24 mai 2013


Same same but different

Cette phrase est probablement THE phrase-choc du monde commerçant à touristes dans le Sud-est asiatique. Tellement populaire qu’il s’en vend des t-shirts avec l’inscription Same same sur le torse et Different sur le dos. Tout cela pour dire « on vend le même produit qu’à côté mais quand-même un peu différent » c’est-à-dire mieux. Enfin d’après eux.
J’avais donc envie de vous parler de commerce touristique et de l’art qui l’accompagne : le marchandage. Car on vit avec depuis le départ.
Si le marchandage n’est pas qualifié de plus vieux métier du monde (on connait l’heureux élu), il ne doit pas en être bien loin, sur le podium c’est sûr, la pêche à la mouche complétant probablement le tiercé. En tout cas il nous a suivi tout au long de notre route, excepté probablement en France et en Italie (mais que ça démange).
Il faut bien comprendre que marchander est une nécessité. Si l’on ne négocie pas dans ces pays on se fait littéralement arnaquer. (Mais alors, dans les pays où l’on ne peut pas marchander, on se fait arnaquer aussi ?! Je ferme la parenthèse). Et si l’on n’avait pas discuté les prix tout au long du voyage on serait vite entré dans le rouge financièrement. Sachez que tout ou presque est négociable, du prix officiel du ticket de bus, au prix du menu sur la carte en passant par la chambre d’hôtel bien sûr et les cadeaux plus attrapes-touristes que jamais.
Ça se déroule généralement ainsi : le local voit arriver le foreigner, à savoir la proie. On devient son ami très rapidement « My friieeeeennd ». De nôtre côté, il faut jouer les gars détachés, comme si nous venions tous les ans dans leur bled. S’engage alors un rapport de force ou l’on sait rapidement qui a prit l’ascendant, qui a le plus besoin du service/de l’argent. C’est parti.

Les principes, la session des « toujours »
Comme toute loi économique, la négociation est régie par des principes. En voici quelques uns : 
  • Comme on l’a dit, quel que soit l’achat, il faut marchander, toujours. Et si en définitive ils vendent c’est bien qu’ils se font de l’argent. Ne pas pleurer sur leur sort mais pour autant, ils ne roulent pas tous sur l’or, donc leur laisser un mini pécule de bénéfice. Certains touristes sont vraiment des rats.
  • Ne jamais s’attendre à ce qu’il y a affiché dans les catalogues, les menus,… Au mieux vous aurez une bonne surprise. De même, l’imaginaire nous joue parfois des tours. A notre arrivée en Chine, Charpi voulant acheter un chapeau, il regarde la provenance : Made in Thailand ! Quel escroquerie généralisée, on nous aurait menti depuis le début ?
  •  Toujours recompter son argent lorsque l’on vous rend la monnaie. C’est certainement le seul point négatif que j’ai retenu du Vietnam, trois fois on a tenté de m’avoir. Bien sûr, à chaque fois, accepter les plates excuses, c’était évidement tout à fait involontaire.
  • Si concurrence proche, toujours comparer les prix avec le voisin. De manière générale, diviser par deux ou trois selon les pays, sinon plus. Le mieux : avoir les conseils d’un local ou d’un expatrié qui connait les vrais prix.

Tout en couleurs ce birnan

En fin de compte, un bon deal revient à satisfaire les deux parties. Quand tout le monde est content, quand tout le monde pense avoir gagné. A partir de là, une bonne poignée de main et tout le monde repart la tête haute. Mais bon si le vendeur a un grand air satisfait, c’est certainement bon signe pour ses comptes.
Au contraire un deal qui a du mal à se faire c’est lorsque personne ne veut lâcher. L’un pense qu’il paye trop cher, l’autre pense qu’il va pouvoir arnaquer le gars, que ce dernier va lâcher au bout d’un moment. Parfois ça s’éternise un peu trop, chacun ayant le temps devant lui, et ça tourne presque mal. Comme avec les taxis kirghizes ou les proprios de bus (vitre cassée incluse) en Thaïlande, qui ont le sang chaud et qui le font savoir. Dans ces cas là, soit le prendre en rigolant (car c’est drôle) soit répondre en français.
Ce qui est sympa, c’est quand on a des choses à vendre ou qui intéressent les locaux. Par exemple lorsque l’on taillait la route avec nos meules au Cambodge et au Laos. On avait des propositions tous les jours, et à des prix tellement dérisoires. Oui eux non plus ne s’embêtent pas ! Ça nous a aussi désinhibés pour la suite des négociations.
Relativement rares mais ça arrive, les commerçants honnêtes. Et ça surprend ! On arrive souvent chauffés à blanc et le Gabert nous donne le vrai prix. Ah bon ?! Même pas drôle.
Petite précision, sachez que beaucoup de locaux s’appellent Gabert. Un phénomène tout à fait particulier, et quelque soit les pays traversés.

On se fait arnaquer, un point pour eux
Visages pâles, on attire le regard du local qui souhaite nous vendre ses plus beaux produits à des prix ultra-compétitifs. Mais s’ils le peuvent ces experts en la matière ne se priveront pas de nous faire casquer un peu plus que leurs chers concitoyens autochtones.
Il est mieux d’avoir des infos sur le pays où l’on arrive, savoir comment se porte le commerce et se comporte le commerçant. Mais dans presque tous les pays où nous sommes entrés on s’est fait avoir le premier jour. Il est difficile d’apprécier l’honnêteté du vendeur d’une nouvelle contrée et on a souvent tendance à être bonne pomme en pensant qu’il dit vrai. Ou alors on ne souhaite pas trop rentrer dans le tas dès le début. Le lendemain, on se rend compte qu’on s’est fait flouer et on change notre fusil d’épaule, on passe de touriste à négociant.

