7 juil. 2012

Particularités albanaises

Au départ de ce voyage, en filant vers l’Est, nous voulions passer par ce pays, Shqipëria, comme ils disent ici. Perso, lorsque j’évoquais la région des Balkans ces dernières années, je pensais assez rapidement aux images de guerre, c’est LE premier cliché pour la région. On pouvait y ajouter le tourisme en Croatie, la Slovénie bien intégrée à l’Europe, un peu d’accordéon tzigane et Novak Djokovic pour la Serbie. On a déjà pu se faire une idée nouvelle en traversant la Bosnie et le Kosovo.
Mais l’Albanie ? Vous en avez déjà entendu parler ? Bon, oui bien sûr, pour certains. En tout cas ce n’était pas mon cas ni celui de Charpi. C’était pour moi un obscur espace entre l’Adriatique, la Grèce et l’ex-Yougoslavie, avec de temps en temps des matchs de foot qui se disputaient à Tirana, la capitale…

Après une petite dizaine de jour passé là-bas (oui, ce n’est jamais assez…), on a pu se forger une première idée du pays. Déjà, après la frontière entre le Kosovo à l’Albanie, on tombe sur une autoroute toute fraîche ! Fou, un pays riche ! Non, quand-même pas. Mais moins pauvre que le Kosovo c’est sûr. Pays sous le joug soviétique jusqu’en 1991, l’Albanie a plongé dans le bain du capitalisme, sans en prendre tous les bons côtés. On retrouve, comme dans de nombreux « pays en développement », certains secteurs plus florissants que d’autres : les banques, les compagnies pétrolières, et la vente de grosses cylindrées tenant le haut du pavé. On rassure les entrepreneurs étrangers, le pays est encore assez loin du standard européen de richesse, vous pouvez encore vous faire beaucoup d’argent sur leurs dos !
Le secteur BTP semble aussi relativement performant. En arrivant à Tirana, comme dans le Sud un peu plus touristique, on remarque énormément d’immeubles en cours de construction. Il y a seulement les murs porteurs et les étages… Parfois, un seul étage est terminé et occupé. Dans certains quartiers, les trois-quarts des immeubles sont ainsi. Et sur de nombreuses maisons, les toits ne sont pas terminés. C’en est étonnant, et comme d’autres questionnements, on a eu du mal à trouver une réponse précise. Pour les toits en construction, est-ce que les albanais ne paient pas de taxes foncières s’ils ne sont pas terminés, comme cela se fait dans certains pays ?... En tout cas cela donne des paysages urbains et semi-urbains assez originaux, tels les Lego de notre jeunesse (et parfois, certains Lego s’écroulent sur eux-mêmes…).

Un BTP florissant... trop ?

De même, Tirana ne possédant que 10 000 âmes en 1910 et prêt d’1 million aujourd’hui, il a fallu construire vite. Et donc parfois de manière anarchique. Autour d’une grande place où trône sur son fier destrier Skanderberg, de grandes avenues à la mode communiste découpent la ville en parts de gâteau, accélérant de fait l’étalement urbain.
Petite aparté culturelle concernant Skanderberg, héros du pays, Général du XVè siècle qui a repoussé les Ottomans de nombreux mois durant. Aux amateurs de prouesse militaire (les intéressés se reconnaitront), on vous conseille d’étudier un peu la vie de celui qui a été considéré comme l’un des quatre plus grands généraux de tous les temps par Napoléon.

De manière générale^^, les albanais semblent être un peuple très fier de leur histoire, fier d’avoir atteint l’indépendance en 1912 suite à des siècles d’occupations de différents peuples (vénitiens, ottomans, grecs, slaves…). On a pu vérifier ce trait de caractère en arrivant la semaine anniversaire de l’annexion par les Grecs de la région de çameria, des milliers et des milliers d’inscriptions « I love çameria » fleurissant sur les bus, murs, monuments de tout le pays, rappelant l’amour des albanais à ce territoire qui autrefois leur appartenait et était peuplé à 90% d’albanais. Autant vous dire qu’ici le grec est également mal vu.
L’italien, par contre, a la côte, les échanges ayant été très nombreux entre les deux pays au fil des siècles, et des centaines de milliers d’albanais vivent toujours de l’autre côté de l’Adriatique. Nombreux sont les italiens à passer de l’autre côté pour des vacances à petit prix. La présence italienne se remarque aussi par la mode Dolce Gabanna. On s’y habille de la tête au pied tout en profitant des vertus culinaires d’une bonne pizza. L’expresso teinté de gelato est également entré dans les habitudes albanaises.
L’Albanais apprécie également l’allemand. Cela s’est vérifié lors de la demi-finale de l’Euro entre les deux pays. Centre de Tirana, une rue piétonne transformée en mini festival de la bière de Munich : des tables de partout (pleines bien sûr, des milliers de personnes), des cevapi et autres spécialités culinaires à base de viande, de la bière qui coule à flot et une ambiance de fous !! Très peu d’allemands et d’italiens mais ça gueulait comme sur le marché de Ménilmontant aux heures de pointes ! Et tout ça dans la bonne ambiance (bien qu’un tiers des albanais parie de l’argent sur les matchs de foot). On aurait vraiment aimé voir un match avec l’équipe d’Albanie !!

