27 oct. 2012



Visa.con : ambrassades et conspulats


Visa.con ou paperasse.con ou emmerdements.con c’est selon. Vous pouvez substituer le .con par .ouzbekistan .turkmenistan .china voire .france pour les iraniens.
Fini Schengen, fini la Turquie accueillante, « bien » venu en Asie ! Dans tous ces pays, il faut payer un droit de passage et parfois cela ne suffit pas. Pas moyen d’entrer au Pakistan ou en Afghanistan par la voie diplomatique habituelle. Donc, du floose pour ces pays mais aussi de la paperasse en veux-tu en voila. Paradoxal, ces pays requièrent des visas pour qu’on entre alors que personne ne veux y aller. Y aurait-il plus de touristes s’il n’y avait pas de visa ?
Un visa c’est un beau papier sur le passeport avec le tampon du pays d’accueil et les dates d’entrées et sorties. Le seul point positif pour nous, voyageur, c’est le souvenir sur le passeport. Franchement, on aurait pu faire sans ces souvenirs.
On galère pour quelques papiers, mais on a déjà la chance de pouvoir voyager. Pendant ces pertes de temps interminables, on pense à nos potes iraniens dont l’Europe et d’autres pays ferment les frontières…
Pour quasiment tous les pays il faut une lettre de recommandation de l’ambassade de France avec cirage de pompe en bonne et due forme pour le pays quémandé. Soit. Néanmoins, quand vous reviendrez dans le coin, n’hésitez pas à en faire des fausses, c’est ce que firent un anglais et un espagnol que nous avons croisés, ils passeront donc par l’Afghanistan.
Notre projet initial était donc d’arriver en Iran, ça c’est fait, puis de monter au nord via le Turkménistan, l’Ouzbékistan… pour arriver en Chine puis l’Asie du Sud-est. A Tehran, capitale régionale voire mondiale, on peut faire les démarches pour nombre de ces pays donc on s’est lancés. D’abord, consulter les sites internet officiels mais surtout les forums et blogs sur le sujet (mais avec la vitesse du web ici, ce n’est pas la panacée) ; puis téléphoner dans les ambassades pour confirmation (et donc bosser son russe pour l’Asie centrale) ; et enfin se rendre sur place.
Le visa de l’Iran est bien le plus simple à avoir : deux heures de temps à Trabzon, en Turquie.
Par contre, on a du faire 7-8 allers-retours aux ambassades d’Ouzbékistan et Chine, qui sont à côté. Il manque toujours un truc. D’abord, trouver un taxi pour y aller. Pas un ne connaît le quartier et ne parle anglais. Puis, arriver entre 9h et 11h, ce qui fait une fenêtre de tir relativement courte. Enfin, avoir les papiers : copies des passeports, des visas iraniens, photos de bonne taille (différente selon les pays), lettre de l’ambassade de France, « application form » à imprimer sur internet,… ça parait simple à première vue mais ça ne l’est vraiment pas. Ne pas oublier de prendre avec soi sa patience et ses meilleurs sourires diplomatiques.
Exemple pour la Chine. On y va une première fois, on a de la chance, Charpi double toute la file d’attente pour demander les papiers requis (sans rien demander mais le soldat aime sa tête de blond et son k-way bleu fluo). La paperasse habituelle, ainsi qu’un aller/retour en avion ! Bon, on en fait un fake dans une agence de voyage (pour vous dire à quel point c’est de l’onanisme diplomatique), on revient trois semaines plus tard (entre temps on a voyagé), et l’ambassade est exceptionnellement fermée. Ma foi, on revient le lendemain, tout heureux avec nos paplars, on trouve la guichetière qui parle anglais, plutôt bien il faut le dire, et elle nous annonce qu’il faut désormais une résidence en Iran ou posséder un passeport local pour demander un visa chinois ! Rrrrrhhhhh t’es bien mignonne mais on est touristes français ! Rien à faire… pas de visa chinois depuis Tehran, espérons que ce ne soit pas les mêmes obligations dans les pays suivants.

Les visas c'est le bordel, faut en vouloir
 
Pour l’Ouzbékistan, on fait à chaque fois la queue avec les agences de camionneurs… on a deux passeports et 150$ ; ils en ont des dizaines… et donc des milliers, en grosses coupures. Pour avoir écrit sur l’ « application form » que j’avais bossé dans la sécurité, il nous a fallu maintes courbades pour leur démontrer que je n’allais pas poser un problème de sécurité dans leur pays. Chaque mot est important. Ok maintenant je serai ostréiculteur.
Pour le Turkménistan, on ne peut avoir qu’un visa de transit (3 ou 5 jours on verra). En arrivant à l’ambassade, on remarque tout de suite ce chaleureux accueil qui semble caractériser le gouvernement. Même nos potes Khameni et Khomeni paraissent sympathiques à côté de ce gars, un remède contre l’amour (de son pays en l’occurrence). Pas moyen de demander une once d’effort, on aura nos visas le 30 octobre pour passer la frontière le 1er novembre. Alors que le visa iranien se termine le 30… le pouvoir diplomatique a parlé, on la ferme.
THE news of the week, ce sont nos amis kirghizes qui ont supprimé les visas d’entrées il y a trois mois pour quelques pays dont le nôtre. Si ça vous dit un petit aller-retour Paris - Bichkek, la voie est libre.

Avec Charpi l’itinéraire initial nous emmenait dans ces pays d’Asie Centrale. Mais. Mais par « chance », un français attendant avec nous devant l’ambassade d’Ouzbékistan nous avait parlé d’un « passeur » pour le Pakistan, un gars qui peut nous avoir des visas au black, car c’est impossible pour nous français de l’avoir par la voie diplomatique habituelle. Arf, why not se dit-on. Puis le lendemain on croise ce gars « par hasard » (ça commence à faire beaucoup de guillemets vous ne trouvez pas ?) au bazar de Tehran : il peut nous avoir des visas, par un pote qui bosse à l’ambassade.
Petit à petit on se fait à l’idée, pourquoi ne pas passer par cette route, on courra un peu moins qu’au Nord, on traversera l’Inde du sud puis la Birmanie, ça semble sympa. On croise un français à Esfahan, il est resté six semaines au Pakistan, a adoré ce pays, et il nous décharge d’une bonne partie de nos doutes sur la sécurité dans le pays.
En rentrant à Tehran on recontacte Ali le passeur dans le bazar. Le contact est bon, on est sur nos gardes mais on prend confiance. La première fois il nous déconseille carrément d’aller dans ce pays, trop dangereux. Soit. On le recroise deux trois fois pour parler affaires. Et là messieurs dames et mesdames on a affaire au plus grand arnacteur de tous les temps : à côté de cela Di Caprio est marchand de tapis, Audrey Hepburn est caissière à Mammouth et Christophe Maé est... Christophe Maé (oui ça n’a rien à voir mais tant pis, c’est gratuit).
Allez, on plonge, mais surtout on ne regarde pas plus si la piscine est remplie d’eau ou d’huile de vidange. On lui file 200 $ et tous les documents nécessaires (il voulait la totalité pour les visas d’Inde et Pakistan, soit le double, vous voyez on n’est pas si crédule^^). On se rend compte assez rapidement de l’arnaque car il est injoignable… dans le fion !! Ca nous apprendra à faire goozgooz nakom baba (« les malins », oui je me la raconte en farsi).