Combien la casquette Benjo d'Albanie ?

Ces vendeurs sont bourrés de talents, notamment la prédisposition au jeu d’acteur. Comme je l’écrivais il y a quelques mois sur notre « passeur » pour le Pakistan, certains sont de très bons arnacteurs. Ils ont souvent de très belles histoires pour vous embobiner… Avec cela, certains vous font culpabiliser comme jamais, tu as l’impression que leur avenir dépend de ce seul achat « aaaahhhh nooooo, good for you not good for me ». Mais tu vois l’escroquerie arriver quand le voisin livre exactement le même discours. Si certains peuvent postuler au prochain Spielberg, d’autres sont quand-même assez mauvais, faut le dire, ils ont un peu du mal à se renouveler.
Notre première vraie belle arnaque a eu lieu en Albanie je crois, quand on a payé un long trajet en bus au moins deux fois le prix… Encore que deux semaines avant, un gars à Mostar en Bosnie-Herzégovine, nous avait fait pleurer en nous comptant ses histoires de guerres et en réclamant quelques euros à la fin. Pourquoi pas, mais on ne sait jamais s’il dit vrai, s’il est vraiment dans le besoin… En Albanie également, on passe une belle soirée Euro de foot et sortie tardive. A la sortie de la boite, un petit Gabert d’une dizaine d’années commence à vouloir me vendre des babioles en me parlant anglais. Fin d’esprit comme je pense l’être, je l’enchaine en français en m’excusant de ne pouvoir saisir ses propos. Le saligaud me répond dans la langue de Molière ! Piégé ! Je le ré-enchaine en italien, bim il me la remet en rital. Mes quelques mots en espagnol ? Pareil. Foutu, je suis à court. A l’époque je ne parlais ni turque, ni farsi, ni chinois, nippon. Ça c’est du marchand moderne, bravo garçon !
Certains vendeurs plus malins que les autres utilisent un argument difficilement parable quand on ne connait pas le pays ou le produit : « c’est le même prix pour toi que pour les locaux ». Et quand tu ne peux pas vérifier, t’as plus vraiment d’argument, surtout s’il n’y a pas de concurrent dans les parages ou que tu as vraiment besoin d’acheter ce produit ou service. Foutu encore une fois.
Parfois on se fait avoir aussi quand du premier coup ils nous donnent le prix que l’on souhaite ! On a donc surévalué l’achat mais il est trop tard car on est prit au dépourvu, on ne peut pas marchander de nouveau. Là c’est de notre faute. Donc, en gros, toujours donner encore plus bas que ce que l’on croit être un bon prix.
Le marchandage dépend aussi de l’article en question. Pour acquérir nos motos au Cambodge par exemple, ça a été une vraie galère, il a fallu que je prenne sur moi. En terme de deux-roues à moteur, ils ne lâchent rien, j’ai accroché moins de 10% je crois. Une honte j’ai envie de dire mais pas totalement, l’expat’ français qui nous aidait dans l’achat nous affirmant que le secteur est très difficilement porté à la négociation.
Mais parfois avec Charpi on aime ça, se faire arnaquer, ou en tout cas rentrer dans le jeu du négoce. Le plus bel exemple s’étant déroulé à Kashgar, dans l’ouest chinois. En parcourant le bazar du coin, un Gabert nous hèle pour nous vendre ses magnifiques couteaux ouïghours. Comme pour tous les autres commerçants, on le remercie gentiment puis on file. Au retour on repasse devant, il nous rebranche. « Arf, allez pourquoi pas, on va aller voir ce qu’ils valent ces shlasses ». En effet ils ont la classe. Mais surtout Gabert nous est fort sympathique, il est drôle et sérieux à la fois, et fin démonstrateur de ses produits « regarde comme je me rase tout le mollet avec cette lame de compétition. » Malgré les prix assez élevés en dépit d’une vente bien négociée entre les deux parties, nous sommes tout heureux avec Charpi de cet achat. Pour le produit mais presque encore plus pour le contact avec le vendeur.  Par contre il ne nous a pas dit qu’il était interdit de transporter ces couteaux dans le pays. Il nous aura fallu deux chinoises bien attentionnées et des mois de transports pour les acheminer jusqu’à notre mère patrie (à ce jour ils ne sont toujours pas arrivés d’ailleurs).
Le meilleur arnaqueur étant celui qui allie tout à la fois : il se trouve à la frontière de son pays ou presque, il a de belles histoires parfois en te faisant culpabiliser, il parle plusieurs langues, il est sympa (ce qui ne le classe pas vraiment en escroc), il nous dit que c’est le même prix que pour les locaux… Celui-là c’est un champion.

Marchand de tapis

En dehors de quelques expériences positives comme celle du coutelier, le problème c’est que l’on devient un peu parano et méfiant envers tous les commerçants. On a l’impression que tout le monde nous escroque ! Quoi qu’il en soit, l’idée est de négocier dans la bonne humeur, c’est un jeu, et si l’on n’est pas content du prix, on prend la tangente. De même, si l’on sait qu’on se fait arnaquer et qu’on n’a pas le choix, que l’on doit acheter, eh bien tant pis, c’est l’jeu ma pauvre Lucette ! Bon, parfois ça énerve soyons honnêtes, et là mieux vaut avoir une vitre à côté de soi plutôt que quelqu’un.
Un beau négoce, c’est quand ça se passe dans une bonne ambiance et que tout le monde est ravi à la sortie.

