28 août 2012


Un post stone complètement Stones

En voyage, j’aime bien prendre un bouquin ou deux à feuilleter quand l’envie m’en prend. Sur une plage, en attendant un döner ou encore dans un bus non pourvu de TV. J’aime également quand je ne choisis pas ces livres de voyage. Je n’ai pas choisi l’autobiographie Life de Keith Richards (« Keef »), le guitariste des Rolling Stones, et je ne le regrette pas. Je ne l’aurais peut-être jamais lue si elle n’avait pas atterri un peu par hasard entre mes mains (merci Gui Roux quand-même). Quoi qu’il en soit je l’ai dévorée ; le Benj’ aussi d’ailleurs. Nous avons été gentiment bouleversés par le déroulement de sa vie : les rencontres, les anecdotes, les flamboyances et les désastres. Bref, nous nous battions littéralement pour lire cette tranche de life telles des groupies à bout de souffle. Nous voulions donc vous faire ressortir quelques réflexions tirées de cette œuvre déjà légendaire.
Lancez y donc un Can’t you hear me knocking tiré de l’album Sticky fingers, 1971.
Bien entendu les « musicos » du monde entier s’y reconnaîtront un peu plus. Ça parle d’instruments, de rock and roll… mais tous, vous pourrez un peu imaginer nos états de transe quand nous plongions dans la lecture et de manque maintenant que c’est fini… On espère que Mick Jagger prépare la riposte.

The Rolling Stones, vieux. De gauche à droite : Charlie Watts, Keith Richards, Mick Jagger et Ron Wood

Keef évoquant ses débuts à la guitare
« En 1959 […], oui j’ai commencé par où tout bon guitariste se doit de commencer : par le basique, la guitare acoustique et les boyaux. [ …]. C’est pareil pour tout. Y compris si tu diriges un bordel. [ …]. C’était juste un moyen pour parvenir à une fin : produire un son. [ …]. D’abord il faut maîtriser cette saloperie d’instrument. Il faut dormir avec. Si t’as pas de nana sous la main, tu couches avec ta guitare. Ça tombe bien, elle a la forme qu’il faut. »
==> Gimme shelter tirée de Letit bleed, 1969 (une composition initiale de Keef au moment où justement sa nana est dans une baignoire avec Mick, il est seul… la tempête gronde dehors. It’s just a shot away…)

Keef sur l’origine du nom du groupe
« Après avoir calculé combien ça nous coûterait, Brian Jones (guitariste, membre des Rolling Stones jusqu’en 1968, décédé un an plus tard) a appelé Jazz News, qui était une sorte de catalogue de tous les spectacles, et a dit : « on fait un concert à…
- C’est quoi le nom de votre de votre groupe ? ». On s’est regardé. « Ça » ? « La chose » ? Attention, le compteur tourne. Muddy Waters à la rescousse ! La première chanson sur son album Best Of s’intitule « Rolling Stone ». La pochette est par terre. En désespoir de cause, Brian, Mick et moi plongeons sans réfléchir : «  les Rolling Stones ». Waouh !! On avait économisé six pence. »
==> I just want to makelove to you tirée du premier album éponyme the Rolling Stones, 1964. Les Stones ont commencé par reprendre tous les standards de jazz et de blues à leur sauce, leurs premiers albums ne comportent que très peu de composition originales. Ici ils rendent hommage à Muddy Waters. Normal !

Séance de boulot avec Mick

Keef et la première composition des Stones
« L’histoire selon laquelle, Andrew Oldham, producteur de l’époque, nous a enfermé un jour dans la cuisine, à Willesden, et nous a dit : « allez, pondez un morceau » n’est pas une légende, ça s’est vraiment passé comme ça […] J’imagine que c’est parce que Mick et moi on trainait tout le temps ensemble à cette époque. C’est comme ça qu’Andrew l’a expliqué par la suite : « j’ai supposé que puisque Mick était capable d’écrire des cartes postales à Chrissie Shrimpton, mannequin et actrice anglaise, et que Keef pouvait gratter une guitare, ils devaient être fichus de composer des chansons ». Donc on a passé toute la nuit dans cette cuisine de merde, et bon, on était les Rolling Stones, quasiment les rois du blues, et on avait à manger, et on pouvait pisser par la fenêtre ou dans l’évier, alors ce n’était pas la fin du monde. Et j’ai dit à Mick : « écoute, si on veut sortir d’ici, on a intérêt à pondre quelque chose ». Curiosité de l’histoire, c’est Marianne Faithfull qui a enregistré en premier As tears go by (notre première compo originale) et qui en a fait un hit quelques semaines à peine après la scène dans la cuisine ».
==> As tears go by tirée de l’album December’s children and everybody’s, 1965. Profitez-en pour revoir le film Casablanca où elle apparaît dans la bande son.

Keef et le premier tube des Rolling Stones
 « Je l’ai écrit dans mon sommeil. Je ne le savais pas moi-même, c’est mon petit enregistreur à cassette Philips qui me l’a dit. Je ne sais pas ce qui m’a pris de vérifier la cassette ce matin-là, elle était toute neuve, j’avais donc dû la glisser dedans la veille au soir, et elle était à la fin. J’ai rembobiné et j’ai écouté « Satisfaction ». Ce n’était qu’une ébauche. Il y avait la structure de la chanson et le son n’y était pas, bien sûr, parce que j’avais utilisé une guitare acoustique. Après, on m’entendait ronfler pendant quarante minutes. »
==> I can’t get no satisfaction tirée de l’album out of our heads, 1965. Dire que Keef ne voulait pas la sortir en single. Le riff est largement inspiré de dancing on the street de Martha and the Vandellas sorti quelques semaines plus tôt

Keef, Mick et la compo chez les Stones
« En ce temps là, je définissais les riffs, les titres et l’accroche, et Mick se chargeait du reste. Ça fonctionnait comme ça, essentiellement. On ne se torturait pas trop, on n’avait pas besoin de méditer des plombes. Allez, l’histoire de celle-là c’est : « j’ai connu une salope de première dans tel bled. » A toi de jouer avec ça Mick. Je t’ai donné le riff de départ, baby. Pendant que tu trouves, je vais essayer d’en pondre une autre. Et il sait écrire, le Mick ! Donnes lui une idée et il t’en fera un roman. »
==> Under my thumb tirée de l’album Aftermath, 1966. Mysogines les Stones ? nooonnn !!! à peine théâtraux.

Keef, son premier grand amour Linda, et Jimi
« Et Linda Keith a rencontré Jimi Hendrix. Elle l’a vue jouer et a fait de sa carrière une croisade personnelle, essayant de lui trouver un contrat avec Andrew Oldham. Elle m’a raconté que dans son enthousiasme, au cours d’une longue soirée passée avec Jimi, elle lui a offert une Fender Stratocaster qu’elle a trouvé dans une chambre d’hôtel. Et, toujours d’après ses dires, Linda aurait dégoté chez moi une démo d’un single, chanté par Tim Rose, et l’aurait fait écouter à Jimi. Ça fait partie de l’histoire du rock : Jimi aurait découvert Hey Joe grâce à moi. »
==> Miss you tirée de l’album some girls, 1978. Selon Keef, Mick rentrait de boîte avec cette idée en tête. A part lui personne ne voulait se mettre à faire de la m…..e disco. Ils ont quand même essayé et tous ont produit le « meilleur titre disco du monde »

Keith et une de ses premières fans à gauche, Anita Pallenberg

Keef et  la musique blues
« J’ai oublié de mentionner que, pour moi, jouer le blues était un moyen de m’évader de l’alignement méticuleux des portées, avec leurs mesures comme autant de barreaux de prison et leurs notes entassées derrière comme des détenus à la mine triste »
==> Ventilator blues tirée l’album exile on the main street. Ça sent Chicago, le sud américain et le delta du Mississipi.


