12 juil. 2012


Petit précis à l’attention des non anglophones en voyage hors de l’empire francophone.

Mercredi 11 juillet 2012, dans le bus entre Thessaloniki d’Istanbul (Turquie).

« Tout le monde parle anglais aujourd’hui ». Qui n’a pas entendu cette affirmation ? Ce fait établit par qui ? On ne sait pas et que l’on prend comme un coup de bambou derrière la tête nous pauvres français qui sommes soi-disant des peintres dans la langue de Shakespeare (rien que le nom j’ai mis dix minutes à trouver l’orthographe). Et là je vous parle des représentations des étrangers (non anglophones pour la plupart). Pour eux le fait est entendu : les français ne savent pas parler anglais ou alors ne veulent pas. C’est vrai que personnellement j’oscille souvent entre les deux.
Alors pourquoi ces appréhensions ? J’ai une théorie un peu fumeuse là-dessus mais bon je vous la livre et puis vous serez bien libre de m’amender. Il y a quelques années, j’avais déjà écrit un magnifique post anti-english dans la pure tradition franchouillarde mangeur de grenouilles que je suis. Et j’avoue que je n’avais pas été tendre.
Mes a priori étaient (sont ?) nombreux. D’abord cette sensation étrange d’être toujours en classe face à mon prof quand j’essayais désespérément de sortir des sons audibles. La peur qui me prend de ne pas avoir prononcé le « the » correctement et ces fichus « r » et « h » aspiré. Peur d’être noté : « ouais bah y’a encore du boulot, Charpillon … on dirait un ruminant (véridique). Segundo, je suis un latin, les langues germaniques ça n’est pas ma tasse de thé.  Quand je vois avec quel plaisir j’ai appris l’espagnol et avec quelle boulimie j’ai envie de me lancer dans l’apprentissage de l’italien et du portugais. Je suis également effrayé par l’imposition d’une seule langue véhiculaire à travers le monde. Pour moi c’est pure hérésie. Résultat d’une domination historique des nations anglaises puis américaines sur le monde à travers leur puissance commerciale (et donc marketing) et le développement d’internet. Ah si la France avait internationalisé son minitel… .

Parfois on se comprend (avec Majda, Sue et Ryan à Saravejo)

Cet état de fait induit de curieuse manifestation comme les fois où nous arrivons dans les auberges de jeunesse et où les occupants nous enchaînent direct dans un bon vieux anglais (ou américain, écossais, australien, canadien) des familles ne se rendant même plus compte que peut-être, éventuellement, les 6,6 milliards de terriens non anglophones ne les comprennent pas. Ces moments me rappellent les poteaux télégraphiques au Kosovo et en Albanie : beaucoup de fils et de connections mais pas sûr que le courant passe.
Quand nous leur demandons « how do you say… » et qu’à la fin de la définition on se regarde avec le Benj’ les yeux hagards en se disant « c’était quoi notre question déjà ? ». Parfois c’est l’inverse. Étonnamment nous employons des mots quelques peu savants que les anglophones ont du mal à définir. Et à nous de continuer avec un brin de sarcasme « but speak in english my man ». Enfin quand arrive le soir et où chacun a donné de sa personne pour comprendre l’autre, à ce moment là il ne fait pas bon ménage de ne pas être bilingue, j’ai l’impression d’être une poule découvrant un couteau.
En tout cas j’ai quelque peu revu mes positions sur la nécessité de maîtriser un tant soi peu l’anglais et le bonheur de pouvoir converser avec son prochain à l’aide de cette langue. Enfin quand je dis converser je ne parle pas de philosophie orientale ; ces discussions sont avant tout des demandes afin de satisfaire mes besoins les plus primaires.  Il n’empêche que depuis maintenant un bon mois et demi nous avons bien rigolé grâce à l’anglais. Cela devrait durer. Et moi quand je me marre, je suis prêt à tous les sacrifices. 
De même, nous rencontrons des personnes anglophones absolument délicieuses qui prennent le temps, nous encouragent, parfois s’excusent de ne savoir parler que l’anglais et sont admiratives de rencontrer d’autres peuplades qui maîtrisent plus ou moins d’autres langages et notamment le leur. Nombreuses ont été (sont) les fois où je ponctue un splendide monologue dans une construction linguistique très personnelle (quasi ex-nihilo)  par le fameux « you understand what i mean ? ». Et à l’autre de me répondre « no, please say it again » (d’un ton sec qui n’est pas sans te rappeler le prof du début). Ça me désappointe. De temps en temps c’est le plus tendre « so so » ou « not too much », ça me frustre.