On a du répondant, un partout balle au centre
Après quelques mois, on a quand-même bien progressé dans l’art du marchandage. Et on a pu apprendre quelques méthodes nous rendant la vie plus facile. Voici quelques fondamentaux pour vous aider lors de votre prochaine négociation :
  • Il est plus aisé de négocier lorsque l’on parle quelques mots de la langue du pays. On passe moins pour un bon gros touriste consommateur, mais plutôt pour un admirateur du pays, de sa culture et de ses Hommes. En les prenant ainsi par surprise, ils s’attendrissent.
  • Vérifier deux fois le produit vendu. Comme au Vietnam où les magasins North Face fleurissent à tous les carrefours. Faux, pas faux ? Le plus simple est de vérifier par soi-même la qualité des coutures. J’ai testé deux fois, ça a craqué deux fois. Faux.
  • Se servir de sa carte de la sécu afin de justifier son statut d’étudiant. Beaucoup plus aisé si le pays concerné utilise un autre alphabet et que le niveau d’anglais des guichetiers n’est pas transcendant.
  • Si on sait que l’on se fait arnaquer mais que l’on a plus le choix dans l’achat du service/produit, arnaquer le vendeur à son tour. Lui soutirer quelques piécettes par exemple, sans qu’il n’en sache rien. Il croit nous avoir eu, on s’est un peu rattraper sur son vol, tout le monde est content.
  • Le travail de groupe. Les semaines et négoces passants, on a apprit à bosser en équipe. Le plus souvent, il convient de jouer au méchant et au gentil. On faisait ça à tour de rôle. Le premier arrive, tout gentil « merhaba, salaam, ni hao, sabaydee… » il engage la conversation, la négociation… et le second attend derrière, fait la gueule déjà avant de savoir le prix. Lui n’est pas sympa, jamais content du résultat. Ça marche assez bien ! Mais on n’est pas les seuls à l’utiliser cette technique. Avec mon histoire de vitre de bus c’était pareil chez les flics avec des gentils et des nerveux. J’ai bien capté leur manigance en direct mais là c’était une autre histoire.
  • Autre approche dans la négociation, tenter de faire culpabiliser le vendeur. Un peu la spéciale de Charpi avec au bout de quelques minutes de négociation le fameux « mon père n’est pas un riche américain, je ne suis pas le fils de Coca-Cola bla bla bla ». Relativement efficace.
  • Efficace également quand cela s’envenime un peu, passer dans sa langue natale. S’énerver, lui sortir exactement les mêmes arguments mais en français, Gabert est alors prit au dépourvu et l’on reprend un peu le dessus.


Si vous avez vu le film Argo, vous avez vu cette rue du bazar de Tehran

Quelque soit le type de négociation, l’idée est de surprendre l’adversaire. Il lui faut de la nouveauté, soit pour lui faire plaisir et l’amadouer, soit pour le prendre au dépourvu.
Et on a progressé bien sûr. Par exemple, pour mon séjour à la Baie d’Halong au Vietnam, sur le bateau d’une vingtaine de personne, j’étais celui qui avait le mieux négocié, et de loin. Lors de la Full Moon Party en Thaïlande, j’ai continué mes habitudes de tourdumondiste à marchander tout ce qui s’achète. Je passais un peu pour un hurluberlu dans cette île où les gens viennent pour dépenser leur argent l’espace de vacances de trois-quatre semaines, mais au bout du compte tout le monde était bien content quand je parvenais à nos fins.
Le marchandage ça fait vraiment partie du voyage, de ce voyage. Au-delà de toutes ces petites anecdotes et pitreries, c’est un réel plaisir où s’installe la plupart du temps un échange chaleureux et humain entre deux inconnus étrangers. Cela étant surtout vrai dans les pays où les touristes se font rares. Et je le répète, une bonne négociation, c’est lorsque tout le monde est ravi à la fin, avec un bon serrage de mimine.

Le frelon d’or : Un grand moment d’arnaque et de rigolade en Ouzbekistan. A la sortie d’un taxi collectif sur la route de la frontière kirghize, mécontent du retard conséquent de ce taxi, et à la limite de rater le passage à la frontière en raison de l’heure tardive, je ne donne que 100 billets au pilote au lieu des 105 prévus (pendant que Charpi marchande le taxi suivant). Evidement il fait la gueule, me le fait savoir, commence à me parler de plus en plus prêt et de plus en plus fort, ce qui est tout à fait illogique soit dit en passant. Je n’ai pas l’attention de lâcher et lui fait comprendre qu’il nous a un peu roulé dans la farine avec ses promesses de gascons.
Ça s’envenime gentiment et je mets mon option langue maternelle en route, en français dans le texte (édulcorés pour les bienfaits de cet article) « cessez de nous prendre pour des imbéciles, vous nous racontez des salades depuis le début, vous n’avez pas tenu votre promesse de temps et de loin, on ne vous paie donc pas le montant sus-négocié, je m’en steak de tes faux arguments etc ». Et là messieurs et dames devant vos oreilles ébahies, le gars nous sort (devant une dizaine de gars qui s’étaient attroupés) « je m’en steak » avec un accent parfait, une diction limpide, un sérieux digne d’une réunion au Grand Lyon. Et là avec Charpi on est tombé mort de rire, c’était parfait pour détendre l’atmosphère, on a toujours pas payé les cinq soms quémandés mais on s’est bien marrés, eux comprit.

Non mais helo quoi ?!