Sympa ce visa... mais ce n'est pas le notre

Soit, on est bien dégoutés. Déjà pour les 200 $ mais surtout pour la route du Sud. Perso j’ai vraiment la mort contre ce gars et contre nous. Mais on n’a pas grand-chose à se reprocher sur l’impression que nous a faite le gars. Si on le retrouve, on le présente à la Warner ou à Hazanivicius. En même temps c’est son job d’arnaquer le touriste, il se doit d’être compétent. Félicitations mon gars !
Néanmoins il a fait une erreur ce bougre de charlatan. Dans une de nos nombreuses balades dans le bazar, il nous a fait prendre un thé chez un « ami », vendeur de chaussures.
Charpi qui commence à me connaître sait que dans ces moments où ça monte, faut juste pas me parler, il passe le message aux potes iraniens. Le jour même, ce dimanche, je décide donc de filer seul au bazar avec je ne sais quel espoir. Je reste une demi-heure à la sortie du métro à essayer d’apercevoir Ali mais autant chercher un américain en Iran. Je file par désespoir de cause voir le marchand de godasse, Hamid, le fameux « ami ».
Et là plutôt bonne surprise, il est à mon écoute et me supporte (et parle un peu anglais !). Bon, avant toute discussion, il me fait fumer la shisha et boire le thé (il a aussi un shisha-shop). Il me dit qu’il va m’aider. Il est désolé pour moi mais regrette surtout l’image que cela donne à son pays qui n’est déjà pas au mieux sur la scène internationale. Il appelle deux trois gars du bazar, ça défile sous la pipette, tous sont désolés pour moi. Le temps passe, on fume, il téléphone, il me parle du pays, on boit, on regarde du foot à la télé, on boit, on fume, la salle ressemble de plus en plus à un aquarium… On sort, ouf !
Malgré sa taille gigantesque, tout le monde se connaît au bazar. Là, deux trois autres amis d’Hamid et connaissances d’Ahad (et non plus Ali, le faux nom du faux passeur) s’énervent après l’arnacteur. Un petit vieux tout rabougris « s’il repasse par là je lui mets une droite » me mime-t-il. Hamid fait débarquer le frérot d’Ahad. Ça ne rigole plus, on est dans le magasin de chaussures, du monde tout autour, c’est la foire, ça tracte et je ne comprends pas grand-chose. Après des coups de fils, des gars qui vont et viennent, Hamid me dit que l’arnacteur rapportera le pognon ce lundi. Yeahhhhhh Aaliye (« c’est bon ça », en farsi) !
Je reviens le lendemain, évidemment rien du tout. Shisha et thés quand-même. Hamid me conseille d’appeler les flics. Alors oui, pourquoi pas avoir à faire avec la police du pays qui a le record d’exécution par habitants depuis des années, mais il faut savoir aussi qu’on est en tort dans cette affaire ! Les visas au black ce n’est pas recommandé parait-il.
Ok, après acquiescement de notre hôte Grogol par téléphone, on décide d’appeler les flics. Au pire je feindrai la naïveté devant un gars qui proposait des visas, tout simplement. Moi aussi je peux faire mon acteur ! Je n’en n’aurai pas besoin. Le flic arrive en moto, armé mais pas trop. On est dans le magasin de shoes qui se trouve à l’angle d’une des plus grosses entrées, et qui est l’entrée des marchandises aussi. Hamid lui raconte l’histoire, il prend des notes, il boit le thé. Mais pas la shisha faut pas abuser.
« Here the police is very good you know » Oui oui Hamid t’es bien gentil de m’aider je ne vais pas te contredire.

Ma deposition : c'est clair non ?!

Je suis assis, les deux discutent debout dans ces 5m² où passent les clients, les voisins, les potes : le bordel quoi ! Au beau milieu des débats, Hamid remonte la fermeture éclaire de la veste du flic qui ne réagit pas, normal ! Vers la fin, Hamid lui tape un morceau de grosse bise baveuse dans le cou ! Heureusement je suis déjà assis. Mais c’est pas fini, le flic prend une brosse et s’astique les pompes. Je suis mort de rire intérieurement, c’est un gag cette histoire ! Après ça il me lance (alors qu’il ne m’a pas adressé la parole jusque là) :
« Doumash ?! »
Moi, interloqué et en regardant Hamid : « Quoi, ké qui dit ? »
Le flic, encore : « Doumash, Doumash ?! »
Moi : « Chi ? Bebarshid, ne mifahmam » (quoi ? désolé je ne comprends pas »)
Le flic : « Alexand Doumash ?! »
AHHHHHHH d’accord, Alexandre Dumas !!! Puis il me débite tout son amour de la littérature française, avec un accent à faire pâlir tout tourangeau qui se respecte : Victor Hugo, Emile Zola, Voltaire… et le plus célèbre d’entre eux Zinedine Zidane, ah oui quand-même faut pas déconner trop longtemps. J’ai de la « chance » je suis tombé sur un flic francophile.
Le flic : « Et la police, elle est bien en France ? »
Et là je lui rétorque un peu hâtivement : « Ca dépend ». Aie, je sens que ça l’irrite, il attendait une autre réponse. Faisant référence au même prof’ d’hypocrisie contemporaine que Mat’, je luis lance « mais avec moi ça va il n’y a pas de problème ». Le voila rassuré.
On signe une « déposition » : un double sera transmis au frère d’Ahad l’arnacteur. S’il ne ramène pas l’argent dans les deux jours, la Police ira le voir chez lui. Ça sent plutôt bon.