Parfois on comprend mieux la Bestiole qu'Hannah...

Et puis, parfois, des fulgurances. Résultat d’un total abandon de soi où l’irrationnel prend le pas sur la raison, les tripes sur le cerveau. Où enfin l’autre me dit « yes, yes i understand ». Quand la langue est au service d’émotions partagées et permettent la rencontre entre émetteur et récepteur sans friture sur la ligne, ça me ravi. Ma tour d’ivoire… euh de Babel s’efface quelque peu.
Bref nous avions envie de vous offrir quelques lignes, florilège de situations auxquelles nous avons été confrontées ; qui se sont transformées en malentendu (essentiellement du à notre accent anglais en carton). J’espère qu’elles vous feront bien sourire et, qui sait, vous aideront plus tard à survivre en zone british.

Mardi 19 juin 2012, Sarajevo. Une partie d’échecs avec Ryan, australien.
Pour ceux qui ne connaissent pas le jeu, ça ne vous parlera pas trop mais sachez qu’il y a un mouvement de pièce qui s’appellent « une fourchette ». En anglais « fourchette » se dit « fork ». Ryan vient de réaliser ce coup. Voici le dialogue.
MAT « ooooh what a move !! Nice !! A fork !! “
RYAN “ what ?!!” (avec un regard interrogateur)
MAT continuant « a fork !! a fork !! » se mettant à mimer avec sa main une fourchette avec un mouvement en direction d’un Ryan de plus en plus perplexe voire angoissé.
RYAN « but what’s the hell you want to f**k me ??”.
Conclusion : A cause de mon accent so French, Ryan pensait que je lui proposais une partie de plaisir entendant f**k au lieu de fork. Sorry Ryan.

Mercredi 20 juin 2012, Sarajevo. Une discussion à propos d’Atlanta (USA) avec Sue, étatsunienne.
J’étais en train d’expliquer à Sue qu’Atlanta était le plus grand aéroport (hub) du monde et que c’est aussi pour ça qu’ils ont eu les JO à la place d’Athènes en 1996. C’était le centenaire des JO de l’ère moderne. Et donc je termine mon explication quand Sue me demande de quelle ville je parle.
Alors je ne sais pas si vous vous rappelez le film la cité de la peur quand Chabat et Lauby ont ce curieux échange à propos d’un « serial killer ». L’un et l’autre prononçant les mêmes mots mais n’arrivant pas à se comprendre. C’est ce qui s’est passé ici. Voici le dialogue.
MAT finissant son explication « yeah yeah it’s true, Atlanta, amazing, isn’t it ?”
SUE “euuh sorry I didn’t understand, which town you told me ?”
MAT “Atlanta”
SUE “What ?”
A ce moment de la conversation, Benjo intervient, pensant que son accent serait meilleur que le mien (ce qu’il est soi dit au passage)
BENJO « Atlanta, USA, Atlanta »
SUE toujours dans le vague cherchant désespérément à comprendre
MAT et BENJO « Atlanta, you don’t know ? »
SUE enfin touchée par la grâce « Oh yeak Attllllantttaaaaa » (prononcé Atleunta).
No comment…
Ce genre de situation s’est répétée plusieurs fois. Il est curieux de voir que les plus grands moments d’incompréhension se jouent avec des mots qui s’écrivent quasiment pareils mais qui se prononcent bien différemment.

Dimanche 1 juillet 2012. Conversation avec Annette, propriétaire irlandaise d’un hôtel à Saranda (Albanie).
Annette m’expliquait le fonctionnement de l’auberge, les différentes règles quand je lui posai cette question qui lui paru ‘achement bizarre.
MAT « do you have some sheet for my bed »
ANNETTE “What ?!!!! you want some shit for your bed”
Effectivement quand un français demande des draps et qu’une irlandaise comprend qu’il veut des excréments pour son lit ça peut choquer.