La pompe à vélo : Bien sûr on s’est fait arnaquer un peu de partout ça fait partie du jeu et c’en est presque marrant avec le recul. Cependant sur les deux premières marches des arnaques un peu difficiles à digérer sur le moment, on mettra le coup des faux visas pakistanais et la vitre du bus thaïlandais. « Bravo » à eux.
Le Fun : En visite dans la moyenâgeuse cité de Bagan en Birmanie, je fais front devant les vendeurs à la sauvette qui lancent des yes sir ou des buy for me à tout va. Attiré du regard par quelques peintures sur sable d’un jeune birman, celui-ci commence à me vendre ses produits en anglais. Malgré mon exceptionnel accent de la perfide Albion, il repère que je mange des grenouilles et me lance timidement en français un « té main sert ta lequer » ou quelque chose comme ça. Tout comme vous je n’ai rien comprit, je lui ai donc demandé de répéter ses dires et là je percute après son deuxième essai, toujours aussi timide et confus : « c’est moins cher qu’à Leclerc ». LA CLASSE mon Gabert en herbe !

Benjo

PS Musical de Benjo : Le petit bonheur, de Felix Leclerc
PS Musical de Charpi : Lé ou lov, de Jean-Michel Rotin

18 mai 2013


Un joyeux foutoir !

La Malaisie. L’ai-je bien comprit ce pays ? J’y aurai passé environ un mois et demi et je ne sais toujours pas vraiment de quoi il en retourne. Encore qu’avec le temps je commence à comprendre que, tout simplement, ce pays est insaisissable, et c’est bien ça qui en fait son identité.
Ne sachant vraiment que dire sur cette contrée étrange, je me suis donc posé à la terrasse d’un café-resto indien, au cœur de la ville, dans l’espoir de faire naître quelques idées. Un peu en hauteur sur la rue et la populace, ça m’aidera peut-être à libérer mon écriture.
D’abord je vais tenter de vous décrire le coin et l’instant, afin que vous voyagiez un peu avec moi. Il est 16h, le temps a tourné au grisâtre, de plus en plus sombre d’ailleurs, l’orage quotidien de la fin d’aprèm ne devrait plus tarder, les éclairs et grondements se rapprochent. En général, l’orage est accompagné d’une pluie torrentielle, pendant une heure tout au plus. C’est bien ça rafraichit l’atmosphère lourd et pollué de cette ville à voiture. Je me suis posé à côté de la Pudu Bus Station, à deux pas de China Town. Devant mes yeux (pas trop ébahis), une petite rue en pente, à sens unique, des voitures garées plus ou moins correctement, le chantier d’un nouvel immeuble, des façades délavées, deux cocotiers, un arbre inconnu, un coiffeur indien, un resto indien (avec de très bons Tosai), une épicerie tenue par des indiens, et un petit temple hindous avec quelques… indiens qui vagabondent autour. Un peu plus loin, un immeuble en construction avec ses grues sur le trentième ou quarantième étage. Derrière le bar, un gratte-ciel d’une banque locale…
L’orage approche, ça commence à taper, ça commence à tomber. Replis stratégique ? Je vais attendre encore un peu.
Vous l’avez compris, je suis dans un quartier indien, un petit Little India. Dans la rue ça marche lentement, normal ce sont des indiens (j’y reviendrai), tous les motocyclistes ont leur veste retournée (en mettant la fermeture éclair à l’arrière) pour se protéger du vent, du froid, de la pluie, et surement aussi pour être à la mode. Le port du casque est respecté, on est en Malaisie, un pays nouvellement « développé ».

Merdeka Square, "centre historique" de KL

Oui la Malaisie est économiquement plus développée que tous ces voisins du Sud-est asiatique, si ce n’est le micro-Etat Singapour. Le pays est sur les traces de la Corée du Sud ou de Taiwan, qui ont atteint les standards de richesses occidentaux.
Je suis ainsi à Kuala Lumpur, KL pour les intimes, la capitale. Cette ville c’est un sacré chantier, ce qui ne m’a donc pas aidé à cerner le pays. N’arrivant pas à me repérer au milieu de cette jungle urbaine, je suis monté dans les hauteurs, à la KL Tower, à presque 300 mètres au dessus des centres commerciaux. Ça a confirmé mes impressions : il n’y a aucune cohérence urbaine. Il y a quelques gratte-ciels, avec un parc, quelques habitations plus ou moins ghettos, des travaux, tu crois que c’est tout mais en fait ce plan se répète de partout ! Il y a une dizaine de villes dans la ville. KL n’est pas ancienne, ses plus vieux bâtiments remontent au XIXème, et l’expansion qui s’en est suivi ne s’est pas franchement basée sur le cardo et le decumanus romain. Entre ces quartiers, des métros aériens, des autoroutes urbaines, des centres commerciaux à ne plus savoir qu’en faire. Quand un pays se veut « nouvellement développé », il se doit de construire des centres commerciaux, c’est la base. Mais un anglais du nom de Nick me disait que cela s’expliquait aussi car il y a peu de rues commerçantes comme en France par exemple, et car ces centres sont climatisés donc les gens y vont de bon cœur !
Une clochette a retenti dans le temple hindou voisin, ils ont allumé les lumières, ouverts les portes. Attendons sagement de voir ce qu’il s’y trame.
Nom de dla, ça commence à dracher sévère, les pas s’accélèrent, le bruit de la pluie couvre désormais la pop malaiso-indienne du bar.

Vue de la KL Tower, où est passé le centre ville ?