Quatre jours après, les flics n’arrivent pas à le trouver… ça sent le roussi cette histoire.
Je suis retourné plusieurs fois au bazar dans la semaine, et sur le chemin entre le métro et le magasin de shoes (et de shisha-thés, encore !!!!!!), je ne fais pas plus le malin que ça, je suis quand-même au milieu du bazar de Tehran, un « mafieu » comme les gars l’appellent ici, est recherché par les flics par ma faute… Un gars va-t-il m’attraper dans le dos ? Un autre va-t-sortir d’un magasin ? Vais-je prendre un coup-bas par un gars que je croise dans ces embouteillages humains... ? Y’a peu de risques mais je n’évolue pas à domicile, donc je ne fais pas trop le fier et je reste sur mes gardes.
Le bazar c’est hallucinant en tant que touriste, ça grouille de partout, on en prend pleins les yeux. Mais pour commencer à le fréquenter un peu comme un téhéranais, je ressens beaucoup plus cette oppression incessante, un milieu ultra masculin (au moins pour cette partie du bazar). A côté de gens tranquillou comme Hamid qui enchainent les shisha-thés, les transporteurs de marchandises sur chariots supers tendus. Mélange particulier où les premiers calment les seconds qui s’énervent entre eux pour un rien. La violence est latente avec ces allées et venues incessantes de marchandises dans un espace hyper réduit, et parfois elle éclate.
J’en profite quand même pour taper la discut’ avec le frérot de François Hollande qui passe par là : « Bon le frangin en France, il galère ou bien ? ».

Bien ou bien ?

On verra bien si l’on récupère l’argent. Ce n’est pas le plus important. On veut surtout qu’il ne recommence pas avec d’autres couillons, ce serait déjà pas mal. On est surtout déçu de ne pas passer au Pakistan et Inde, on s’y était fait. Et on va devoir courir un peu car on doit être dans moins de deux mois en Thaïlande (on ne dira pas pour quoi et pour qui^^). Cerise sur le gâteau, on a renvoyé nos duvets (et Charpi, sa doudoune) en France car on pensait ne plus en avoir besoin jusqu’en Amérique du Sud ! On va se les geler !
Mais don’t worry, ça va être énorme aussi cette aventure en Asie Centrale et Chine. De toute façon, du temps qu’on découvre des choses... On devrait être servis.

Frelon d’or : Bon voyage en France Grogol ! Si tu passes par la région lyonnaise…
Pompe à vélo : L’autre jour Mahdi appelle Mat’ « Viens voir sur mon balcon, vite », Mat’ interloqué se précipite. Tout ému, à regarder le ciel, « incroyable, des étoiles ! ». Il habite là depuis belle lurette, c’est la première fois qu’il en voit… pollution quand tu nous tiens.
Le fun : Après le CouchHôtel en Turquie avec Samia et Lise, « Viens chez moi j’habite chez une copine » : on a enfin réussi à virer notre logeuse ! Tranquille, on a l’appart à Tehran, si ça vous dit de nous rendre visite.

Benjo

PS Musical de Benjo : I’ll see you in my dreams, de Django Reinhardt
PS Musical de Charpi : Elevation of love, Esbjorn Svensson Trio

21 oct. 2012


Les off du 13h

Internet qui fonctionne ! yeah !!!

« Mais de quoi les iraniens ont-ils peur ? Qui ne veulent-ils pas voir dans leur pays ? ». C’est en substance les questions que l’on m’a posé l’autre jour depuis la France. Après plus d’un mois et demi ici, cette question m’a paru vraiment surréaliste (désolé pour les auteurs des dites questions). Et une autre personne en France il y a une semaine à qui l’on faisait aisément croire qu’ils avaient fermé les frontières, qu’on nous avait confisqué les passeports etc. (non, on ne dira pas que c’est notre pote Mika).
En Occident, il est vrai qu’on n’est pas aidés par les medias. Quand on nous parle de l’Iran c’est pour évoquer les pressions des instances internationales, le conflit toujours latent avec Israël, et les belles paroles du Président Ahmadinejad. Ça va rarement plus loin. On évoque donc les manifs du peuple iranien contre l’ambassade suite aux caricatures de Charlie Hebdo. Alors que celles-ci ne venaient pas du peuple mais ont été organisées par le gouvernement et ont été peu suivies (pour preuve l’ambassade n’a été fermée qu’une journée). Il n’est certes pas aisé de travailler ici pour les médias étrangers, les reportages intéressant ne sont pas légions, mais ils existent. Chers médias prenez un peu des risques et chère populasse, cherche l’info cachée derrière le 13h de JP Pernaud !
Avec ces remarques des amis ou ces sujets de médias, on se rend compte de la cécité qui existe entre l’Occident et l’Iran. Rassurez-vous, c’était la même chose pour nous il y a encore deux mois, nous aussi on a été franchement surpris lorsque l'on a constaté, entre autres, qu’il y avait l’eau potable dans toutes les habitations. Avec ce post, je vais essayer de vous apporter un éclairage sur ce que vivent les iraniens ici, ainsi vous pourrez le remettre en perspective avec les dérives médiatiques.
Certes ce ne sera qu’une analyse partielle. Notamment car nous n’avons pas rencontré toutes les couches de la population. On traine principalement avec la classe moyenne « intello ». La classe ultra-riche on la croise tous les jours mais on la fréquente peu. La classe « pauvre » elle est très présente aussi, on échange tous les jours mais ça reste en surface. Toutefois, au vu des contestations suite aux élections de 2009, on peut imaginer qu’une bonne part des iraniens est d’accord avec ce qui va suivre et souhaite une évolution de leur pays.

"petit" bazar dans notre quqrtier de Tajrish, a Tehran


Je crois qu’il faut vraiment que l’on ait un œil nouveau sur ce pays, sur ces gens. Et sur ce qu’ils vivent au quotidien.
Le pays regorge de sites naturels et de monuments magnifiques, chargés d’histoires. Rien que pour ça, cela mérite le détour. Et pourtant on ne croise quasi aucun touriste étranger. Mais surtout, on en a apprit sur la population, et croyez-le ou pas : ils sont comme nous !!! Les mêmes délires, les mêmes aspirations, les mêmes problèmes. Ah non, là ça diffère.
Pour ce qui est des délires eh bien il n’y a pas grand-chose à expliquer. On a passé deux grands week-ends à l’extérieur de Tehran avec la bande de potes et… eh bien on fait les mêmes choses qu’en France ! Soirée avec alcool (bien qu’interdit) et quelques psychotropes, poker, musique, danse, un bon barbecue en racontant des conneries à se rouler par terre. Rajoutez-y une balade et pique-nique dans la jungle comme ils l’appellent ici (une forêt en fait), un tour à la mer… Faisons-nous ça différemment dans le pays du béret-baguette ? En plus avec Charpi on est tombés sur une joyeuse troupe d’artistes : sculptrice, designer, musiciens, dessinateur, photographe, cameraman… de quoi pouvions-nous nous plaindre ?!