Keef, réflexion sur le beat
« Nous avons tous une manière élémentaire, primordiale, de réagir aux pulsations. Nous existons sur un rythme de 72 battements par minute. Le train a certes transporté le blues du Delta jusqu’à Detroit, mais il est surtout devenu un élément crucial de l’inspiration des bluesmen à cause du rythme créé par la machine et les rails – le train change de voie et le tempo change, mais le même écho raisonne encore dans le corps humain. Dès qu’il y a une machine ou un bourdonnement soutenu dans les parages, une musique existe déjà en nous. L’organisme humain perçoit des rythmes même lorsqu’il n’y en a pas. Le rythme doit être évoqué, pas imposé. C’est pour cette raison qu’on se goure quand on dit Rock : c’est le Roll qui compte, pas le Rock. »
==> Midnight rambler tiré de l’album let it bleed. La chanson évoquerait l’étrangleur de Boston, Albert de Salvo.

Keef à propos des enregistrements sonores
« […], puis tu rends grâce à Dieu pour les enregistrements. C’est la plus grande invention depuis l’Ecriture. »
==> Sway tirée de l’album Sticky fingers. Composée par Mick Taylor, le guitariste solo. Il n’est pas crédité. Tu parles, dejà à l’époque il fallait que ça soit Mick et Keef. Personne d’autre. Résultat il quittera le groupe en 1974.

Keef et l’art de la photographie
« Je trainais pas mal avec un autre copain,  Michael Cooper, photographe génial. Il tenait le coup pendant des heures, c’était incroyable ce qu’il pouvait ingurgiter comme came. C’est le seul photographe que j’ai rencontré qui avait la tremblote – et pourtant il ne ratait pas beaucoup de photo. « C’est quoi ton secret ? tu sucres les fraises, ça devrait être totalement flou ». Et lui : « J’appuie toujours au bon moment. »
==> Stray cat blues tirée de l’album Beggar’s banquet 1968. Avoir envie d’une groupie, ça n’est pas un crime…

Rock & Roll / whysky & Coke

Keef et la privation
« Une fois en studio, je branchais le magnéto sur un petit baffle, devant laquelle je posais un micro pour rajouter un peu de souffle et de profondeur, et c’était ça que j’enregistrais. Street Figthting Man, Jumpin’ Jack Flash et la moitié de Gimme Shelter ont été réalisées comme ça, au magnéto à cassette. Il n’y a pas un seul instrument électrique, sauf la basse que j’ai mixé ultérieurement. Rien que de l’acoustique. Peu après cette période d’expérimentation, les magnétos à cassette ont été équipés d’un limiteur qui t’empêchaient de saturer l’enregistrement. Toujours la même chose : dès que tu t’éclates avec un truc, on te met un cadenas dessus. »
==> Jumpin’Jack Flash tiré de l’album… ah bah non en fait juste un single en 1968 mais quel single !! Riff original du bassiste Bill Wyman qui n’a toujours pas digéré de ne pas être crédité. Quant à l’ami Keef pour lui c’est le seul riff qu’il voudrait jouer en permanence.

Keef  et le vol en bandes organisées
« Aujourd’hui, ils ont un tunnel, avec des cabines de péage devant lesquelles le flot des bagnoles de Douvres à Londres doit s’arrêter. Taxer les voyageurs est tout ce qu’il ya de plus légal, et les racketteurs sont en uniforme. Dans un cas comme dans l’autre vous êtes obligé de casquer ».
==> Parachute woman tirée de l’album Beggar’s Banquet. Mick et ses exploits sportifs.

Keef, les Stones et leur exil en France NDLR de Tour et Détours : un truc de fous, ça a bien changé !
« Quand les autorités nous ont matraqué avec leur super-méga-impôt. Je pense qu’ils s’attendaient à tout sauf à ce qu’on dise : « Ok, on se tire. On va se joindre à tous ceux qui ne vous paient pas ces sommes dingues. » On n’avait pas envie de se faire dépouiller alors on a surenchérie et on s’est cassé en France. Ce choix nous a hissé plus haut que jamais et a produit Exile on main street, peut-être le meilleur disque des Stones. »
==> Shine a light tirée de l’album Exile on the main street. C’est également le nom du film de Martin Scorsese réalisé sur les Stones en 2006.

Keef et l’héroïne
« Il y avait alors une loi merveilleusement bizarre, dans le cadre du système de santé public : si tu étais un junkie, tu t’enregistrais auprès de ton toubib, tu devenais « officiellement » dépendant de l’héro et on te donnait des petites pastilles de came pure, avec en rab, une petite ampoule d’eau distillée pour te l’injecter. Evidemment, n’importe quel camé va doubler la dose dont il a vraiment besoin. En même temps, que vous le vouliez ou non, il vous refilait l’équivalent en cocaïne, selon la théorie que la coke annulerait l’effet de la merde et ferait des junkies des membres respectables de la société. Alors les camés revendaient la coke, bien entendu, cela leurs permettaient de payer leurs loyers, et comme ils avaient gonflés leurs besoins en héro, ils avaient aussi la moitié de leurs doses à refourguer. Fantastique plan ! Et c’est seulement quand ce programme a été supprimé que la Grande-Bretagne a commencé à avoir un véritable problème avec la drogue. »
==> Sister morphine tirée de l’album Sticky fingers. La mort de Brian Jones et une overdose qui manque de les réunir concluent les Sixties de Marianne Faithfull. Elle écrit et chante Sister Morphine, mais le titre, jugé choquant, est rapidement retiré de la vente. Par la suite, les Rolling Stones en feront un tube (le texte est plus acceptable dans la bouche d'un homme) et le mérite de Marianne en cette occasion ne sera reconnu que beaucoup plus tard et Faithfull aime à la chanter sur scène et demander ensuite coquettement et avec assurance au public "je la chante bien ?"

Keef et l’acide
« Il n’y a pas grand-chose à dire sur l’acide, à part que c’est vraiment un trip incroyable. Le truc le plus dingue dont je me souvienne sous acide c’est un vol d’oiseaux – des oiseaux, des nuées d’oiseaux de paradis que je regardais passer et repasser devant mes yeux, sauf qu’ils n’étaient pas là. C’est pour ça que ça ne m’étonne pas que des gars sautent par la fenêtre : parce que tu as l’impression d’avoir compris d’un coup comment on fait. »
==> Dead flowers tirée de l’album Sticky fingers« L’héro » encore présente dans cette composition.

The Rolling Stones, jeunes. De gauche à droite : Ian Stuart, Keith, Brian Jones,
Charlie Watts, Mick, Bill Wyman

Keef et l’art de la fête
«  Je sais que je me suis vraiment lâché au cours de certaines soirées, parce qu’on me l’a dit, mais je ne me souviens de presque rien ! Une fête réussie c’est une fête dont on ne garde aucun souvenir. « Comment, tu ne te souviens pas du flingue, retourne le tapis, tu verras les trous dans le plancher, mec ! » J’étais un peu honteux et confus. »
==> Pass the wine (Sophia Loren) tirée de l’album Exile on the main street. Titre on ne peut plus évocateur pour faire la fête.

Keef et la remarque déplacée de Truman Capote
« Ca a chauffé. Je me souviens d’avoir défoncé la porte de sa chambre à coup de latte. Je l’avais préalablement aspergé de ketchup avec une bouteille que j’avais trouvé sur un chariot. « Tu vas sortir de là, espèce de vieille tante ? Pour qui tu te prends ? Tu veux du sang, tu vas en avoir, mais pas du froid ! On est sur la route, ce que tu as à me dire, tu me le dis ici, dans le couloir ! »
==> So divine (Aladdin story). Avec le Benj’ on se regarde… mais c’est Paint it black ?!… et puis ça retombe tout doux et c’est juste so divin.

Keef et l’art du couteau
« J’ai presque toujours un couteau sur moi, ça m’est arrivé de m’en servir pour m’expliquer ou me faire entendre. Les grandes règles du combat au couteau sont : ne t’entraînes pas, et si t’as un couteau, c’est pour ne jamais t’en servir. Ça sert à détourner l’attention. Pendant que ton adversaire regarde la lame d’acier luisante, tu lui en balance un dans les burnes qui lui font voir les étoiles, et il est à ta merci. Tu parles d’un conseil ! »
==> Wild horses tiré de l’album Sticky fingers. Une incroyable ballade à l’origine écrite par keef pour la naissance de son fils Marlon. Puis réécrite par Mick évoquant sa relation chaotique avec Marianne Faithfull.