La ville est une foire, le pays… Bref, je crois que ma difficulté à cerner ce pays vient de sa population. Plus exactement de ses populations. Une grande diversité, née d’une histoire aux multiples rebondissements et occupants. Depuis tout temps habité par les autochtones malais, la péninsule a vu de nombreux voisins et européens venir mettre leur nez dans ses affaires. Pour une raison stratégique : le pays étant sur la route navale entre l’Orient chinois et l’Occident, via le détroit de Malaka. Les portugais sont arrivés au XVème, les hollandais ont prit le relais, puis les anglais, virés finalement en 1957. Les chinois eux ont toujours été là, et représentent désormais 30% des malaisiens (habitants de la Malaisie, quelque soit leurs origines). Les indiens 10%.
Ces dernières décennies, avec la volonté des politiques de faire du pays un nouveau Dragon d’Asie, la main d’œuvre bon marché a afflué de tous les pays : Bangladesh, Birmanie, Philippines, Indonésie, Pakistan et autres contrées exotiques, cela fait donc un mélange détonnant ! N’en ayant pas assez, je me suis fait une session Couchsurfing avec trois nigérians et un yéménite. Pour le coup, les politiques ne sont pas racistes pour un sous. Si tu veux venir pour dépenser de l’argent et/ou travailler, t’es le bienvenu ! L’Arche de Noé version contemporaine.
Qui dit peuples différents dit religions différentes. Les malais (comprenez les habitants originaires de l’île) sont pour grande majorité musulmans, les chinois surtout bouddhistes, les indiens hindous, et quelques églises font encore office de temps à autre (notamment pour un de mes nigérians, un autre étant musulman, compte les points). En se promenant à Malaka, capitale historique, c’est vraiment surprenant de voir tous ces cultes pratiqués sur quelques dizaines de mètres. Ça commence par la mosquée qui te réveille à cinq heures du mat, à gauche un temple bouddhiste qui t’infuse ses encens, à droite une église qui sonne à midi, puis un temple hindou qui sonne également et dégage des odeurs étranges, et de l’autre côté de la rue un temple taoiste. Pour la nouvelle religion capitaliste, vous me rajouterez un McDo, un Starbucks, un Carrefour et bien sûr l’Apple Store.
Enfin bref un joyeux foutoir. J’utilise sciemment « joyeux » car en dépit de cet éventail de croyances, les conflits sont rares, ce qui est fort agréable.
Dans le petit temple ouvert aux quatre vents, j’entends une sorte de trompette, et une vingtaine d’indiens, hommes et femmes, font la queue devant des divinités, que certains arrosent. Nombreux hommes sont torses-nus, serviette blanche autour de al taille. Les plats cuisinés, les fruits défilent devant ces statues… l’autre jour à l’extérieur de ce même temple, ils fracassaient des centaines de noix de coco sur le sol en récitant une petite prière.
La pluie et l’orage se sont un peu calmés, que passa ?

Les Petronas Twin Tower de KL

Un sacré mix donc qui se voit sur les facies d’une part : les malais, les indiens, les tamouls, les chinois et quelques occidentaux et africains ça et là. Et qui s’entend dans les voix d’autre part. Là aussi c’est un joyeux foutoir ! En gros, les malais parlent malais, les chinois parlent cantonnais et/ou mandarin, les indiens hindi, mais d’un peuple à un autre, ils utilisent essentiellement l’anglais. Il n’est pas étonnant d’entendre un mot ou une phrase en anglais quand deux malais se parlent entre eux. Les inscriptions sont en malais, anglais, chinois, voir arabe ou hindi. Avec mes nigérians, je n’étais pas aidé. Véridique, quand ils parlaient entre eux parfois je ne savais pas si c’était de l’anglais ou du yoruba, une des langues du Nigéria. Ils ont un morceau d’accent, c’était caricatural. Trop drôle.
La musique live envoie des watts dans le temple, trompette, percu et clochette ! A mon resto-bar, quelques indiens (moustache à l’appui) et une table avec trois jeunes femmes malaises, deux enturbannées et une habillée à l’occidentale. Club mais pas binouze.
Particulier ce pays car il se veut moderne et riche, mais il conserve de vieilles traditions. Vous avez peut-être entendu parler des élections générales tenues début mai. Le Barisan National au pouvoir depuis l’indépendance l’a miraculeusement gagné devant la coalition d’opposition, le PR (Pakatan Rakyat, Alliance du Peuple), en dépit de sondages pré-électoraux peu optimistes. Ici tout le monde sait qu’il y a eu de la triche à grande échelle sur ces élections. A l’ancienne ! Deux méthodes ont eu la faveur du BN : l’utilisation d’une encre effaçable pour cocher les bulletins (et donc pour les corriger) et l’attribution d’une enveloppe de 500 à 1000 ringits (125 à 250 €) en cash pour les travailleurs clandestins, afin qu’ils ne se trompent pas de bulletins. Clandestins vous aurez noté, mais peu importe, l’espace d’une journée, on leur offrait des droits.
C’en est fini de la cérémonie, un coup de balai sur le sol, un peu d’eau sur les pieds, on renfile les tongues et hop chacun rentre chez soi.
Lors de la campagne il était surtout question de corruption et de discrimination ethnique. Passons la corruption, vous connaissez. La particularité vient du système actuel qui offre aux malais des aides financières que les chinois ou indiens n’ont pas. Même s’ils sont tous malaisiens, ils n’ont pas les mêmes origines et donc pas les mêmes droits. Même si les malais (les musulmans originaires de l’île, si vous avez bien suivi) avaient tout intérêts à voter pour le parti au pouvoir, ils n’en voulaient plus, mais n’ont pas été entendu. C’est donc reparti pour quelques années sur les mêmes bases. En gros les malais, dits fainéants, contrôlent les institutions et les postes intéressants et bien payés (administration, prof etc), les chinois triment comme des malades et contrôlent l’économie, et les indiens regardent le match, tranquillou. Et comme les afghans en Iran ou les birmans en Thaïlande, le pays a ses travailleurs de force : bengalais, philippins, indonésiens, paki…
Ils ont reprit avec un grosse cloche maintenant, la trompette toujours. Au bar, les ventilos sont toujours à fond, mais ça va il ne fait plus trop lourd, la pluie a rafraichit la ville. Le soleil n’est même plus très loin, ça s’éclaircit !
Voila tout, un joyeux foutoir. Entre traditions et modernité, entre diversité ethnique et religions du monde : la Malaisie.