Trop de connexions tuent la connexion

Le même jour, un peu plus tard (j’étais en grande forme). Conversation avec Daniel, australien.
Nous parlions de nos différents projets pour la journée à venir.
DANIEL « have you anything planned ? »
MAT “how about going to the beach ?”
DANIEL mort de rire “oh yeah you offen go and see the bitch ?
MAT, n’ayant pas compris que mon accent venait encore de me tromper, je continue gaiement « yeah, moreover since i came back from guadeloupe, i didn’t have the time to go to the beaches. I hope to have a fun and spend good time here »
DANIEL au bord de la syncope, met fin au massacre en m’expliquant la différence de prononciation pour beach (plage) et bitch (péripatéticienne).

Jeudi 5 juillet 2012. Conversation avec Hannah sur l’île de Corfou (Grèce), texane à propos d’un concert au Delaware (USA).
Il y a quelques années, nous partîmes aux USA avec Benjo et nous vîmes un concert au combien historique au sein de l’université du Delaware d’un Rappeur du nom de T-Pain. Nous voulions partager cette expérience inoubliable avec Hannah.
BENJO «  a big concert, crowded with T-Pain, you know ? “
HANNAH “never heard”
BENJO “amazing, he seemed well-known, he was a good rapper”
HANNAH interloquée “A good raper ??!!!
BENJO de continuer “Yeah yeah all girls shouted, a very good rapper”
HANNAH ne comprenant plus rien nous demanda où on voulait en venir.
Nous comprîmes quelques secondes plus tard. Nous avions simplement traduit « rappeur » en « rapper » ce qui est juste ; néanmoins notre accent français nous a conduit à dire « raper » avec le sens de violeur (to rape = violer). Vous voyez l’idée… « toutes les filles hurlaient, c’était un très bon violeur… »

Vendredi 6 juillet 2012. Conversation avec Hannah à propos de son départ de l’île le lendemain.
Il était tard, nous avions passé une grosse journée à parcourir l’île sous une chaleur innommable. Et quand la fatigue vous tient, les efforts de compréhension sont d’autant plus difficiles que les fous rires vifs.
MAT « At what time do you catch your boat ? »
HANNAH explosant de rire “What ? »
MAT naïf « euh can you explain to me why you’re laughing, i made a joke ?”
HANNAH répondant “ Yope, you have just said to me “at what time do i catch my butt ?”
Effectivement demander à une fille à quelle heure elle attrape son c*l n’est pas une accroche très très sensuelle.

Dimanche 8 juillet 2012. Conversation avec le patron de l’hôtel où nous logeons à Kalambaka (région des météores) en Grèce.
Après une série de questions usuelles sur les horaires de bus, le meilleur chemin pour rejoindre les météores,… Je formule une demande disons… particulière.
MAT « Do you know a good price to have a fun tonight ? »
LE PATRON “huh ? what ?... “
BENJO “mais Charpi mais qu’est-ce que tu racontes ? »
MAT ne comprenant pas pourquoi les deux n’avaient pas compris une question aussi simple, je la repose mais cette fois avec le bon mot : « do you know a good place to have a fun tonight ? ». Le patron a certainement du être très surpris que je lui demande le prix (au lieu d’un endroit) pour prendre du plaisir.

POST SCRIPTUM

PS spécial : merci mon Benj de m’aider à survivre et progresser. Comme il me dit souvent “beer or not to beer this is the question, by Shake-the-beer”.
PS merci à tous les étrangers non anglophones qui nous font croire que nous sommes des dieux en anglais, en italien, en espagnol et en allemand.
PS merci aux anglophones de nous faire tant rire quand on leur apprend à dire « merci beaucoup » et qu’ils le prononcent « merci beau-cul »
PS merci à tous ceux que l’on rencontre de bien vouloir se livrer (pour notre plus grand plaisir) à l’apprentissage de l’argot version stéphanoise.
PS musical: Rare earth – get ready (original song from Temptations) et la Danza – Santana brothers.

Sur ce je vais y mettre la viande dans le torchon. Le plum’ m’appelle et la Morphée n’aime pas quand on la faisande.


4 commentaires:

  1. I wouldlike write a joke in english but I can't, I learned Germanin school.

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  2. Write in jock in German, we'll be glad anyway !

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  3. Clémence et Marco16 juillet 2012 à 12:18

    Au restaurant à Bali, Marc a demandé "a snoop" (un fouineur, un espion) au lieu de "spoon" (cuillère)... La tête du serveur, mdr !
    Heureusement, il y a le langage des signes !

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    1. AAAAAAHHHHHH !!! Moi aussi je préfère manger avec un snoop

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