Keef et l’art de la maïeutique
«  Si vous voulez tirer les vers du nez à quelqu’un, mon conseil est de le mettre sous dope pendant un mois ou deux, puis de la lui enlever : il parlera. »
==> Soul Survivor(alternate take) tirée de l’album exile on the main street, 1972. Celle-là a quelque chose de spécial, on ne pouvait pas y couper.



PS : Si vous avez lu l’intégralité du post et écouté tous les titres proposés, vous entrez dans la catégorie « FAN » 

22 août 2012


Voir Trabzon et… mourir… de rire.

Pré-Scriptum de Benjo : cher public je suis vraiment confus, Charpi a volé l’ordi pendant deux heures cette nuit, il s’est barré avec, et il s’est lâché. Il en avait besoin on dirait, il nous a fait du Charpi quoi. Accrochez-vous : c’est parti !
               
« Alors Benj’ ces premières impressions sur ce chef d’œuvre du 7ème art ? »
« écoute mon Charpi, j’ai envie de te dire que Mag devait vraiment être amoureuse pour que tu l’emmènes voir le premier volet de cette saga dagaalllaassseeeee ».

On vient de sortir du cinéma principal de Trabzon et on s’est payé une franche rigolade. Avant de vous faire un retour sur ce moment exceptionnel, petit saut dans l’espace temps…

Trabzon, dimanche matin du 19 août très tôt vers 6h, dernier jour du Ramadan.
Une nuit blanche ! Chaque fois qu’on prend les bus de nuit c’est pareil. On se dit « Allez ! On prend la route, on avance et en plus on économise une nuit ». On économise une nuit… exactement. On est arrivé déchirés comme des draps de pauvre à l’Otogar de Trabzon. Il a fallu chercher un endroit où passer la nuit suivante et c’était pas gagné. Pas grand-chose d’ouvert, parfois les mecs de l’accueil pionçaient littéralement. Ils te tendent la clef en grommelant le prix ou le numéro.
De prime abord, ça ressemble à du Tim Burton. Cette ville que l’on connaît uniquement à travers la coupe UEFA (le fameux club de foot de Trabzonspor). Le Lonely Planet dit « c’est le genre d’endroit que l’on déteste ou que l’on aime. Certains déplorent son côté ville portuaire un peu glauque ». Et plus loin « A ce titre, un certain nombre de « Natacha » peroxydées originaires des ex-républiques soviétiques y exercent un des plus vieux métiers du monde ». Et pour finir dans la catégorie ‘’où se loger’’ « nombre des adresses bon marché à l’angle nord-est d’Atatürk Alani et le long de la route côtière font office d’hôtels de passe ».
Bon finalement on a trouvé un de ces fameux hôtels mais Natacha ressemblait plutôt à Robert. La chambre par contre était de toute beauté. Du sobre rien que ça : deux lits, du bleu pâle partout, tuvalets et lumière sur le palier (achement rare) et pour couronner le tout DJ Muezzin à moins de 20 mètres. Vous imaginez déjà la descente de lit du lendemain.

Sumela, monastère embrumé
On était naze mais on s’est motivés pour optimiser ce deuxième séjour au bord de la me’noi’. Le temps n’était pas avec nous non plus : des températures fraîches, humidité ambiante au max et la pluie. Une première depuis trois mois on était en imper’ de la tête au pied. Sapés comme des marins on est partis visiter une des perles du coin : le monastère orthodoxe de Sumela. Un pur bijou accroché à un flanc de montagne à quelques km de Trabzon. On pensait tomber sur un écrin de calme dans un univers verdoyant zé chatoyant.
Que nenni, une purée de pois nous y attendait, on voyait quedalle rien à 10 mètres à part les dizaines de véhicules qui déversaient autant de touristes sur le site. Hé ouais !! Pas grand-chose à faire dans le coin. Résultat : tout le monde vient voir les mêmes spots ; Pas mal de locaux, de l’azéri, de l’iranien, du russe un peu et du sud-coréen (d’un certain point de vue on est déjà plus en Occident). C’était joli mais pas transcendant. Au retour, papy Fangio avait pris le volant ; nos têtes ont valsé plusieurs fois dans la fenêtre histoire de nous rappeler qu’ici c’est Trabzon fief de l’ultranationalisme turc. Le soir, on a même pas eu le courage de chercher « Natacha », on s’est rincés au « Burger King » local mais en terrasse s’il vous plaît. Côté aïd – el – fitr (ici on dit ramazan bayrameu). rien même pas un semblant de début d’annonce de fête. Sobre. Un peu déçus.

Trabzon, le lendemain. Lundi, donc.
Pourquoi on est venu ici ? On dirait Dunkerque un dimanche de novembre. Le même temps qu’hier grisâtre, tristounet. La fatigue cumulée, ça ne t’aide pas à apprécier l’endroit. Les heures de vol deviennent longues et DJ muezzin était en forme ce matin, ils ont même tiré à l’artillerie (une sorte de…). Véridique.
Ouais en fait ça y est je me souviens. Nos visas pour l’Iran : c’était ça la raison. On avait vu que c’était ultra rapide de les faire ici. Alors on se dirige vers l’ambassade et comme de bien entendu c’est fermé. Quatre jours de festivité prévus pour la fin du Ramadan. C’est pas vrai quatre jours de plus ici… non mais c’est une blague ?! Heureusement le gardien nous jure grand Allah que demain ça sera ouvert.
Bon qu’est-ce qu’on va faire pendant tout ce temps ? On pense à vous, on vous écrit des posts en brodant un maximum, d’ailleurs je me souviens d’une bonne histoire – ouais bah tu la gardes – ah bon ! Ok ! Non, on a essayé de se reposer. On n’y arrive pas ; l’excitation du voyage peut-être ou le manque cruel de « Natacha ».
On a quand même visité la ville, le centre historique. Enfin, historique… consumériste. Un condensé d’enseignes en tout genre. Mais ça a le mérite d’animer le secteur. La population est très cosmopolite (un noir, deux français, trois sud coréens et 400 000 turcs), jeune et ça bouge pas mal. La mode ici c’est une chemise à carreau de David GINOLA (véridique ici ya un magasin rien que pour lui), une coupe de tifs futuriste et la stache. Si dans quelques mois vous voyez débarquer ça en France on vous aura prévenus. New York c’est déjà has been.  

le front de mer de Trabzon, les chalutiers, les mouettes...
On se surprend à trouver quelque charme à la ville. Plus tard on aura droit à un spectacle coloré le long du front de mer. Le soleil luttant pour faire valoir ces droits. Heureusement ! Je l’ai béni à cet instant car le Benj’ était triste mais triste. Il est fatigué le Benj’, on dirait qu’il fait une Sainté-Lyon chaque nuit. Rajouté à ça le fait de ne pas pouvoir prendre sa dose quotidienne de photos et il est vraiment dans le dur. Mais à ce moment de la journée il a eu sa piqûre et il était reparti.
Le soir, la ville grouille encore jusqu’à minuit après c’est rideau. La pluie est revenue, personne ne semble sans soucier, pas de parapluie. Comme si les gens du coin étaient habitués à ce temps.