Petit aparté cocorico : pendant ce second séjour Charpi a gagné le tournoi de poker tandis que je remportais brillamment celui de Backgammon, sport national. Et Bim ! Faut quand-même pas oublier de bien leur montrer qui sont les patrons.

Pour ce qui est des aspirations, elles sont similaires. Ils aspirent à faire des études, ne pas galérer à chaque fin de mois, mais aussi passer du bon temps vous l’aurez compris, voir des concerts, se balader librement dans la rue, sans hijab pour les filles et en short pour les gars, se baigner sur une plage commune… et aussi voyager ! Ils veulent voir le monde, l’Autre, voir les différences autrement que par la télé câblée et l’internet très bas débit. Comme nous nous pouvons le faire.
Là intervient la différence : les problèmes. Ils sont bien différents ici. Il y en a chez nous bien sûr, et ça ne va pas franchement en s’améliorant . Mais ici c’est un autre niveau. Ils ont la liberté que veut bien leur donner le gouvernement (et les mollahs qui tiennent tout ça) : juste assez pour éviter les révoltes. A les voir tous les jours, on croirait que tout va bien, ils rigolent avec nous, sortent dans la rues, s’habillent « à la mode ». Mais c’est un leurre. On a eu des discussions avec à peu près tous nos amis ici et ils en reviennent tous à cette frustration, cette impuissance. Pour certains : cette malédiction d’être nés ici et à cette époque. On devine une certaine tristesse, un abattement.
Ce qui nous fait donc une belle tripotée d’emmerdements au quotidien :
-         Ils subissent, même si cela est relativement rare, des contrôles plus qu’intimidants dans les rues par la police « secrète » ; il y a la police des mœurs (notamment pour le contrôle de la tenue vestimentaire des femmes),
-       hier une trentaine de motards militaires tournaient dans les rues, armés jusqu’aux dents avec lance-grenades (pas le fruit malheureusement), mitraillettes, matraques et consort. « Simplement pour se montrer et foutre la pression » nous dit notre hôte. Et encore, on sort dans la rue sans grande crainte, pas comme le quartier Sessine de Beyrouth en ce moment…
-          il y a très peu de concerts, les paroles et le style musical étant de plus soumis à censure,
-          évidemment pas de bar où boire un verre alcoolisé, pas de dancefloor sinon traditionnel,
-          les sports sont séparés et (donc ?) peu pratiqués.
-       l’internet est ralenti au maximum et tous ne connaissent pas le secret de l’anti-filtre (en plus depuis trois semaines Google, Gmail… sont bloqués tout comme Facebook et d’autres),
-      et au-delà du quotidien : ils n’ont pas le choix officiel de la religion car ils sont musulmans de naissance (tu me diras en Suède c’est la même chose version catholique), les hommes doivent faire presque deux ans de service militaire pour avoir leur passeport s’ils veulent filer à l’étranger,…
-         Et pour arroser le tout, la monnaie perd en ce moment toute valeur par rapport à l’euro et au dollar. Début septembre 1€ = 27 000 Iranian Rials, mi-octobre 1€ = 45 000 Iranian Rials.
-          … et si c’était comme ça chez nous ?

Vous voyez c'est comme en France, une photo entre amis...

Comment se rebeller ? Notre hôte Javad de Esfahan a bien tenté et en a fait les frais. Il a frisé la correctionnelle. A force d’accueillir des Couchsurfeurs (800 en six ans !), il s’est retrouvé au poste de la police secrète pour propos peu amènes envers les mollahs sur le quotidien allemand Die Zeitung (à son insu évidemment). Il a été sauvé par le meilleur ami de son oncle, placé tout en haut de l’échiquier policier. Il a aussi une belle cicatrice sur le front, souvenir d’une matraque de 2009.
En parlant de matraque, Farzaneh, une bonne amie sur Tehran tente de se faire entendre à travers son art, la sculpture. En début d’année elle a réalisé une exposition sur le sujet. Lourde de sens, sous pression, mais elle l’a fait. Sa façon de protester. Elle travaille sur la prochaine expo : le jeu d’échecs.
Par contre il ne faut pas dépasser les bornes. Un ami de Grogol (notre hôte), qui avait tendance à écrire un peut trop sur la société iranienne et ses dysfonctionnements  bien que n’ayant jamais publié ni même distribué ses écrits à ses amis, s’est vu offrir une chambre tout frais payés dans les geôles perses pendant un an. Sa famille ayant subi des pressions, il a rebouché son stylo et est parti à la campagne, se faisant le plus discret possible.

Les iraniens voient l’étranger et veulent y aller. Avant la révolution de 1979, ils pouvaient voyager quasiment sur toute la planète. Aujourd’hui seuls quelques pays les acceptent facilement. La Turquie, la Malaisie, l’Inde et Dubaï étant leurs destinations « préférées ». Certaines des personnes que nous avons rencontré nous racontent leurs séjours à l’étranger : « J’étais à Dubaï, je pouvais boire une bière en short dans la rue, en discutant tranquillement avec ma copine non voilée », ou alors « Yeah l’Italie, ses plages avec ses femmes en maillot de bain ». Eh oui, on n’y pense jamais assez…
Ici ils sont bloqués, et le problème c’est qu’ils en sont conscients. Ils voient tout ce qui se passe dans les pays occidentaux mais ne peuvent que regarder. Injustice. L’espace Schengen est un doux rêve pour eux, que peut arrivent à transformer en réalité. Ils veulent venir voir, notamment cette culture qui nous entoure au quotidien. Quel chance d’avoir un Louvre ou l’embarras du choix des concerts ! Ça nous parait évident chez nous mais ici le concert de jazz-funk qui avait lieu l’autre jour dans la capitale de 15 millions d’habitants était un événement en soi.

