24 sept. 2012


Chroniques de bas en haut

Aujourd’hui on part du quartier de Gheytarieh, au nord, pour rejoindre le bazar, dans le centre-sud de Tehran. On va suivre Shariati street, qui file du nord au sud, mais en métro. Aperçu de la vie souterraine. Quinze millions d’habitants mais seulement quatre lignes de métro, ça se bouscule au portillon.
Je quitte la lumière teintée de pollution de la rue pour me retrouver dans la lumière artificielle d’une station assez moderne. Des escalators, un panneau d’interdiction, quoi ?! Il est interdit de marcher sur les escalators ! Yep, on nous dit que ça abime le matos… soit. Un ticket à 10 centimes d’euros, allez, on embarque.
J’évite de m’asseoir aux deux premiers et deux derniers wagons, ils sont pour les « women only », même si elles ont le droit de s’aventurer chez les hommes. Un métro bien comme chez nous, peu de sourires, l’odeur du travail en costard. En avance même sur la pub, présente sur les poignées. Dans les télés, quelques spots de pubs bien sûr mais aussi des images de guerre : comme de partout, les martyrs de la guerre contre l’Irak sont instrumentalisés. D’ailleurs ne vous étonnez pas de voir que le nom des stations est souvent shadid (martyr).  J’entends un gamin jacter comme le crieur de la Croix-Rousse, mais c’est pour vendre des étuis en plastique pour télécommande. Le suivant, une dizaine d’années aussi, vend du dentifrice. Quelques minutes après, c’est une fillette de six-huit ans qui vend les proses des grands poètes iraniens, dans des petites pochettes surprises. En trois-quarts d’heure de trajet, on croise une demi-douzaine de ces vendeurs, certains ont la cinquantaine bien passée.

Un métro normal... ou presque.

Ah tiens, Iphone à gauche, c’est pas la crise économique pour tout le monde. Les mêmes sonneries que de part chez nous. Sauf l’autre là, un peu plus loin, une sonnerie de tronçonneuse. Délicat, parfait pour le réveil. Les vieux nous regardent d’un air halluciné et résolu : « mais où va notre jeunesse ? » semble t’il dire. Je n’arrive même pas à être indiscret à essayer de lire son sms, il écrit en farsi…
Un long bip qui pète les tympans à chaque station, ça c’est universel. Mat souffre le martyr. Tu passeras peut-être bientôt dans la télé du métro^^.
Ambiance de métro parisien chez les « hommes », mais c’est autre chose chez les femmes. Ça papote, ça rigole, ça vend et achète tout et n’importe quoi : la liberté quoi… mais sous terre et enfermé dans un wagon ! Deux jeunes qui ne savent toujours pas comment interpréter les lois du pays, se positionnent de chaque côté des battants. Ils n’osent pas trop s’afficher, mais s’échangent regards et sourires discrets, impatients de sortir du wagon pour se prendre la main. S’ils osent…
Plus on approche du centre plus on se rapproche de ses voisins, ça se bouscule. Je laisse la place à un petit vieux, il me remercie à renfort de grands sourires. On assiste à des concours de politesse. Qui parviendra à donner sa place ? Qui acceptera ? Ce qui est sûr c’est que celui qui acceptera aura une chemise (souvent à carreaux) et celui qui se relèvera en aura une aussi. Un polo au pire, très rarement un tee-shirt. Je suis debout, mais je cède mon coin à une femme ; elle aura ainsi un peu plus d’intimité, se sentira moins observée et cernée par tous ces hommes. C’est de coutume de leur laisser ces places.
« Alors Charpi, bien ou bien ? » oui on échange quelques mots. Un gars nous entend, il sort « oh, vous êtes français ?! ». C’est parti pour un nouvel échange avec un local. Vraiment simple ici. Après quelques minutes, on se passe nos numéros, il nous donne rendez-vous pour aller voir un match de foot. C’est bon ça !