Trabzon, aujourd’hui 21 août, terrasse du Burger King. Euh Lonely Planet, Quelque chose à dire ? Oui « certes, Trabzon n’est pas la capitale gastronomique de la me’noi’ ». On en a de la chance quelle belle destination quand même.
Parfois le destin s’acharne. Je vous parlais de la fatigue du Benj’ et bien ce matin au milieu de la nuit (ouh là ya pas que le Benj’ qui déraille). Donc au milieu de la nuit, un hurluberlu est venu tambouriner à la porte pour récupérer un billet qui échu sur notre fenêtre. C’est le Benj’ qui s’est réveillé. Il m’a raconté ça au petit matin. Heureusement pour le gars que ce n’était pas moi. Ceux qui me connaissent savent que le mec aurait récupérer son billet plus un petit pourboire maison.
Au moins on était levés tôt pour notre mission du jour : le visa iranien, le fameux sésame. Et ça été vite expédié, en moins de deux heures la chose était entendue. Le secrétaire s’est bien marré car au moins cinq français dont nous ont défilé pour des visas (il a du se demander ce qu’on fuyait ^^). On a également pu voir les conséquences des politiques étrangères de chaque Nation : prix du visa pour un français 75 euros, pour un japonais 60. Ah d’accord, c’est comme ça.
Ensuite, et bah les miracles ça existe… il fait beau, pas un seul nuage à l’horizon ! Première fois en 15 jours parait-il. On prend de la hauteur pour rejoindre l’ancien pavillon d’Atäturk. Une sorte de maison bourgeoise perchée et entourée par un sous-bois. L’ensemble appartenait à un grec mais à la fin de la guerre d’indépendance, la municipalité l’a récupérée et offerte à Mustapha. Sympa. Dommage que le gus était surbooké (peut-être en reparlera-t-on dans un prochain post). Il n’est venu qu’une seule fois ici. Le cadre en tout cas nous a fait du bien. Voir la lumière après deux jours d’apocalypse, on comprend mieux la vie qu’endurent les bretons et leurs cousins normands.

A quand le même avec la troupe du 86 ?
Revigorés par cette expérience hors du commun, nous décidâmes dans un élan incontrôlé d’aller se faire une toile. Oui madame ! Un bon petit cinéma des familles. On avait pris quelques précautions en demandant si l’audio ou les sous-titres seraient en anglais. On en aurait profité pour améliorer notre british. « Yes, nous dit-on. » Il n’en fut rien. Notre choix s’est porté sur un film d’action « Expendables 2, never backdown » avec toute la troupe de gros muscles de notre enfance. En fait on a eu droit à un grand n’importnawak, une bouse intergalactique comme on en fait peu, du cinéma comique et potache où nos grands héros se tournent en autodérision tout du long. Réunir Stallone, Schwarzy, Willis, VanDamme, Norris et consorts dans le même film c’est génial. Ça devient époustouflant quand ils parlent en turc.
C’est le genre de film qu’il faut montrer à votre minot s’il veut se lancer dans une carrière de directeur. Y’a tout ce qu’il ne faut pas faire : des décors en carton pâte, des acteurs mous du genou, une image immonde, un mauvais doublage, des cadrages de m... les scènes d’action sont illisibles. Pas de chance pour le réal, comme c’est en turc et qu’on pige rien on se raccroche à tout le reste : la gestuelle, les photos, les plans, l’ambiance sonore…Y’a rien qui tienne la baraque à part quelques jolies chansons dans la bande-son.
Comment tu peux faire jouer le méchant à VanDamme, il est seul contre vingt le mec, aucune chance de s’exprimer dans un fight. Jet li dégage au bout de dix minutes pour laisser la place aux nouveaux venus dans ce deuxième opus. Si tu vires Jet Li tu sais déjà que côté chorégraphie martiale c’est mort ; c’est pas Schwarzy qui va te faire un mawashi-geri coup de pied circulaire. Lui c’est la gatling survitaminée rien d’autre. Par deux fois lui et Walker Texas Rangers arrivent du diable vauvert pour sauver les autres. Tu te demandes comment ils les ont retrouvés. L’enchaînement des scènes… nom de d…. on dirait mes diatribes verbales, rien de cohérent.
Et puis y’a les moments d’émotion. Rien que le nom m’amuse. Le jeunot bôgosse de la bande (nouveau venu qui voulait pas écouter les conseils de papa Stallone) meurt assez vite sous un coup radical de JCVD ; des « Natacha » déguisées en fermières pleurant leurs maris exploités dans une mine d’uranium et une sino-américaine plus ou moins là pour amener la touche féminine dans ce corpus de testostérone lifté et accessoirement censé toucher au plus profond de son cœur Mister Sly.
Bon si on résume bien, le film est une boucherie au sens propre comme au sens figuré je crois que les mecs tuent l’équivalent de la population parisienne. Mais bon on rassure la SPA, ce sont des mannequins. Ouais le réal’ s’est dit quitte à faire moche on peut pousser jusqu’au foutage de gueule pour les effets spéciaux et la figuration. Faut les payer les stars et au final t’as plus un penny pour le reste. Et la morale dans tout ça me direz-vous bah c’est encore de montrer que les américains sont de vrais gentils et qu’ils gagnent tout le temps. Dommage pour eux car le meilleur acteur du film qui surnage c’est Jason Statham au service de sa majesté.
Après y’a quelques moments tellement surréalistes qu’ils en deviennent hilarants comme la scène finale dans l’aéroport plein à craquer où les mecs réussissent l’incroyable exploit de tirer autant de balles que pendant les deux guerres mondiales et ce sans blesser un seul civil. Je pense que toutes les armées du monde devrait engager ces mecs ils ont résolu le problème des « dommages collatéraux ». Et puis je me demande encore pourquoi Stallone coupe la tête à VanDamme. Pourquoi ? Même Schwarzy et Willis semblent dégoûtés. Le plus drôle c’est qu’il la balance au pied de la sino-américaine censée tomber amoureuse de lui je vous le rappelle. Comme cadeau d’approche y’a pas mieux.
On était tellement à cran qu’on a fini de nouveau au burger king histoire d’évoquer ce spectacle et de prendre la plume.

Et le sourire 22 bis il est où ?
Le frelon d’or : Reckoner et there there de Radiohead en fond sonore. Il est 5h00, le soleil se lève sur les étendues steppiques. On oublie tout, on a envie de rien d’autre à part d’être sur la route ici et maintenant. Bientôt la frontière arménienne… du frisson brut.
Le fun de la semaine : On est donc dans le ciné à regarder tout un tas de népalais se faire dézinguer quand tout à coup rupture d’anévrisme, les lumières se rallument. Blackout. C’est l’entracte, à l’ancienne. Au beau milieu d’une scène. Mais kes ki se passe ?! Waaaaaazzzzuuuppppp !!! Derrière nous des jeunes du cru nous expliquent. Ils se demandent ce qu’on fiche là si on pane rien au film. Et là Benj’ magistral comme toujours lui rétorque « écoute minot, c’est le turc qu’on saisit pas et non la trame scénaristique».
La pompe à vélo : rien cette semaine. On a surkiffé notre passage à Trabzon. Certes c’est monté progressivement mais on en connaît deux au Louvres qui aurait préféré jouer les ouvreuses au ciné.

Charpi.

PS MUSICAL : the Heavy - short change hero
pS Bonus : un article sur notre acteur préféré. Attention il est en forme, JCVD


17 août 2012


Prévus imprévus

“Hé ! Viens voir ! Y’a un guide qui parle en français avec son groupe!” Une petite phrase glissée comme ça par une fille à une autre, magistralement interceptée par deux gars à l’affût, et hop, on a passé quasi une semaine à bourlinguer avec Lise et Samia, les parisiennes. Entre Cappadoce et Mer Noire. Je voulais écrire parigotes mais j’ai préféré me raviser. En tout cas, un beau duo. Lise et ses boulettes de langage, et Samia, son meilleur public. Pas évident pour nous de faire notre place, petits provinciaux que nous sommes, mais en persévérant, en utilisant tous les artifices à notre actif, je crois qu’on y est parvenus.
Après quelques jours on ressemblait à une vraie équipe de bras cassés : Lise et son pied-bot, Samia et ses écorchures, Mat’ et son genou en charpi, Benjo et son lumbago. Oubliant nos vicissitudes, on a foncé dré dans l’pentu.