Ile d'Hormoz, dans le detroit du meme nom : splendide ! Avec un tour guide de premier choix rencontre par hasard

Nos amis sont notamment attirés par la France. Grogol a voulu apprendre notre langue en écoutant Francis Cabrel et sa moustache de feu ; Mahdi (le designer mari de la sculptrice Farzaneh) c’était en écoutant « Le baiser » d’Alain Souchon et sa fantastique moumoute bouclée.
Ok, objectif France. Mais là intervient le problème des visas. Si nous, européens, pouvons venir en Iran comme bon nous semble (mais on ne le fait pas), pour eux c’est quasi impossible. En gros, une demande sur dix est acceptée. L’ambassade, et donc le gouvernement français, ont peur que les iraniens restent en France. Si cela est vrai pour certains, ce n’est pas le cas pour la grande majorité. Les multiples preuves de bonne fois qu’ils fournissent pour leur demande de visa devraient suffire à les persuader, mais ce n’est pas le cas. Injustice, encore.
Notre pote Mohammad, que j’appelle affectueusement Jean-Mahmoud en hommage à son bon Président (il m’appelle Jean-François mais je ne sais pas pourquoi), s’est vu refuser sa demande hier. Il voulait simplement voir sa copine qui passe six mois à Paris pour finir ses études, et qui a vraiment besoin de le voir car elle galère dans ses quelques mètres carrés sous les toits. On était avec lui devant l’ambassade pour l’attente de la réponse, une trentaine de personnes espérant comme lui, avec anxiété. On se croyait à l’annonce des résultats du Bac. Mais cette fois-ci les compétences n’avaient rien à voir dans cette histoire. Les reçus avaient la cinquantaine passée (peu de chance qu’ils viennent piquer du boulot en France) et étaient plutôt bien sapés. A Momo, on lui a officiellement signifié : « les informations communiquées pour justifier l’objet et les conditions du séjour envisagé ne sont pas fiables ». Soit…
L’excellentissime nouvelle de la matinée est pour Grogol à qui notre bon pays a fourni un visa pour qu’elle rende visite à son copain français ! Elle fait partie des 10% ! Probablement car elle est prof de français, et qu’elle diffuse la culture du pays des Lumières (!) à l’étranger. Sohrab son frère est aussi vraiment heureux pour elle : « three months out of this hell, it’s great for her ».

Vers la Caspienne

Ces iraniens sont donc comme nous mais n’ont pas les mêmes libertés, tout simplement. Imaginons-nous un peu à leur place, ou imaginons-nous en France, avec quelques potes ça et là qui ont toutes ces privations, non pas par choix mais par naissance. Ça ferait bizarre non ?! On n’est pas naïf, on savait que ça existait sur cette petite terre (voire en France), et il y a pire bien sûr. Mais pour l’Iran, cela est couplé à l’image que l’on a de ce pays depuis l’Occident. Ils subissent l’injustice au quotidien et on a un œil encore plus injuste sur ce qu’ils « seraient ». Qu’on change d’avis, qu’on soit plus juste envers eux.

Pour en revenir aux questions de l’intro : à part les réac’ fondamentalistes, tout les iraniens sont heureux de voir des étrangers, d’où qu’ils viennent. Au contraire, cela leur permet de voyager, c’est leur fenêtre sur le monde. Par ailleurs, non, les frontières ne sont pas fermées, mais vu l’accueil de ce peuple, on serait tenté de prolonger encore le séjour…

Le frelon d’or : le visa de Grogol ! Bon voyage de part chez nous.
La pompe à vélo : le refus de visa de Momo.
Le fun : la version yaourt de « Je ne regrette rien » par Momo. Extraordinaire. Si on regarde bien c’est quand-même très compliqué à prononcer tout ces « r » pour un étranger.

Benjo

PS musical de Benjo : Mistake, du groupe underground Radio Tehran
PS musical de Charpi : Clocks, de Coldplay feat. Buena Vista Social Club (en plus ça fait parti d’un projet appelé APE artist project earth dont les fonds sont reversés à des actions pour lutter en faveur de l’environnement)
PS du PS musical : pour les non experts d'internet, il vous suffit d'appuyer sur le titre de la chanson pour l'écouter !

Si ça vous dit, allez jeter un coup d’œil sur les sites de nos amis Mahdi et Fafa, artistes réputés dans le pays :
www.mehdifatehi.com le designer
www.mahartgallery.com la sculptrice (mettre en anglais, sauf si vous lisez le farsi, aller à Farzaneh Hoseini)


16 oct. 2012


C'est la galère internet en Iran !!!!!!!!! des heures pour télécharger une photo, et en plus elle bug ! désolé ! Même chose pour les photos sur facebook... on fait ce qu'on peut !

Midnight express

« Tehran bodo Tehran do nafar » crie le chef de station. Comprenez « dernier appel départ immédiat pour Téhéran ».
Merveilleux séjour dans le golfe persique. Les vacances sont finies, on remonte sur Téhéran retrouver nos amis. Près de mille bornes, une paille mais vingt heures de tchoutchou quand même.
Il est 12h50 et l’on atteint notre chambrée dans la voiture 3.
Je ne sais pas si les guichetiers ont reçu des consignes quant à notre présence dans le pays mais à chaque fois c’est pareil. Notre chambrée n’accueille jamais le fleuron de la gente féminine autochtone. Pour ce trajet nous voilà avec trois gaillards. Cinq confinés dans 4m² ! Forcément ça invite à faire connaissance. On n’a pas été déçus. Un nouvel épisode de Tintin et Haddock en Iran.
Au début c’est l’étonnement et puis la curiosité prend le dessus. On a avec nous un petit guide de conversation anglais-farsi. Pour briser la glace y’a pas mieux. Je vous balance la retranscription de nos conversations. A noter que le Benjo s’est fait très discret. Bon élève, premier de la classe, rillettes sous le bras, il était en train de taper un post.

Tintin, qui a prit un petit coup derrière la tête...