En traversant le pays en direction du sud, on est tombé sur cette curieuse tradition albanaise (a priori, non ancestrale) qui consiste à arroser le bitume et autres surfaces bétonnées. On a tenté de résoudre l’énigme, de passer à la questionnette l’autochtone mais notre niveau d’albanais n’a jamais permis de laver toutes nos interrogations. Autre activité florissante également, le LAVAZH (de voitures). Il y en a de partout. Les vendeurs et réparateurs de klaxons doivent également avoir une belle vie. On a lu quelque part que les albanais « aiment le son » du klaxon. Bon, en tout cas on entend qu’on file vers le sud…

Décollage imminent

Par contre, et là on ne déconne plus : l’environnement !! Aie aie aie, quelle pollution, c’est incroyable. Ils ont beau avoir d’autres préoccupations plus basiques, ça fait vraiment mal au cœur de voir ces décharges à ciel ouvert, ces vaches broutant dans les sacs poubelles, des détritus en continus sur les bords de routes, chemins et sentiers, et constamment, des gens jetant leurs détritus par terre. Le pays, sa côte notamment, est aussi beau que la Croatie ou certains secteurs de notre Côte d’Azur, les villages sont magnifiques, perchés au dessus de la mer, mais tout est ravagé. C’est un désastre écologique.
Déjà que chez les occidentaux on dénigre l’urgence écologique, alors ici… quoi ? l’éco quoi ?... Bon, je ne suis pas du genre à juger les gens, surtout ceux qui ont plus de difficultés matériels, mais là, pas (ou peu) d’excuse ! On a passé quelques jours avec une américaine, Hannah, qui est venu à Tirana pour donner des cours sur la protection de l’environnement avec un projet étranger, c’est bien, mais les moyens sont vraiment insuffisants. Au-delà des moyens c’est une éducation de base qui s’est perdue, et étrangement, même les personnes âgées semblent peu soucieuses de leur territoire… C’est beau de voir ces paysages mais déprimant de voir comme ils sont traités…
Une pointe d’espoir tout de même à notre sortie d’Albanie, la rencontre avec un jeune du cru choqué par toute cette pollution, ne comprenant pas lui-même l’indifférence de ces compatriotes. Espérons que les programmes éducatifs apporteront la sensibilisation nécessaire.

Bon ap'

Ce bref portrait de l’Albanie peut sembler parfois peu attractif. Arrivant avec nos grands yeux d’enfants occidentaux, c’est ce que l’on observe en premier. Cependant, il y a beaucoup de belles choses à voir et à apprécier. On a rencontré des gens vraiment sympas, généreux et toujours souriants quand il fallait aider un étranger paumé comme nous l’étions souvent. Et si l’on sortait quelques mots d’albanais, on devenait des amis et ça rigolait franchement.
Certains sites sont assez splendides, tels les villes de Berat et de Gyrokaster, le site de Butrint (ces derniers étant inscrits à l’Unesco), ou encore (et surtout ?) les magnifiques Siri i kalter (Blue Springs), véritable bain de fraicheur dans un Sud de plus en plus chaud (des photos sur facebook « touret detours »).
Le Frelon d’or : ces Blue Springs vers Saranda.
La Pompe à vélo : la dégradation à vue d’œil de cette petite planète.
Le fun : les approximations linguistiques et incompréhensions qui en découlent (Charpi nous prépare un beau post là-dessus)

Benjo

POST SCRIPTUM :
PS : un grand merci à Besnik, notre hôte de Tirana, ami de Veton le Kosovar. Et un grand bonjour à Hannah, Sofia, Anneth, Daniel, Ira, Viola et Laura (qui ont peu de chances de lire ce post car ne parlant pas ou peu français…) !
PS musical 1 : « On the road again » de Canned Heat
PS musical 2 : « On the road again » de Bernard Lavilliers
PS musical 3 : « On the road again » de Willie Nelson
PS musical 4 : « On the road again » de Katie Melua (reprise de Canned Heat)

2 commentaires:

  1. Mais c'est de mieux en mieux écrit et décrit tout ça, chapeau messieurs! Je crois que si vous commencez à lister les pays ayant "une marge de progression" sur les questions écologiques, il va vous falloir de l'encre... Mais ça permettrait de faire globetrotter sensibilisateur, mh... Une idée qui me séduit bien!

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  2. Précision historique non négligeable de mon Padre :
    "l'Albanie n'a jamais été sous le joug d'un PC pro-soviétiqque mais d'un PC Maoiste. Ce pays a été fermé hermétiquement pendant plusieurs décennies et ne commercait qu'avec la Chine du Président Mao tsé Toung. C'était même un lieu de pélerinage pour tous les groupuscules maos français post-68".
    Benjo

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