Etape 1 : la Cappadoce.
Après les russes de Pamukkale, les anglais de Fethiye, nous voila avec les français et italiens de Göreme, ville centrale de la région de Cappadoce. Cinq jours à enchaîner les marches dans des vallées plus belles les unes que les autres. Un véritable Disneyland au naturel.
Ici, l’érosion a fait du bon boulot, laissant en héritage des falaises vertigineuses, des cheminées de fées de toutes les formes, beaucoup étant toujours habitées, plus de mille an après les premières utilisations troglodytes. Le peu de vie se retrouve dans les vallées au milieu des plateaux arides : vallée rose, rouge, aux pigeons, de l’amour, d’Ilhara ; mais aussi le château d’Uçhisar, les églises byzantines, et nos chambres, véritables habitations troglodytes.
Le temps nous a légué des formes vraiment étonnantes, permettant selon les approches, de laisser parler l’imagination : un canasson, un lapin, une pyramide (en deux^^), un fauteuil, un extraordinaire château-fort. D’ailleurs, après une lutte acharnée, on a enfin trouvé le point faible, et conquis cette citadelle. Mais les princesses n’étaient même pas enfermées en haut, elles s’en steakaient (du verbe réfléchi se steaker) complètement, attendant à 200 mètres de là en se demandant quand est-ce qu’on aurait fini de jouer à la guerre après avoir jouer à la voiture la veille… on essaie de faire les gentlemen et voila comme on est remerciés !
Dans ces cheminées de fées, on retrouve aussi des champignons, avec leur capuchon. Il parait que ces formes, situées dans la vallée de l’amour, pourraient être interprétées autrement, faites votre propre avis sur la photo… Quoi qu’il en soit, les points de vus du haut de ces vallées sont magnifiques, un mix de canyon américain et de Colorado (comme Disneyland, je n’y suis jamais allé, mais il paraît que). Et quel spectacle de voir s’envoler des dizaines de montgolfières au lever du soleil… merci l’Ardèche, sans tes inventeurs, nous n’aurions pu vivre ce moment. De toute beauté !

Ballooooooooons à Göreme, Cappadocia

Etape 3 : Amasra
Sur les rives de la Me’ Noi’, oui, la seule, l’unique, la Me’ Noi’.
Petite ville typique de la côte, la Russie en face, des plages de sables tournant au sombre, un temps un peu plus frais, des turcs qui connaissent de nombreuses villes françaises grâce au championnat de foot : Châteauroux (bien prononcer le x), Ajaccio, Lens, Sochaux… ! On se rend compte désormais qu’en dehors des sites touristiques turcs, il est très difficile de trouver des locaux parlant anglais, même quelques mots. Avec Charpi, on commence à bien se faire comprendre, surtout quand on parle Indirim (réductions), on a notre jargon bien en place.
Mais quelle idée avaient eu les filles d’aller sur la côte Lycienne, au soleil et au sable chaud, on est quand même mieux à prendre une tempête sur la tête, et des coupures de courant, non ?! Et heureusement que l’électricité est revenue pour le concert des Spice Girls aux J.O. sinon on prenait une autre foudre.
A noter également dans cette ville, le réveil à 2h30 du matin par Mehmet et son orchestre de batucada, pour ne pas oublier de bien manger avant le jeûne, et ceci avant l’appel à la prière du Muezzin, vers 4h30. En fait il n’y a qu’une personne qui sillonne les rues de la ville, avec son tambour, mais il fait du bruit comme quinze… merci Mehmet.
Perso, je ressens la fatigue, je n’ai pas entendu mon réveil deux fois en quelques jours, ce qui ne m’arrive jamais. Ceci pouvant expliquer le mal au dos soudain et paralysant…

Etape 4 : Safranbolu…
…et ses maisons ottomanes du XVII – XVIII siècles. Un centre si bien préservé qu’il est classé par l’U.N.E.S.C.O. Une ambiance apaisante, des panoramas, un coucher de soleil au top, un bel alliage. Et ici, le petit bonus, l’invitation (et non l’incruste même si on y a pensé très fort) à une fête de fin de stage danse pour gamins. Deux nouvelles petites sœurs pour Samia, et un premier cours de danse orientale de Lise pour les deux néophytes provinciaux que nous sommes : « Alors, tu fléchis un peu la jambe gauche, tu plies le genou droit, quasi sur la pointe du pied, tu y montes la hanche droite, en rythme, et tu essaies de tourner… ». Bon, y’a plus qu’à travailler.
Deux bus, un pour Istanbul puis l’Occident, l’autre pour Ankara puis l’Orient.
On fait de belles rencontres pendant ce voyage sur cette petite planète (et pas que féminines !!), mais à chaque fois c’est la même chose, il faut dire au revoir. Gürüsürüz girls, çok güselsin^^

Safranbolu, Türkiye

Récapitulons : étape 1, 3, 4. Oh pardon ! L’étape 2, Ankara.

Etape 2, Ankara
Si vous allez en Turquie, où iriez-vous ? Istanbul bien sûr ! La mer Egée, ses plages et sites antiques ; la Cappadoce, et si vous avez vraiment du temps, l’Est. Jusqu’ici tout allait bien, on était dans les clous. Mais ils n’ont que ça ? Ah non ! On a donc fait un détour, et on est tombé à Ankara. Quelle idée ?! Alors oui, au début il y avait une idée : se faciliter la vie pour les visas d’Asie Centrale. Ceci dit, une fois sur place et après quelques appels de notre hôte, on a vite déchanté. On verra plus tard, un pays après l’autre.
Ankara, ville choisie par Atatürk en 1923 pour devenir la capitale du pays nouvellement laïc. 4,5 millions d’habitants mais plus étendue qu’Istanbul, pourtant trois fois plus peuplée. Une densité urbaine bien faible pour une métropole, de quoi rendre malade tout écolo-urbaniste. Dans le Lonely Planet : « Les stambouliotes prétendent que la plus belle vue d’Ankara est celle qu’ils ont depuis le train les ramenant chez eux. » C’est vrai que ce n’est pas le Vieux Lyon. D’ailleurs on n’a toujours pas croisé un touriste. Z, NIET !
Au moins, on rencontre la Turquie moderne. Il y a un peu plus de blonds qu’habituellement, mais toujours pas de blacks. Trois rastas toute à l’heure, quand même. On retrouve quelques asiatiques, dans les yeux surtout, enfouis dans des racines communes ancestrales. Il ne fait pas bon prendre des cours d’auto-école ici, d’ailleurs il n’y a pas un cycliste, et très très peu de scooters. Trois, pas plu !
Une ville très dynamique, portée par sa jeunesse. On a été reçus par Buse (prononcez Boussé, merci pour elle, voire Bisou, c’est la signification en turc ancien). Avec son amie Naz (prononcez… Naz, elle est au courant), elles nous ont emmenés dans les place to be, dont le « IF Performance Hall ». On se demandait pourquoi on avait doublé toute la file d’attente à l’entrée. Buse nous dira plus tard que la troisième demoiselle avec laquelle on claquait le rock était une star de série télévisée turc. Ah bon, enchanté !

Vallée d'Ilhara, Cappadocia

Le frelon d’or : j’aurais bien un top 3, mais je vais garder les grimpes dans les vallées de Cappadoce, notamment les vallées rose et rouge (et même si je suis un peu daltonien, c’était très beau).
La pompe à vélo : ma première expérience du lumbago. Tu booouuuges pas !!!
Le fun de la semaine : dans l’idyllique chambre de la vieille maison ottomane, la « partie de jambes en l’air ». Euh… au sens littéral du terme^^

Benjo

PS musical de Benjo : Stuart A. Tapples & Lhasa – That leaving feeling.
PS musical de Charpi : Black Strobe – I’m a man (pour les nouveaux collocs Pierro et Gui Roux)

6 août 2012


Pertes et tracas !