Depuis mon bungalow à Tioman Island

Le frelon d’or de la semaine. Outre Tioman Island, je dirais ce petit séjour aux Cameron Highlands, à quelques heures au nord de KL. Une vraie bonne jungle, un bon resto-cantine indien, et surtout quatre backpackers au long cours comme moi avec qui j’ai pu partager. On s’est vite comprit, on a un peu la même histoire… Je me suis quasi retrouvé au bazar aux bestiaux à Kashgar, dans la province de Xinjiang, en Chine profonde.
La pompe à vélo de la semaine. J’en ai deux. Je ne pouvais pas l’omettre : la déforestation au profit des palmiers, afin d’en tirer la sacro-sainte huile de palme, que nous utilisons tous les jours dans quantité de nos produits (Pringles, Magnum, L’Occitane, Dove, McDo…). Des territoires entiers sont rasés, les indigènes Orang Asli gentiment « déménagés », les sols meurent, les espèces animales et végétales aussi. Ça fait peur à voir ces palmiers sur des dizaines de kilomètres le long des belles autoroutes, et c’est la même en Indonésie. Si possible, évitez cette huile destructrice…
La deuxième pompe à vélo de la semaine s’adresse directement à la Reine du Commonwealth, pour ne pas dire de la d’Angleterre, qui rechigne à me passer mon visa australien. Une longue histoire je vous l’épargne, mais qui va abréger mon trip. C’est pas grave, j’en ai déjà bien profité, et surtout ce n’est pas fini !
Le fun de la semaine. Que ce soit à Tioman ou ailleurs en Malaisie, il m’arrive de demander ma direction à une charmante damoiselle plutôt qu’un vieux tout sale. Mais quelle n’est pas ma surprise lorsque qu’elle me répond parfois avec la voix de Richard Bohringer. Un ladyboy, ou une shemale, je ne sais pas je ne suis pas expert.

Benjo

Allez, il est 18h tout rond, je vais aller dans un Mall tenter de faire une bonne affaire pour des pompes.

PS Musical de Benjo : Get lucky, de Daft Punk
PS Musical de Charpi : 96 degrees in the shade, de Third World

8 mai 2013


A bout de souffle

Ennzzzoooooo !!!!
Lors de mon passage en Thaïlande, j’ai découvert un peu par hasard le monde de l’apnée, et ça m’avait vraiment prit au corps. En route pour la Malaisie, on me conseillait alors de passer sur l’île de Tioman, à l’Est de la péninsule, apparemment le seul endroit où pratiquer la discipline. Un instructeur passé par l’école d’apnée de Koh Tao et une tenancière de bungalow folle du monde sous-marin, Pete et Stella, au Swiss Cottage de Tioman Island, voila l’objectif. Je vais vous parler un peu de ce séjour et de cette discipline.
L’apnée (freediving ou apnea en anglais), tout le monde connait en France grâce au Grand Bleu de Luc Besson, avec Jacques et Enzo, un film hommage à Jacques Mayol, sympa mais qui a un peu vieillit faut bien l’admettre. Heureusement Jean Reno était encore au top à cette époque. On peut faire de l’apnée pour les performances, en temps et profondeur, mais aussi pour profiter pleinement du snorkeling (regarder les poissons avec son tuba, en surface ou quelques mètres dessous). Tant que j’étais avec des pro, j’ai pu tester quelques performances, mais ça m’a permit surtout d’acquérir les bases pour être à l’aise dans ce nouveau milieu.

Tioman est une charmante île, élue plus belle du monde dans les années 1970 et faisant encore partie du top dix parait-il. Quels sont les critères ? Les belles plages, la jungle, les fonds sous-marins plutôt préservés, les cascades, les autochtones détendus et accueillants, un tourisme peu offensif ? Je ne sais pas, peut être un peu de tout cela. J’ai passé du bon temps à Koh Tao, mais ce n’est pas vraiment la Thaïlande, c’est Touristland. Ici on est vraiment en Malaisie, la majorité des instructeurs (et des gens !) sont locaux, les restos sont remplis de malais, il n’y a pas de beach party dans tous les sens, pas de concours de beau gosse surfeurs australiens. On est au pays quoi !