De nouveau le killer bip, allez hop on est arrivés à la station « Panjdar-o-Khordad » (c’est marqué aussi en alphabet latin, heureusement), mais faut jouer des coudes pour descendre. Oppression… Un courant d’air chaud venant de la rue nous brasse l’air froid de la clim du métro. La sensation d’un bon gros sèche-cheveux dans la face. Un autre gars nous entend parler (ou nous regarde, simplement), et nous enchaîne. Hassan, il est pachtoun afghan mais vie ici depuis belle-lurette. Il est chaud à l’idée de nous accompagner, ou plutôt de nous montrer, son bazar.
On sort, les klaxons klaxonnent, les marchands marchandent, les touristes… où sont les touristes ? On tente de traverser la rue mais c’est risqué d’y aller seuls, on préfère suivre un local, le laisser entre nous et les voitures. Ça amortira le choque, au cas où. Il faut principalement éviter les taxis. Comme à New-York City, ils sont jaunes (certains sont verts fluo) et colorent les rues, mais ce sont de bonnes vieilles 405 ! Yeeaaahhhh ! Avec la Divist-o-shish (206), Peugeot profite bien de l’embargo américain. Comme de partout, pas besoin de chercher bien loin pour trouver les têtes de Khomeni et Khameni : s’ils ne sont pas en A4 dans la première vitrine que je vois, je retrouve leurs joyeuses trombines sur un pan entier d’immeuble.
On file sur Khordad avenue. A gauche des groupes d’une cinquantaine de personnes (des mecs à 95%) jouent à faire du change de monnaie. A droite, un fast-food « Appache » : le McDo local, qui est plein. Ça grouille et trafique de partout.
On s’embarque dans une des deux portes magistrales du bazar. Une autre aventure commence, je passe à peu près inaperçu, pas Mat. Ce bazar (couvert) est gigantesque, des dizaines de rues de partout, s’étendant chacune sur des centaines de mètres, et des échoppes à n’en plus finir. Je lève la tête : il y a même des étages ! Je fais un pas de torero quand un gamin avec un trolley chargé de cartons m’évite de justesse… ma cheville est encore accrochée, ça va. Y’en a de partout de ces pilotes d’intérieurs, mais pas que des enfants à la voix qui portent comme s’ils avaient cinq ans de boulot derrière eux. En même temps, c’est surement le cas…

La rue principale du Bazaar de Tehran. Agoraphobe abstiens-toi

Le bazar fonctionne par quartiers. Chaque coin à sa spécialité : les chouchous pour ces dames, puis les écharpes ; les jeans et ceintures pour les hommes. Mais aussi les backgammons, le tissus au gros, les gadgets inutiles en tout genre, le cuir, les casseroles, les horloges, les épices, les fruits secs, et les boutons ! Au moins une dizaine de magasins remplis de centaines et centaines de boutons différents ! La guerre des boutons.
On s’y perd dans ce bazar, surtout qu’Hassan file à un bon train. On passe devant des boutiques où les logos des grandes marques sont vendus au mètre : Lacoste, Gucci, Nike… deux flics passent devant, ils s’en contre-foutent comme de leur première chemise contrefaite. Avec Charpi, on se dit que même la fille la moins shopping du monde péterait un plomb ici. Pendant ce voyage, on n’est pas forcement portés sur les souvenirs, mais là on aimerait tout craquer, tout ramener.
Un marchand de tapis, un vrai, repère les deux étrangers (on n’en n’a croisé aucun en trois heures de temps). Son meilleur anglais rivalise avec son meilleur sourire, il nous convainc, on le suit au deuxième sous-sol. Faisons-lui confiance, ça ne peut pas être un coupe-gorge quand-même !? On passe une bonne demi-heure à tâter les tapis, il nous raconte leur façonnement, la différence entre les tapis tribales, les tapis à la chaîne (mais à la main), la soie, la laine… Quel raffinement, quelle douceur au toucher. On remonte, on nous offre le thé, ils hallucinent de voir des étrangers…
Et moi j’hallucine d’être là, à Tehran, dans un bazar, un vrai. J’adore. On adore.

Benjo

Un an de travail pour une pièce de Maître

Frelon d’or de la semaine : Grogol, son frérot Sohrab, et leur bande de loustics. Kheyli mamnun on se marre bien avec vous et on en apprend beaucoup.
La pompe à vélo de la semaine : On s’y habitue malheureusement, mais elle est toujours là. Et bien là : la pollution atmosphérique. Sans omettre ses amies les pollutions du sol, de l’eau mais aussi électromagnétique : yep, ici les antennes relais pullulent (depuis la Croatie en fait) et ils ne cherchent pas à les cacher : la technologie à fond, on verra après pour les conséquences.
Le fun de la semaine : être multimillionnaire. Easy en plus. Mais en Iranian Rial. Ah ouai d’accord…

PS musical de Benjo : Bruises, de Chairlift
PS musical de Charpi : Jumpi, de Sergent Garcia

15 sept. 2012


Premières « imperssions »

Voila maintenant deux semaines que nous sommes en Iranie. On n’a pas encore énormément voyagé, on est surtout restés dans la capitale et autour. Dans les guides, il est bien dit qu’il n’y a rien à faire à Tehran, il faut y rester deux jours pas plus. Bon, on aura fait environ deux semaines. Sans pour autant visiter grand-chose. On est simplement restés à parler du pays avec des locaux. Et ça, c’est déjà un voyage.
Si on ne va pas chercher plus loin que le 13h de JP Pernaud ou les magistrales analyses du 20h de Claire Chazal, on n’a pas franchement envie de visiter ce pays. Des barbus, des terroristes et une menace nucléaire quotidienne.
Bien nous ait prit de ne pas lire les (non) recommandations du ministères des affaires étrangères avant notre arrivée, sinon... eh bien sinon rien du tout ! Ce n'est pas ça qui allait nous arrêter.
Difficile après si peu de temps de se faire un avis sur le pays. On fera probablement une analyse plus poussée à notre sortie du territoire. Je vais simplement parler en quelques paragraphes de ce que l’on apprend du pays, des perses, de leur quotidien. Un peu en vrac.