Je me permets pour ce post de prendre la plume, ou plutôt le clavier azerty, afin d’éviter à Charpi d’écrire des diatribes exacerbées, lui qui prend tout très à cœur. Notre Charpi à fleur de peau. Pour le titre on a hésité avec « un dimanche pluvieux de novembre », « ferme-la à la ferme » ou encore « Kas toi vite » (prononcez Kash).
Fin juillet la mer était agitée. Après Istanbul, on avait enchainé quelques belles découvertes dans la région d’Izmir (Bergame, Ephèse) puis Pamukkale et Hiérapolis. De beaux sites antiques, d’étonnants sites naturels. Mais on était crevés. Eh oui ça n’est pas si reposant des vacances autour du monde. Il faut enchaîner les pays inconnus, les sites magnifiques, il faut faire la fête, et en plus il fait chaud. Enfin bref, on avait prévu deux semaines de « Wwoofing » dans le sud-ouest de la Türkiye, à Kas afin de nous reposer le corps et l’esprit. « Wwoof » comme « world wide opportunities on organic farms ». Pour faire vite, c’est un réseau à travers le monde où l’on travaille dans des fermes bio bénévolement, en échange du gîte et du couvert. On aide le fermier, et ça permet aux voyageurs comme nous de rencontrer des locaux (et d’autres volontaires), d’en savoir un peu plus sur le métier, et a priori, de se détendre un peu.
Nos hôtes étaient forts sympathiques à bien des égards. Ebru, qui gère la maison, les guests (invités qui payent leurs séjours), et nous fait d’excellents repas ; Ata, le mioche d’un an, tout le temps en train de sourire, un bon petit turc ; et Aydin, photographe, peintre et depuis quelques années paysan bio. En plus ils sont profs de yoga. Tous les ingrédients étaient réunis pour nous concocter un bon séjour au vert. Il n’en fut rien.
Si ça collait pour Ebru, Aydin, lui, semblait avoir plus du mal à gérer calmement les situations, les préceptes appris en yoga ne semblant pas l’aider à garder le contrôle nécessaire. Notre pote ricain Nate nous dira plus tard que sa seule autre mauvaise expérience de Wwoofing en dix mois aura été avec un prof de yoga. Pourtant on était très enthousiastes à côtoyer un peu plus cet art, que l’on pratique de temps à autre lors de ce voyage ; comme l’autre jour sur la plage de Kabak avec un groupe de turcs et le coucher de soleil pour nous accompagner.

Ca va chauffer !

Direct le premier soir on arrive vers 18h30, et bim, dans les champs. Pourquoi pas. Jusqu’à 22h, on porte des bidons de flottes pour arroser des amandiers et des oliviers. En effet, suite à un problème dans son système d’arrosage, il faut tout faire à la main. 1000 arbres…
La journée type. Lever vers 7h, préparation du petit déjeuner pour nous et les guests, on en profite pour remplir les bidons d’eau à l’arrière du pick-up. Avant et après le petit-déjeuner on en profite aussi pour arroser le béton (pour la poussière, logique dans cette région où la pluie est absente depuis avril) puis de balayer ces surfaces avec un balai sans manche. Vers 9h30, départ vers les champs à vingt minutes de pick-up : arrosage, quelques coups de bèches, poses de plastiques autour des troncs jusqu’à 13h environ. Retour dans les champs de 17h à 21h, minimum. En gros, une escroquerie. Si travailler huit heures par jour peut paraître normal lorsque l’on est employé, ce n’est pas la même chose lorsque l’on est volontaire. En général en wwoofing, c’est du cinq heures par jour, et pas aussi fatiguant. Là, tous les soirs on rentrait épuisés et ça n’allait pas en s’arrangeant. De plus, lorsque l’on avait du temps libre, on avait vraiment l’impression d’être coupable de ne pas l’aider. Vous voyez un peu le topo.
Andrea, l’américaine déjà présente avant notre arrivée, étant un peu jeune pour se rebeller, on a décidé de prendre les choses en main. On a pensé monter un syndicat, une antenne relais de Farce Ouvrière, mais on s’est renseignés, l’administratif turc n’est pas des plus aisé. On a donc appliqué une technique de grève latente, à savoir la technique du « ne montres pas tout ce que tu peux faire dès le début sinon il t’en demandera toujours autant voire plus ».

Douche froide

Et puis un jour (ou peut-être une nuit, d’ailleurs), après une claque, on s’est reprit. La matinée commençant mal, Aydin a tenté la discussion mais ça a plutôt tourné à la leçon. Charpi, qui n’attendait que ça, est vite monté à 6000 tours minutes (il faut dire que le pauvre avait le pied sur le frein depuis trois jours, il fallait lâcher les chevaux). J’ai tenté la version diplomatique en lui expliquant notamment que la vie en communauté ça me connaissait. Mais les dés étaient jetés.
Alors me direz-vous, si cette ferme bio fonctionne toujours, c’est que des volontaires doivent y trouver leurs comptes et c’est donc peut-être à nous de nous poser des questions. Oui, certes, on n’est probablement pas les plus faciles à gérer, mais on a apprit qu’on n’était pas les seuls à avoir eu ces problèmes et à être partis avant la date prévue. On a aussi ouïe dire de voisins et autres que le fameux maître des lieux était peu apprécié par nombres d’entres eux, « manipulateur » parait-il.
Aydin : « En six ans de volontariat, vous êtes les premiers à me demander un manche pour le balai ». Certes, mais si certains sont d’accords pour se péter le dos pendant une demi-heure au réveil après avoir arrosé les racines du béton turc, grand bien leur en fasse, nous c’est pas notre tasse de thé. Etrange car lors du seul cours de Yoga, il n’arrêtait pas de dire que le dos est très important, qu’il faut le traiter avec respect et le réveiller en douceur.
On a filé dans la foulée. Le ricain Nate, arrivé la veille et sentant l’embrouille, nous a suivi. Trois jours de road trip entre Kas et Fethiye à dormir sur les plages, visiter des sites antiques (j’adoooooore les amphithéâtres)… et à perdre des trucs !
C’est le deuxième bug de la semaine. On avait perdu quelques affaires depuis le début du voyage mais là ça s’est enchainé à une vitesse infernale. En quelques jours : lunettes de soleil, supers lunettes de plongée, un lecteur mp3 qui n’a pas aimé son bain de mer, le couteau suisse « 86 steak » offert par super Cagro (la criiiiiiiise ma Cagro) [Cagro, en direct live depuis le bus entre Fethiye et la Cappadoce, Nate le ricain, depuis la plage me dit qu’il vient de retrouver mon couteau !!! au tooooppp ! ça c’est du live, il va me l’envoyer]. Avec ça, les poulets locaux m’ont verbalisé pour un 123 km/h au lieu de 120…………………….. 3 km/h !!! La même tolérance qu’au pays. Et la poisse surtout. De plus, le pompiste nous fait le plein alors qu’on était loin d’en avoir besoin… Et encore, le McGyver qui sommeille en moi a réparé l’appareil photo qui avait prit un bain d’eau calcaire.
Ma foi, si vous vous demandez à quoi servent vos dons, voici une partie de la réponse^^. Dans la mesure du possible, on va arrêter les frais.
Et, croyez-le ou pas, mais avec Charpi on n’a pas toujours été d’accord durant cette période ! Fou, non ?! Par contre, on était à l’unisson pour dire que l’on avait trouvé notre tête de turc commune dans cette ferme.
Nuage de lait sur le pudding, on passe à la fin de notre road-trip par Olüdeniz et Fethiye, deux villes (un peu moins pour la seconde) remplies de rosbeefs !!! Alors ce n’est pas le problème on aime bien nos amis de la « perfide albion », mais là, c’en était trop !
Etrangement, cette période a concordé avec notre lecture (en même temps) de Life, l’autobiographie du guitariste des Rolling Stones, Keith Richards. Une vie des plus rock, avec sa tête de turc préférée, Mick Jagger. On en reparlera plus tard. Une semaine rock & foutoirs, une semaine pertes & tracas.
Mais rassurez-vous. Déjà, cette période semble être derrière nous [le couteau 86 steak retrouvé !]. Et en plus, on a quand même vu depuis Istanbul de superbes endroits. Les sites antiques de Bergame et Ephése, capitales greco-romaines de l’Asie mineure ; les travertins de Pamukkale, des piscines d’eau calcaire qui s’enchainent en terrasses, et le site attenant de Hierapolis avec un des amphi les mieux sauvegardé ; les plages perdues de la côte lycéenne, et la farniente. Eh oui, on était fatigué après tout ça.