Franchement, rien à redire

Morceau de terre déjà évoqué par les commerçants arabes il y a deux millénaires, elle a vu les français débarquer à la fin du XIXème. Enfin, UN français, Marie David de Merena, un général sous Louis-Philippe. Voulant devenir roi d’une île (après tout pourquoi pas, chacun sa passion), il choisit Tioman. Faisant comme chez lui et se considérant roi il importa des animaux, des plantes, vendit des malais en esclaves à Madagascar (c’est pourquoi il y en a là-bas de nos jours)… A l’aise le gars ! Et ceci durant une quinzaine d’années avant qu’il ne disparaisse, parait-il tué par un serpent lors d’une chasse dans la jungle.
La forêt, bien préservée, doit effectivement occuper 99% de la surface de l’île. Quelques balades, même de deux trois heures, suffisent pour que l’on ne veuille s’y perdre. Une humidité à s’y noyer, des bruits tous plus étranges les uns que les autres, des singes, et insectes gros comme trois doigts, des varans tout mignons de presque deux mètres, et des plantes qui te grattent pendant des jours ! La jung’ quoi ! A part ça il y a donc quelques villages repartis tout au long de la côte, avec une route (qui ne fait pas le tour de l’île, forêt oblige), quelques bungalows, magasins et restos autour, puis la plage. Et pis c’est tout. La mer, et ses coraux, abimés voire morts le long des plages, mais de toutes les couleurs sur les petits îlots au large.
Parti pour rester trois-quatre jours, puis prolongeant toutes les deux nuitées, le séjour dura en fait trois petites semaines. Une nouvelle fois, des vacances dans le voyage. En dehors de quelques petites aventures au milieu de la jungle, quelques bringues, de la cuisine et du benchmark de restos locaux, j’ai donc passé mon séjour sur une plage de cinq cents mètres, avec ma cabane à une extrémité et le Swiss Cottage de l’autre où je retrouvais Pete l’instructeur canado-hollandais et Stella la tenancière malaise (et un peu suisse quand-même).
Ayant fait une formation de débutant à Koh Tao, j’ai donc poursuivi les cours, pour descendre jusqu’à trente mètres, le long d’une ligne. Après ces quelques jours de formation, ça n’a rien d’extraordinaire, c’est le lot de presque tous les étudiants. Et toi aussi cher lecteur si tu t’y mets demain !

Coucou c'est bibi !

Et pour en arriver là, on nous explique comment fonctionne notre corps sous l’eau, comment il réagi lorsqu’il est en manque d’oxygène, et on apprend simplement quelques techniques de relaxation-respiration, souvent empruntées au Yoga.
Lorsque l’on immerge notre visage sous l’eau, nous nous transformons en mammifère marin (enfin presque) et nous en acquérons les reflexes. Notre physiologie évolue afin de nous aider dans ce nouvel élément.

Tout d’abord la bradycardie, le ralentissement du rythme du cœur. A chaque battement nous consommons de l’oxygène donc celui-ci, en ralentissant automatiquement, réduit la perte d’O2. C’est pour cela qu’il faut garder son calme sous l’eau, ne pas faire battre son cœur trop vite. De plus, la profondeur, ainsi que la différence de température entre l’air et l’eau, déclenche le refoulement du sang des membres inférieurs et supérieurs vers les reins, le cœur et le cerveau, là où il y a vraiment besoin d’oxygène. Enfin la contraction de la rate permet, lorsqu’elle est compressée par la pression (quand elle ne fait plus que 20% de son volume, à partir d’une trentaine de mètres), d’augmenter le taux d’hémoglobine, donc d’oxygène, dans le sang.
Bon déjà, en sachant tout cela, on est rassuré. On n’est pas seuls, notre corps bosse pour nous, notre physiologie évolue par elle-même. Ensuite on apprend qu’au bout d’un moment (presque quatre minutes en statique pour moi), que ce soit sous l’eau ou sur terre, notre corps a des contractions thoraciques. Phénomène très étrange au début et qui peut vraiment inquiéter si on ne sait de quoi il s’agit. On se dit qu’il y a un problème. Ces contractions sont en fait là pour nous aider à tenir davantage, il faut les apprivoiser, les aimer, autrement on stress et on craque. Au début lentes (une toute les 3-4 secondes), elles se font plus rapides au bout de quelques dizaines pour enfin imprimer un vrai tempo, en plus du rythme cardiaque.
Conscient que ces contractions sont naturelles, cela déstresse aussi et on peut prolonger le séjour. Pour autant, si j’en ai des dizaines en statique, je n’en n’ai eu que quelques unes en mouvement à plusieurs mètres sous l’eau et ça reste peu agréable, on veut de l’air ! Et en gigotant dans les fonds je ne tenais pas bien plus d’une minute trente.  Pour l’instant. Je n’ai pas trop poussé...
Avec la connaissance des contractions et des réflexes de mammifères, nous voila bien armés, et tout cela sans rien faire !

Un "bat-fish"

