aurait vraiment aimé voir un match avec l’équipe d’Albanie !!
En
traversant le pays en direction du sud, on est tombé sur cette curieuse
tradition albanaise (a priori, non ancestrale) qui consiste à arroser le bitume
et autres surfaces bétonnées. On a tenté de résoudre l’énigme, de passer à la
questionnette l’autochtone mais notre niveau d’albanais n’a jamais permis de laver toutes nos interrogations. Autre
activité florissante également, le LAVAZH (de voitures). Il y en a de partout. Les
vendeurs et réparateurs de klaxons doivent également avoir une belle vie. On a
lu quelque part que les albanais « aiment le son » du klaxon. Bon, en
tout cas on entend qu’on file vers le sud…
Par
contre, et là on ne déconne plus : l’environnement !! Aie aie aie,
quelle pollution, c’est incroyable. Ils ont beau avoir d’autres préoccupations
plus basiques, ça fait vraiment mal au cœur de voir ces décharges à ciel
ouvert, ces vaches broutant dans les sacs poubelles, des détritus en continus
sur les bords de routes, chemins et sentiers, et constamment, des gens jetant
leurs détritus par terre. Le pays, sa côte notamment, est aussi beau que la
Croatie ou certains secteurs de notre Côte d’Azur, les villages sont magnifiques,
perchés au dessus de la mer, mais tout est ravagé. C’est un désastre
écologique.
Déjà
que chez les occidentaux on dénigre l’urgence écologique, alors ici…
quoi ? l’éco quoi ?... Bon, je ne suis pas du genre à juger les gens,
surtout ceux qui ont plus de difficultés matériels, mais là, pas (ou peu)
d’excuse ! On a passé quelques jours avec une américaine, Hannah, qui est
venu à Tirana pour donner des cours sur la protection de l’environnement avec
un projet étranger, c’est bien, mais les moyens sont vraiment insuffisants.
Au-delà des moyens c’est une éducation de base qui s’est perdue, et
étrangement, même les personnes âgées semblent peu soucieuses de leur
territoire… C’est beau de voir ces paysages mais déprimant de voir comme ils
sont traités…
Une
pointe d’espoir tout de même à notre sortie d’Albanie, la rencontre avec un
jeune du cru choqué par toute cette pollution, ne comprenant pas lui-même
l’indifférence de ces compatriotes. Espérons que les programmes éducatifs
apporteront la sensibilisation nécessaire.
Ce
bref portrait de l’Albanie peut sembler parfois peu attractif. Arrivant avec
nos grands yeux d’enfants occidentaux, c’est ce que l’on observe en premier.
Cependant, il y a beaucoup de belles choses à voir et à apprécier. On a
rencontré des gens vraiment sympas, généreux et toujours souriants quand il
fallait aider un étranger paumé comme nous l’étions souvent. Et si l’on sortait
quelques mots d’albanais, on devenait des amis et ça rigolait franchement.
Certains
sites sont assez splendides, tels les villes de Berat et de Gyrokaster, le site
de Butrint (ces derniers étant inscrits à l’Unesco), ou encore (et surtout ?)
les magnifiques Siri i kalter (Blue Springs), véritable bain de fraicheur dans
un Sud de plus en plus chaud (des photos sur facebook « touret
detours »).
Le
Frelon d’or : ces Blue Springs vers Saranda.
La
Pompe à vélo : la dégradation à vue d’œil de cette petite planète.
Le
fun : les approximations linguistiques et incompréhensions qui en
découlent (Charpi nous prépare un beau post là-dessus)
Benjo
POST SCRIPTUM :
PS :
un grand merci à Besnik, notre hôte de Tirana, ami de Veton le Kosovar. Et un
grand bonjour à Hannah, Sofia, Anneth, Daniel, Ira, Viola et Laura (qui ont peu
de chances de lire ce post car ne parlant pas ou peu français…) !
PS musical 1 : « On the road
again » de Canned Heat
PS musical 2 : « On the road again » de
Bernard Lavilliers
PS musical 3 : « On the road again » de
Willie Nelson
PS musical 4 : « On the road again » de
Katie Melua (reprise de Canned Heat)
…
Mais c'est de mieux en mieux écrit et décrit tout ça, chapeau messieurs! Je crois que si vous commencez à lister les pays ayant "une marge de progression" sur les questions écologiques, il va vous falloir de l'encre... Mais ça permettrait de faire globetrotter sensibilisateur, mh... Une idée qui me séduit bien!
RépondreSupprimerPrécision historique non négligeable de mon Padre :
RépondreSupprimer"l'Albanie n'a jamais été sous le joug d'un PC pro-soviétiqque mais d'un PC Maoiste. Ce pays a été fermé hermétiquement pendant plusieurs décennies et ne commercait qu'avec la Chine du Président Mao tsé Toung. C'était même un lieu de pélerinage pour tous les groupuscules maos français post-68".
Benjo