Sunset sur Pamukkale... brillant !

Le frelon d’or : Le coucher de soleil sur les piscines en terrasses de Pamukkale. Perso, le plus beau sunset jusqu’ici.
La pompe à vélo : on va s’arrêter là, merci pour tout, rideau.
Le fun : Un soir dans les champs, la direction du pick-up nous lâche. On doit rentrer à la ferme (une heure de marche) de nuit. On tente le stop avec les deux (!) voitures qui nous doublent. Bizarrement celles-ci freinent, sont presque à l’arrêt, puis redémarrent de plus belle après nous avoir vus d’un peu plus près. Outre nos habits sales, Charpi portait un gros bidon avec un liquide violet, je portais deux petits bidons d’essence, et Andrea était équipée dans le dos d’un pulvérisateur avec son pistolet raccordé, un peu à la Ghostbuster. En gros, on foutait franchement les jetons au milieu de la nuit. On a bien marché mais on s’est bien marrés.

Benjo

PS musical : My world is empty without you, Diana Ross and the Supremes.


1 août 2012

Istanbul : pile et face.

Pré-prologue : nous voila de retour après un long silence... C'est pas qu'on ne voulait pas c'est qu'on ne pouvait pas ! On s'excuse et ça ne se reproduira pas c'est promis. Oui bon, on verra. 

Prologue
Une écriture depuis le bus en direction de Kas à l’extrême sud de la Turquie sur la côte méditerranéenne (faites une petite halte pour enfin bien écrire ce mot et que le correcteur cesse de s’allumer en vague rouge).
J’espère que le son des Wailers va m’inspirer.
Depuis une quinzaine (déjà !!!), nous naviguons en Turquie et comme nous avons passé la moitié de ce temps à Istanbul (la capitale ? ^^). Il nous semblait sympa de partager ces moments stambouliotes. Alors redressez vos sièges ! Serrez votre ceinture !  Décollage immédiat vers la « ville des villes » ou la « nouvelle Rome » (au choix).

Comme vous l’avez remarqué (ou pas), j’aime bien commencer par mes représentations (joli euphémisme pour citer mes a priori… et Allah sait que j’en ai une quantité mais je bosse dessus).
Istanbul, pour moi c’est aussi Byzance et Constantinople (pour les grecs encore d’ailleurs… Konstantinopoulos), c’est Sainte-Sophie surtout. C’est des images plein la tête de récits de pèlerins, d’ambassadeurs, de voyageurs,… Ca sent bon les épices qui circulent sur les routes du lointain Orient. Istanbul ? Un de ces endroits de la planète surconvoité pour ses richesses, son faste, sa situation exceptionnelle entre les mers noire et méditerranée. Son rôle historique de pont entre l’Occident et l’Orient, entre l’Europe et l’Asie. Enjeu de luttes acharnées entre temporel et spirituel. Encore aujourd’hui. On y reviendra. Et puis le mythe du coucher sur le Bosphore. Tellement présent que je me rappelle que même James Bond s’emballe une minette en lui sortant cette niaiserie. James Bond… c’est pas rien…
Alors on arrive avec ça dans la tête. La réalité est « mosaïcale ». Des choses se vérifient, d’autres non. En fait ce qui vous occupe l’esprit avec Istanbul c’est de déterminer le qualificatif que vous mettriez derrière : infernale ou enchanteresse. Les deux mon capitaine. Une ville, pardon des villes (on en reparlera) dont l’on tombe amoureux et que l’on déteste en même temps.
Je suis tombé amoureux d’Istanbul dès les premières secondes de notre arrivée dans une des Otogar de la périphérie… une agitation… un bazar (dèjà) organisé et puis la traversée nocturne de la ville dans une boîte à sardine appelé Dolmus (prononcé Dolmouss), assis parterre à côté du pilote à flotter dans l’air avec en vue la mosquée bleue, Sainte-Sophie et la mosquée de Soliman jouant des coudes avec les nombreux immeubles éclairés comme autant de feux d’alerte. Bienvenue à Istanbul où se mêlent tradition et modernisme.

Les pécheurs du pont de Galata avec Suleymaniye Camii en arrière-plan

Quelle taille !! Paris à côté ? Un village ! Depuis l’Otogar jusqu’à Taksim (un des centres modernes, le plus fameux) 45 minutes de « sardines bus ». Et encore 30 minutes de métro avant de rejoindre notre premier logement situé au terminus de la rame au nord d’Istanbul (terminée l’année dernière). L’étendue d’Istanbul est monstrueuse. Une pieuvre qui étend ses tentacules sur plusieurs dizaines de km dans toutes les directions possibles. Ce n’est pas sans poser de gros problèmes d’urbanisme avec ses conséquences quasi immédiates en termes de trafic, de pollution et de surpopulation (en 1960 il y a 1 million de personnes, aujourd’hui entre 14 et 19. Personne ne sait vraiment. L’exode rural a sa part dans les statistiques. En comparaison la Turquie c’est 70 millions de personnes et 1 fois et demi plus grand que la France. C’est vous dire la densité de la cité).
Ah vous pensiez que la ville qui dormait jamais c’était « big apple », tiens ! Viens donc à Istanbul ! Des embouteillages à toute heure même le week-end. Le trafic sur les ponts Atatürk et Galata qui relient rive européenne et anatolienne (ici on ne dit pas asiatique) le prouvent. C’est aussi une ville très musicale qui offre des concerts gratuits de klaxons à chaque coin de rue. Programmation un peu répétitive et stressante. Heureusement les entractes nous offrent 5 fois par jour le groupe mosquée et son leader DJ Muezzin avec son tube ancestral « Appel à la prière ».
Une véritable porte de communication entre l’Occident et l’Orient, c’est le projet de fond voulu par ses « premiers » fondateurs (un dénommé Byzas et surtout Constantin, premier empereur romain à se faire baptiser et à faire de sa ville la capitale du futur empire romain d’Orient… le mélange des genres déjà). Et cette vision est bien réelle quant on aperçoit l’architecture des ponts. Mais on passe finalement peu d’un côté et de l’autre. Certes ça communique mais ils ne s’aventurent guère dans d’autres territoires à part ceux où ils résident. On trouve tout sur place, dans son quartier ; alors pourquoi aller de l’autre côté du « chemin de fer ». Chaque quartier est une miniville d’où certains ne sortent quasi jamais. Un polycentrisme hallucinant. Cet aspect urbain te propose des différences entre secteurs assez frappantes.
Certains très traditionnels (y compris le centre historique, Sultanahmet) : ici il faut savoir où acheter de l’alcool. Dans les bus, accroche-toi pour trouver un homme et une femme assis l’un à côté de l’autre. Pas de tabacs, pas de lingerie fine à part sur les cheveux. Les hommes sont vêtus stricts et puis pas un touriste à l’horizon à part deux loufoques un peu paumés. D’autres secteurs (Beyöglu, Taksim ou encore Kadiköy côté anatolien) sont culturellement très proches de quartiers parisiens ou londoniens : un monde grouillant, une sorte de melting-pot dopé au « Sephora starbucké », on est coquet à souhait y compris chez les femmes voilées.