MATHIEU : « Alors vous allez où ? ».
LE PLUS ANCIEN : « Qom pour nous » en me montrant son collègue. « Le jeune va à Téhéran ».
Aparté : Qom est une ville au sud de Téhéran. C’est la ville sainte avec Mashad située plus à l’est. C’est la ville des Mollahs d’où est partie la révolution de 1979. Très pro-régime, très conservatrice, très religieuse.
MATHIEU : « Et vous faites quoi dans la vie ? »
LE PLUS ANCIEN : « Moi je prie, je suis imam »
SON COLLEGUE : « Chauffeur »
LE PLUS JEUNE : « Etudiant dans une medresa coranique à Téhéran »
Là je regarde Benjo et sans rien nous dire juste avec nos yeux on se dit bon ça va être fun.
J’enchaîne, mêlant farsi en carton, anglais des familles et langage des signes. Aucun d’eux ne parlent anglais à part le petit jeune quelques mots.
On arrive à communiquer plus ou moins.
IMAM : « Quelle est ta religion ? »
MATHIEU : « Je n’ai pas de religion. Je crois certes mais pas en des dogmes ou une institution. C’est plus une croyance en des forces, des énergies. »
L’imam est circonspect au début mais il capte le moment où je dis « I believe ». Le voilà rassuré.
Tiens ! Arrêt du train. Dix minutes après le départ. Chai pas ce qu’ils ont ici, les trains s’arrêtent tous les trente mètres. Pour vérifier la gomme des pneus ou l’état du pot ?! J’en sais rien. Bref, ça permet d’apprécier les paysages.
IMAM : « Et tu travailles ? »
MATHIEU : « Pas en ce moment. J’étais professeur. »
IMAM : « Et ça gagne bien ? »
MATHIEU : « Pas à me plaindre »
IMAM : « Tu es marié »
MATHIEU : « Pas exactement, j’ai une copine »
IMAM : « Des enfants ? »
MATHIEU : « Pas exactement, ce sont ceux de ma copine ». « Et vous ? »
IMAM : « Deux filles »
CHAUFFEUR « une fille »
M’adressant au jeune resté ici très discret. Lui me répond, sans trop avoir compris mon sens de l’humour, qu’il est encore un gosse. Les deux autres également. Ok j’ai compris, le délire second degré t’oublie hein !
IMAM : « Et vous venez d’où ? »
MATHIEU : « De France, de l’Olympique Lyon »
Football = donnée universelle. Permet aussi de dévier la conversation sur des sujets plus cools. Mes fesses, sur la retenue depuis le début, me remercient. 
MATHIEU : « Et vous supportez quelle équipe ? »
LES TROIS : « Melli Iran » (l’équipe nationale).
Etonnant !

Parfois on regarde par la fenêtre...

Au chauffeur d’enchaîner brut de décoffrage : « Ton avis sur les USA, Israël et la Palestine ? ».
Veuillez remonter vos sièges, accrochez vos ceintures, nous venons de subir une brutale dépressurisation de l’appareil. Respire Mathieu, respire. Je regarde Benjo. Je lis dans ses yeux et dans son sourire ironique « démerde-toi ! Ce sont tes potes… ». Merci Benjo.
MATHIEU : « Bon pour les USA, les politiques j’aime pas trop. Mais les gens peuvent être très sympas. Je me retiens de dire « un peu comme ici tu vois ». Israël difficile de juger. On est loin de tout ça, pas trop d’informations claires pour décider. Idem pour la Palestine. Et vous ? »
Merci, cher public pour cet oscar, je voudrais également remercier mon prof d’hypocrisie contemporaine.
LES TROIS : « USA , Israël non. Palestine oui ». Ils insistent avec leurs mains. Bon on savait déjà la réponse.
IMAM : « Et notre gouvernement tu en penses quoi ? « 
Putain, putain mais c’est quoi ces questions ?! Mathieu dit pas de conneries, dit pas de conneries. Et Benjo qui s’enfonce de plus en plus dans le canapé les yeux plongés dans l’ordi. Et merde ! « Vous savez c’est difficile de savoir. Votre pays a mauvaise réputation mais on est venu là pour le découvrir et en savoir plus ».
Cette phrase je crois que c’est celle que j’ai le plus dit ici en Iran. Mais elle sauve la vie.
A ce moment là, passe dans le couloir une fille magnifique il faut le dire. Tout le monde se tourne pour la regarder. Classe. Elle porte le Tchador mais avec beaucoup de prestance.
La conversation dévie automatiquement sur la question féminine. Alors bien sûr vous imaginez qu’avec des religieux, on n’a pas parlé techniques de drague, opération du nez et des tétés.
IMAM : « C’est joli, hein ». Me mimant le port du voile.
MATHIEU naïf : « Oui, oui »
CHAUFFEUR : « Tu en penses quoi ? »
MATHIEU « Euuuuuuhhhhhh. ». On se sent lâche… mais lâche !
L’Imam ne me laisse pas le temps de répondre qu’il quitte la chambrée. Il revient quelques secondes plus tard avec la fille en question. Elle parle un anglais impeccable.
MATHIEU : « Bonjour, on essaye de parler mais ce n’est pas évident tu peux peut-être traduire pour moi ? »
FILLE : « Oui, vous parlez du voile. Tu sais pour nous c’est important. C’est une protection. On se sent plus en sécurité quand on sort »
MATHIEU : « En sécurité ?! Peur de quoi ? De moi par exemple ? »
FILLE : « Oui, par exemple ».
No comment. La fille traduit aux trois qui nous accompagnent. A la fin l’Imam affiche un sourire bonhomme. Satisfait.
MATHIEU : « Mais vous, vous pensez que c’est une bonne chose pour toutes les filles ? Pourquoi ? »
IMAM : « Dieu l’a dit »
Bon, dur de faire face à Dieu. Quoique je le vois tous les matins dans le miroir^^. Dur, en effet.
J’ai soif, je sors quelques instants, histoire de me désaltérer et de m’aérer la tête.
Pas sorti depuis dix secondes qu’un des intendants m’invite dans leur wagon. Changement d’ambiance. Que des couilles mais elles ont laissé la barbe et le coran au vestiaire.
UN DES INTENDANTS : « Tu viens d’où ? ».
MATHIEU : « Faranzavi » (français).
INTENDANT : « Tu joues au backgammon ? »
C’est le sport national ici comme en Turquie. Avec le Benjo on a apprit. On devient pas mauvais, on donne du fil à retordre aux champions locaux.
INTENDANT : « Et les filles, ici ? Belles ? Et combien t’en as eu ? »
A ce moment un tiercé dans l’ordre (dans le désordre c’était bien aussi) passe dans le couloir. Et bim l’intendant un peu relou explique à l’une d’entres elles que je veux son numéro.
LA FILLE en anglais : « tu veux mon numéro ? ».
MATHIEU : « Euh , attends moi j’ai rien demandé, chui là peinard, je veux juste évacuer un peu ».
LA FILLE : « Je te le passe si tu veux ».
Et merde, trop en moins d’une heure.
MATHIEU : « Bon je dois aller voir mon pote ». Je dis au revoir aux intendants. Au passage la fille me fait les yeux doux.
AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA. Besoin d’une bonne dose d’Islam saupoudrée de sourate coranique.