Mais pour rester un peu plus longtemps sans ouvrir la bouche, il faut faire quelques exercices d’échauffement. Il existe de nombreuses techniques selon le type d’entrainement, le type d’apnée, sur terre ou sous l’eau, en statique ou en mouvement. L’objectif étant d’inhaler le maximum d’oxygène, et pour ce faire, il faut essayer d’élargir le volume de ses poumons. Comme pour les chanteurs. Une technique consiste à remplir d’abord le ventre, puis la cage thoracique, puis la poitrine, et un dernier petit coup avec les épaules (oui oui). Et même à l’extrême on peut inspirer encore un brin avec une technique de succion appelé « packing ». La façon d’expirer est aussi importante, lente et contrôlée. Cette technique de respiration convient pour les descentes en profondeur et le snorkeling quelques mètres sous l’eau, en mouvement. Pour l’apnée, on se concentre sur le ventre et la poitrine.
Combinez cela à un temps précis d’échauffement, un nombre précis de respirations, entrecoupées d’autres simples, de récupérations, et vous êtes fins prêts !
Vous remarquerez que je ne vous donne pas toutes les recettes car faire ça sous l’eau s’avère quand-même un tout petit peu dangereux, surtout si l’on est seul et qu’il n’y a personne à côté avec un minimum d’expérience. En fait, comme la plongée en bouteille, ce n’est absolument pas dangereux si l’on fait ça dans les règles. Mais il est par exemple interdit de pratiquer cette discipline seul, notamment quand on veut taper du record. Ce que j’ai évidemment cherché à faire le premier jour à Koh Tao, ce qui m’a valu une « samba » comme ils disent, à savoir une sorte d’évanouissement. Au bout de trois minutes de statique, c’est-à-dire en surface mais corps et tête sous l’eau, l’instructeur à côté de moi commençait à contrôler mon attention en me serrant les poignets par exemple. Je devais faire de même pour lui signifier ma conscience, mais au bout d’un moment je n’ai plus répondu. Le problème c’est que l’on ne se rend pas vraiment compte lorsque l’on perd (un peu, c’est pas méchant) conscience. Je me suis alors retrouvé en plein rêve, c’était trop bien, il n’y avait pas le long couloir et la lumière blanche heureusement, mais j’étais bien. Mais je me suis senti encore mieux lorsque l’instructeur Greg m’a réveillé. Ma foi, depuis je pousse moins dans le mental, mais je suis content de l’avoir vécu car maintenant je sais que je n’ai pas envie de rêver de nouveau ! Quand on push comme on dit, les lèvres deviennent bleues, puis la tête… là ça commence à sentir le roussi.
Ah oui, si vous faites du snorkeling pour regarder les petits poissons à quelques mètres de profondeurs, ne gardez pas les poumons pleins car l’air vous fera remonter à la surface, telle une bouée. Il faut expirer une bonne quantité d’air ce qui nous aide à rester au fond, mais on perd en temps. Phénomène étrange aussi, lorsque l’on arrive au point de flottabilité, à une dizaine de mètres. Au dessus, on remonte automatiquement à la surface, en dessous, on chute vers les abimes…

N'oublions pas que l'on est au milieu de la jungle quand-même


Connaitre tout ça m’a permit surtout de profiter des fonds marins de Tioman. Selon moi moins riche en coraux que sur Tanote Bay à Koh Tao, mais j’ai quand-même pu voir des bonnes tortues, des bons requins (deux mètres grand max), pleins de bestioles bizarres et surtout on est vraiment peinard. Pas grand monde. Parfois quelques plongeurs en bouteille et c’est vraiment marrant d’être avec eux par cinq dix mètres de fond. Tricheurs.
Comme je le disais dans un autre post, je ne suis pas forcement marin comme gars. Plutôt terrien. Dans les premiers temps, les sensations ne sont pas très bonnes car je ne me connais pas bien, je ne connais pas mes reflexes physiologiques. Ça fait un peu peur. Et le stress fait vite perdre de l’oxygène « non je ne vais pas y arriver, il me manque de l’air, faut que je respire… ».
L’idée, que l’on soit sous l’eau, en statique ou sur terre, est vraiment d’être calme, d’avoir des pensées positives, ne pas stresser, ne pas penser au temps qui défile. Aussi, ne pas perdre d’énergie dans des mouvements inutiles. Quand on sait que l’on peut rester plusieurs minutes en statique, cela rassure aussi lorsqu’on se retrouve dans les profondeurs. Un petit coup de stress ? « T’en fais pas c’est dans la tête tu sais que tu peux tenir bien plus longtemps ». Et ça repart.
Au bout d’une semaine ou deux, je suis arrivé à plus me détendre et à totalement apprécié le temps passé à cinq ou dix mètres, à observer les fonds pendant un petit moment. Plus on se calme, plus on fait confiance dans l’élément qui nous entoure et plus on oublie le monde extérieur. Il n’y alors qu’à profiter de ce grand bain, se laisser aller… what else ?!

Stella la tenancière suisso-malaise et Pete le pro-apnéiste canado-hollandais

Le frelon d’or de la semaine. Simplement d’avoir passé ces journées à Tioman avec une bonne équipe, Ada, Stella la malaise, Alice sa maman la suisse, Pete le vieux prof^^, tous les malais du Swiss Cattage et d’ailleurs, les touristes qui allaient et venaient et nous qui restions, les chats, les poissons, les requins, les tortues… une ambiance de village. Ça n’a pas toujours été le cas durant ce trip, mais sur cette île, j’ai privilégié l’étape à la distance, la rencontre à la visite, la nonchalance à l’empressement… comme dirait Patrick Manoukian dans son livre « Le temps du voyage » (merci BB).
La pompe à vélo de la semaine. Franchement rien de spécial ! Le seul souci c’est mon oreille droite. J’arrive bien à évacuer la pression en descendant dans les profondeurs mais après coup je reste à moitié bouché… énervant.
Le fun de la semaine. En Malaisie je suis un Egg-Burger ! En effet, c’est la traduction de Benjo ! Alors du coup je me suis gouté, et j’ai été plutôt désappointé. Franchement c’était da-ga-lasse, tout plein de ketchup et de mayo, gras comme jamais, pain en carton, sans gout… pas moi quoi ! Mais ça m’a fait connaitre dans l’île, enfin surtout au resto-cantine, où la patronne se faisait un plaisir de gueuler mon prénom-egg-burger à chaque fois que je passais dans les parages.

Benjo

PS Musical de Benjo : Crosstown Traffic, de Jimi Hendrix
PS Musical de Charpi : Respectable, des Rolling Stones