Rue Istikala, dans le quartier "moderne" de Beyoglü

Alors au début tu ne vois pas tout ça, tu restes assez bluffé par l’apparente mixité culturelle qui règne à Istanbul. Mais les nombreuses conversations avec les locaux te font relativiser pas mal de choses. Depuis de nombreuses années la Turquie change et pas forcément dans la bonne direction. La pression gouvernementale pour imposer un voile (religieux) sur toutes les affaires du pays se fait de plus en plus sentir. Par exemple à Taksim et Beyöglu il a été interdit aux restaurants et bars de sortir les tables en terrasse officiellement pour ne pas entraver la circulation, officieusement… vous avez déjà deviné. Quoi !! Pardon je n’ai pas compris tu protestes ?! Et bien vas donc rejoindre tes pairs journaleux et autres en prison.
Après tout, côté censure en Turquie on en connaît un rayon. Résultat quand tu achètes ton canard t’as plutôt intérêt à t’intéresser au football et à supporter un des trois clubs de la capitale (Fenerbahce – le chelsea local ; Galatasaray – pour les bobos estudiantins ou alors Le Besiktas des populeux, dockers de père en fils).
A cette longue et pernicieuse descente vers un peu plus de charia dans une société laïque (mise en place par Mustafa Kemal à partir des années 1920), les détracteurs ont peu d’impact. Et quand ils sont un tant soit peu médiatique la réaction est immédiate et souvent brutale (demandez un peu au prix Nobel de littérature Orhan Pamuk). Les grèves se font rares, le 1er mai est une journée où il faut mieux rester chez soi. L’exploitation de la loi pour glisser de nouveaux dogmes s’accélère depuis cinq ans. Le parti islamiste modéré d’Erdögan joue avec la loi en fonction de ses convictions.
La question du voile en est un des exemples les plus flagrants (ce dernier a fait sa rentrée universitaire sous couvert de démocratiser l’enseignement – les filles voilées n’avaient pas accès aux études supérieures). Une loi interdisant de critiquer la « bonne morale » est dans les tuyaux. Autrefois la censure ne frappait durement « que » les attaques envers Atatürk et la République. L’homosexualité reste plus qu’un « taboo » en Turquie. La loi ne la rend pas illégale mais elle ne la protège pas non plus (les comportements discriminatoires étant légion).
Le BTP religieux se porte bien. Soutenu financièrement par l’Etat, les mosquées fleurissent y compris dans le tréfonds des campagnes. Reste à convertir les abeilles. 98% de la population est musulmane mais en cette période de ramadan on voit bien que les pratiques religieuses sont aléatoires. Ah ! Au fait ! Non ! Pour tous ceux et celles qui se posent cette question fondamentale, les gens ne s’arrêtent pas de vivre cinq fois par jour en sortant une carpette « made in Turkey » en direction de la Mecque.

Une grande part de la population « accepte » ses changements car ils se font en douceur et surtout parce que l’économie nationale est relativement bien portante. Du pain et des jeux  pour le peuple et tu pourras faire ce que tu veux mon fils. Le Gouvernement Erdögan est populaire. Mais encore une fois c’est l’arbre qui cache la forêt. Certes l’autosuffisance alimentaire est assurée : 35% de la population active est agricole et cela donne 12% au PIB. Mais il n’est pas rare de voir un nombre croissant de crève-la-faim dans les rues stambouliotes, des gamins souvent. Les migrants ruraux venus chercher une meilleure vie gonflent la population des secteurs les plus pauvres de la ville, les écarts de richesse scinde de plus en plus la population.

Ah ça y va les critiques ! Mais la banane est toujours bien accrochée, no soucy

Trois projets de centrales nucléaires sont en cours (trio gagnant Russie-Chine et Canada ; pas d’Areva… Erdögan nous a renvoyé dans les 22 quand le brassard était tenu par l’écolo Sarko). C’est cool pour produire du PIB à court terme et être autosuffisant énergétiquement (quoique). Par contre l’environnement, we don’t give a steak !! Côté pollution Istanbul tient le haut du pavé. Lieu privilégié des pollueurs en tout genre : la mer de Marmara et le Bosphore.
Ce qui n’empêche pas la cité d’avoir son lot de pêcheurs tout style et âge confondus et à toute heure de la journée (se faire une petite ligne après le boulot est très répandu). On consomme sa pêche dans un sandwich (une des spécialités ici) accompagné de quelques végétaux baignant dans le vinaigre. On pique une tête en espérant voir un des derniers dauphins survivants tant bien que mal (un peu comme les minots cités ci-dessus).
Officiellement le taux de chômage est proche de celui de la France. Le nombre de petits boulots moins. En effet, partout on peut rencontrer des vendeurs ambulants. On trouve de tout et à tous les prix. Je ne parle pas des « bazars » pour touristes où les tauliers annoncent la couleur « Hey ! My friend ! How can i help you to spend your money ? ». Mais plutôt des rues annexes, cachées, qui sont véritablement les bazars stambouliotes et où toute une économie plus ou moins informelle trépigne (pour les consuméristes en herbe c’est ici que se trouve La Vraie Affaire et la pratique du marchandage est élevée au rang d’art).
L’inflation est parfois déroutante (40 centimes pour un jus d’orange pressé, 13 euros pour visiter Sainte-Sophie), notre guide touristique est totalement à la rue seulement trois ans après. Un Etat qui se veut moraliste mais où la corruption est présente à tous les étages (notre logeuse à Istanbul nous en même raconté une croustillante à ce sujet, du vécu).

Clairement passer un séjour ou vivre à Istanbul est une expérience intense un peu comme un bain turc. Alors tu cherches quelques moments de plénitude : une remontée du Bosphore ; Un (plusieurs) thé(s) (2ème consommateur de thé derrière la « perfide Albion ») lors d’une partie de Backgammon (un des rares sports pratiqués avec assiduité). Tu apprends à lire dans le marc d’un café turc. Tu t’offres un repas de « mezzes » (sortes de tapas turcs) accompagné d’un verre de « Raki » (prononcé « Rakeu », c’est l’anisette locale).
Pour un gourmand comme moi, la Turquie c’est dangereux tu t’arrêterais jamais de grignoter toutes sortes de petites pâtisseries, des fruits secs et des « döners » (le vrai nom pour nos « Kebab » ici on dit  « Kebap » et c’est un autre plat). Et on voit qu’ils aiment bien manger les turcs et tout comme eux vous devez frôler l’indigestion après ce long post. Donc je vous laisse digérer tout ça tranquillement. En vous disant à bientôt si vous le voulez bien. D’autres nouvelles anatoliennes vous attendent…


Epilogue
Le coucher sur le Bosphore est de plus en plus incroyable sans oublier qu’il est aussi du au nombre sans cesse croissant de particules de pollution rejetées dans l’atmosphère ; Quant l’esthétique et la morale se rencontrent… Istanbul en est une des illustrations les plus éblouissantes.


Charpi

POST SCRIPTUM

PS de décharge de responsabilité. Certain(es) me diront d’y regarder à deux fois quand j’exprime des jugements de valeur dans ce post. Primo ce n’est qu’un blog et c’est notre blog na ! Donc on dit ce qu’on veut ! Deuxio nous sommes conscients que notre pays, présenté comme le champion des droits et des libertés, est très loin mais alors très loin d’être candide. Tertio, on parle de la Turquie contemporaine et on voulait juste vous donner un bref aperçu des changements en cours. Mais sans nul doute, la meilleure manière de se forger sa propre opinion est de venir sur place et de croiser un maximum de sources pour en sortir quelques évidences.
Le fun : Après un repas absolument délicieux, je voulais une nouvelle fois montrer ma reconnaissance au patron non pas en anglais mais avec nos quelques mots de turcs glanés ici et là. Alors je me lance « çok güselsin ». Là le patron, ancien tenancier d’un bar hard-rock, boule à z, percé et tatoué comme il se doit me montre toute sa désapprobation teintée d’un regard mi-méchant mi-surpris. Nos logeurs sont morts de rire et expliquent à ce dernier que je voulais simplement dire « çok güsel ». Traduction « çok güselsin » tu es très belle - « çok güsel » c’était très bon.  On a finit dans une cave à bière locale avec concert de métal en fond sonore. Le deuxième groupe nous a déçus… seulement 215 décibels…
Le frelon d’or : marcher et se perdre dans Istanbul que tous nos sens soient en éveil.
La pompe à vélo : l’indicible glissade de la société turque dans un conservatisme dogmatique. Le tout orchestré par les gouvernements successifs et ce depuis 30 ans.