Je retourne en direction de la mini-mosquée où l’on a été mis avec le Benj’ quand je vois que le petit jeune est sorti. Il m’arrête. La discussion s’engage.
JEUNE : « Tu penses quoi de l’Ayatollah Khameni ? »
MATHIEU après avoir viré Coluche, Charlie hebdo et l’innocence des musulmans de sa tête : « Tu sais c’est dur de juger, je ne vis pas ici » Et toi ?
JEUNE : « C’est le meilleur des hommes. Il parle vrai, dit la vérité. Je ferais tout pour lui. »
MATHIEU : « Tu as quel âge ? »
JEUNE : « 15 ans ».
MATHIEU : « Et pourquoi tu es si sûr que tout ce qu’il dit est bon ? »
JEUNE : « Parce que c’est Dieu qui l’a choisit »
MATHIEU n’en pouvant plus : « Hein ?! J’ai rien choisi du tout moi ! »
JEUNE ne comprenant qu’à moitié l’anglais : « Pardon ? » 
MATHIEU : « Non rien, ok ».
Nous retournons à l’intérieur de la chambrée. La nuit tombe. Il fait faim. Le silence s’est installé. La fatigue me gagne. Nos trois collègues nous regardent avec des sourires. Ce ne sont pas des excités. Certes ils sont partisans mais on a pu discuter tranquillement.
MATHIEU : « Et vous avez des hobbies ? Vous écoutez de la musique ? ».
IMAM : « Moi je prie et j’écoute uniquement des sonati (musique traditionnelle).
CHAUFFEUR : « Pareil pour moi la pop j’aime pas ».
Le train s’arrête. Encore. J’ai l’impression que tout le monde sort. Mais mince tout le monde sort ! Le jeune m’emmène avec lui. Toutes les personnes vont dans la même direction. Je suis sans trop me poser de questions. Quand je comprends où j’arrive, je demande au jeune.
MATHIEU : « Attends mon Gabert, je suis étranger et t’as vu ma gueule, j’ai le droit d’entrer ? »
JEUNE : « Oui, oui c’est la maison de Dieu »
Me voilà dans la salle de prière ; Le train s’est arrêté pour la dernière prière du soir. Je vois l’Imam sur ma gauche, le chauffeur devant. Juste à côté les intendants avec qui j’ai eu des conversations profondes et spirituelles. Tout le train s’est donné rendez-vous sur une immense carpette où chacun a son mihrab personnel. Bon y’en a un commun qui indique la direction de la Mecque.
A l’entrée chacun prend une pierre censée représenter la pierre noire (relique vénérée par les musulmans).
Quelques minutes plus tard. Retour dans le train. Le repas est servi. Benjo nous quitte. Une partie de Backgammon l’attend avec les intendants. Je suis fané. Je passe au local technique vider lyne quand je recroise la fille qui voulait me filer son numéro. On parle quelques instants. Autre lieu, autres mœurs. Elle m’explique à quel point c’est une pure connerie ce voile. Elle vient de divorcer de son mari (également talonneur dans l’équipe d’Albi, voir mon précédent post). Elle veut profiter de la vie, avoir des expériences. Bon je suis désolé mais ça sera sans moi je suis mort de fatigue.
Avant de tomber, je vois Benjo revenir mi-figue mi-raisin de son tournoi de Backgammon. Pas assez fort petit scarabée.
Le Train s’arrête. Encore. C’est 5h. Tout le monde descend. C’est la prière du matin. La journée commence…

Le fun de la semaine : Un mois et demi que je courre après multipliant les investigations. Je l’ai trouvé hier soir. On était sorti se balader dans la ville avec Benjo. Au détour d’une rue, je lui pété un tympan. Je l’ai ! Je l’ai ! Mon premier bonhomme avec une paire de boucles d’oreille. Je ne suis plus le seul Gay en Iran. Le président Ahmaninejad appréciera.
La pompe à vélo : Séjour dans le nord de l’Iran : montagnes, Caspienne toute proche. Un moment de grand air, tout pour plaire. Mais. Ya toujours un mais. Alors on veut pas faire les rabats-joie avec le Benjo. Mais il fallait bien une petite note écolo à ce post. Une de nos amies prend une douche et je peux vous dire qu’à côté gwo’stéf utilise l’équivalent d’un verre. Jamais vu ça près de 25 minutes sous l’eau en CONTINU !!! Le lendemain j’en parle avec le Benj’, il me dit qu’il lui a fait remarquer. Là je le regarde un peu désabusé et lui dit « ouais je pense qu’elle a compris pour la douche, il faudra lui expliquer que c’est pareil pour la vaisselle ». No comment. Prochainement un post de sensibilisation sur l’eau dans « classe verte ».
Le frelon d’or : la conversation avec notre copeng’ Mika. Aux petits oignons.

Charpi

PS Musical de Charpi : Dardeeshgh, du groupe iranien O-hum
PS Musical de Benjo : Those were the days, reprise par le groupe iranien Kiosk


9 oct. 2012


Why did you come to Iran ?

Mais qu’est-ce que vous êtes bien venus foutre en Iranie ???
C’est la question que l’on nous pose régulièrement. En nous accostant dans la rue, dans un bus, sur un site touristique. Ils se demandent vraiment quelle idée nous est passée par la tête ! C’est vrai qu’il y a très peu de touristes, ils doivent se dire que leur pays a un souci, donc pourquoi certains viennent-ils quand-même ?
Je blague, ils savent bien que leur pays a un souci, ils ont Fox et TF1 comme tout le monde. Je re-blague, ils connaissent bien les problèmes géopolitiques, et que cela bloque le tourisme. Ils restent donc très surpris de voir des personnes non effrayés à l’idée de venir leur rendre visite.
On a des réponses toutes faites mais vraies. Si si.
-          Dans nos pays, quand on entend parler de l’Iran, ce n’est qu’en négatif, cela ne concerne que la politique. Et l’on a tendance à généraliser sur le pays et sa population. Mais on savait bien qu’il y avait autre chose, on voulait se faire notre propre opinion.
-          Et alors, vous aimez bien ? Khoobi ?
-          Kheyli khoob ! D’ailleurs, on a étendus nos visas, c’est bien que…
Ils sont contents de la réponse mais restent un peu stupéfaits. C’est quand-même un peu énigmatique à leurs yeux.

La Turquie, on connait par la télé, des amis y sont allés, il y a même en France des kebabs à tous les coins de rues. La Thaïlande, le Viet-Nam, l’Australie c’est la même chose. Même sans y être allé on sait un peu à quoi s’attendre. Mais l’Iran… Bien sûr si on ne fait que regarder les infos, on se dit que ce sont tous des barbares barbus terroristes (même les femmes ?!). Mais on voulait creuser… L’avantage est qu’on n’avait aucune idée préconçue avant de venir. On est donc arrivés avec le cerveau vide (tu m’diras, ça change pas trop). Et comme l’on fait confiance à l’espèce humaine, on s’est dit que cette population aurait des trésors à nous révéler. On n’a pas été déçu. Par les perses, mais aussi par le pays. Des couleurs arc-en-ciel… et plus que ça !

Tiens, par la fenêtre du train, je vois deux dromadaires qui ondulent leur bosse sur un pas lancinant… Quelques palmiers, des maisons en briques à un étage et tout autour du désert et des montagnes arides…

Violet : vers 5h du matin sur les pentes du Damavand, un peu avant le lever du soleil, un rayon nuageux à la limite de l’horizon. Une ligne, plus qu’un arc, dans le ciel. Jamais vu cette couleur, pourtant j’ai vu quelques levers, je me rappelle notamment l’été dernier sur les sentiers du GR 20 avec Mika, il y avait des teintes nouvelles de roses à mes yeux. Ca donne envie d’en voir plus de ces levers. Mais faut dire que c’est un peu tôt ! S’il faut faire trente bornes de montagne en se levant à 3h à chaque fois, autant acheter un caléidoscope.
Indigo : non mais c’est quoi cette couleur ! Je déclare forfait, je ne fais pas l’effort.
Bleu : un mot qu’on dit avec les yeux, et en Iran, les yeux en ont des choses à dire. Surtout ces mosaïques sur les mosquées. Sur les dômes, mais aussi sur les minarets, les portes magistrales, tout autour de la cour extérieure… Différentes teintes, du bleu azur au bleu marin, mariés à un blanc et quelques autres couleurs comme le jaune ou le rouge. Quelques coupoles marrons, ce sont les mosquées réservées aux femmes.
Vert : j’ai découvert ici les oasis. Jusqu’ici c’était une boisson sucrée au possible,  quelques lignes dans les livres de géo et d’histoire, à la rigueur un groupe de rock. Mais en Iran on les vis, on les suit d’une ville à une autre, d’une vie à une autre. On roule pendant des heures dans des paysages arides, avec seulement quelques montagnes pour apporter une ombre à peine plus fraiche que les rayons du soleil. Puis, au fond de cette interminable ligne droite, une grosse tache verte : des arbres, des maisons, des gens : la vie au milieu de la mort. C’est vraiment magique.

Couleurs du bazar de Esfahan

Le vert dans ce pays, c’est aussi le Green Party, mais pas celui que l’on croit. L’écologie est encore dans le berceau. Le Green Party est le nom du parti de l’opposant à Ahmadinejad en 2009. Et on leur a apprit à se taire. Le gouvernement aimerait également les emmener dans le désert… définitivement.
Rouge : Comme l’une des couleurs du drapeau iranien, et le sang de ce peuple, qui coule régulièrement pour sa quête de liberté. La dernière fois en 2009 pour les élections. Les prochaines ont lieu en juin 2013.
Orange : le fruit, mais aussi les mangues, les melons, et pas si loin les grenades, fraises, bananes… on s’en régale les babines de ces jus frais, pressés devant nous. On en profite parfois plusieurs fois par jour, on ne va pas se priver, non ?!
Jaune : le sable des déserts. Je l’avais aperçu il y a fort fort longtemps en Egypte, mais là je le vis un peu plus intensément. Cette planète est donc bleue par ses mers, verte par ses plantes, blanche par sa neige mais aussi sable par son jaune. Ou jaune par son sable. La chaleur et l’aridité de ces déserts semblent abriter la mort mais l’on comprend qu’ils soient des lieux de méditation, d’ermitage, de repos.

Couleurs... locales !

Et en bonus pour vous public adoré, fidèles parmi les fidèles, les couleurs non homologuées par la convention arc-en-ciel :
Noir : est-ce une couleur d’ailleurs ? Dans les pays précédents je ne l’a voyais pas, ou peu. Ici, l’œil est attiré par les hijab noirs. On en voit en continue, on s’y habitue. Presque. Une femme que l’on voit de croiser dans le train nous dit que cela lui permet de se protéger, qu’elle se sent safe quand elle croise des hommes. Et surtout, c’est le prophète qui l’a dit. Si beaucoup en sont convaincus, j’ai tendance à croire que certaines aimeraient avoir la liberté de le quitter.
Multicolores : toujours ces hijab. En filant vers le sud, les couleurs apparaissent. On se sent plus proche des pays arabes, voire de l’Afrique. Ça donne de la vie. On a l’impression de changer de pays, de culture en tout cas. Mais la loi islamique reste la même…
Blanc : et celle-ci, c’est une couleur ? Alors le blanc, c’est nous ! Enfin, surtout un. L’autre jour vers 23h je me suis promené seul à Bandar Abbas, j’ai fait le marché de nuit (eh oui, en 11h et 17h la ville dort) et je suis passé complètement inaperçu. Sensation étrange. Par contre dès que je mets mon sac à dos c’est foutu. Ouais je l’appelle comme ça maintenant (charpi). Pendant nos cinq jours passés sur le Golfe, on a croisé un occidental, un allemand. Et encore, c’est un tricheur, lui c’est la quatrième fois qu’il vient en Iran pour étudier la loi islamique. Tout ça pour dire qu’on est assez seuls, et on ne se plaint pas, au contraire !

Frelon d’or : la surprise de l'île d’Hormoz. On s’attendait à rien et on a eu la totale. Merci Mahvary le biologiste marin pour ce détour.
Fun : Les parties endiablées de backgammon avec les potes…
Pompe à vélo : j’ai envie de marquer des conneries mais Charpi a des idées encore pire. Chenapans que nous sommes va !

Benjo

PS musical de Benjo : Quitte à t'aimer, de Hocus Pocus
PS musical de Charpi : Straight to my heart, de Camel