Nord de Téhéran, Tajrish square

En fait on n’a pas eu besoin de poser nos pieds en Iran pour sentir leur formidable accueil. Plusieurs jours avant notre passage à la frontière, on avait déjà été invités par des iraniens croisés simplement au détour d’un voyage en bus ou dans un appart. Autre impression positive avant notre arrivée : les requêtes CouchSurfing. Dans tous les pays précédents, on avait au maximum une réponse positive pour une dizaine de demande. On s’était dit pour l’Iran, on en envoie une vingtaine, ce sera plus sûr. Quelle ne fut pas notre erreur : en deux jours, une douzaine avait déjà répondu positivement à notre requête. On avait l’embarras du choix !
Et l’heureuse gagnante du grand concours de TeD (Tour et Détours pour ceux qui n’ont pas suivi) fut Grogol, des quartiers presque nord de la capitale. On l’a notamment choisi car elle est bilingue farsi-français et qu’elle connait bien la société française pour y avoir vécu deux ans. On s’est dit que ce serait parfait comme introduction au pays. En effet, avec elle on en apprend énormément, en plus elle comprend parfaitement notre point de vu d’occidental donc c’est parfait. Et point non négligeable, elle nous fait bien marrer.
Dans le train entre Van (Kurdistan turque) et Tehran, on a plongé la tête en avant dans la société iranienne. Ce mini transsibérien est magique, lits couchettes et multiculturalisme au rendez-vous. Vingt-six heures pour faire mil kilomètres, six heures de retard. Qu’on arrête de se plaindre de nos TER ! Perso, j’imagine ma madre, trente-huit ans avant mois, dans ces mêmes wagons… je souris. La promiscuité de ce vieux tacot facilite les rencontres : des turcs, des rappeurs undergrounds de Shiraz, un voisin de couche un peu fou mais sympa.

Et un groupe d’iraniennes (bah oui, on ne va quand même pas perdre les bonnes habitudes^^). Elles ne portaient pas le voile tant que l’on était en Turquie, mais dès le passage de la frontière, elles les ont mis à toute vitesse, surtout en entendant approcher les pas des douaniers iraniens. Oui, ici le voile est de rigueur et ça ne rigole pas, il est obligatoire dans les lieux publics (en dehors des apparts). Mais pour une grande partie de la jeunesse, le voile se porte le plus discrètement ou classe possible, un élément de mode comme un autre (ou presque). Grogol nous explique que le Coran demande à ce que les femmes ne montrent pas les parties «  attractives » que sont les avant-bras, les chevilles et le cou… pourtant, plus c’est caché plus c’est énigmatique et attrayant, non ?!
Dans ce wagon, j’ai été surpris quand une des filles m’a demandé si je m’étais fait refaire le nez. « Effectivement jeune damoiselle, c’est un nez de bogoss, mais c’est du naturel 100% made in Ardèche ». Elle n’a pas tout saisi. Elle était toute fière de dire qu’elle s’était fait refaire le sien. C’est désormais un nouveau jeu avec Charpi, dès que l’on sort en ville, on compte le nombre de pansements sur le nez des filles : cinq il y a deux jours, douze hier, une bonne dizaine aujourd’hui. Et seulement en quelques heures. C’est hallucinant, on n’arrive plus à les regarder dans les yeux, on est obnubilés par leur protubérance nasale. Et une certaine frange de la jeunesse se peinture la face au maquillage, beaucoup se blanchissent la peau… c’est assez navrant. Tout ça pour rentrer dans un moule, un canon de « beauté » made in occident.

Avec Grogol, dans le Beckett Café

Dans ces rues de Tehran, on se sent bien, on n’a pas de crainte spéciale. On évite simplement les photos peu discrètes. Notre plus grande peur concerne la circulation : on se félicite à chacune de nos traversées réussie. Des fous, vraiment, Grogol la première. Grogol, cette petite rebelle, qui joue avec les lois et les coutumes.
Toujours pour confronter nos a priori à la réalité, on constate que les femmes sont « relativement » libres. On se demandait en arrivant si on pouvait par exemple les aborder dans la rue pour demander notre chemin : oui évidemment, même si on ne va pas choisir celles portant un nikab. Mais pour tous les habitants, ce n’est qu’une « relative liberté ». Ils en donnent juste assez pour que la population ne se révolte pas tous les jours. « Fins » politiciens ces mollahs.
Mais cette « liberté » dépend vraiment des milieux. On nous explique, et l’on commence à constater, qu’il y a trois franges dans cette population. Les pauvres, plus religieux et traditionnels, qui se préoccupent surtout du court terme car ils n’ont guère le choix. Les très riches qui achètent tout et tout le monde, la corruption ayant encore de beaux jours devant elle. Et la middle-class, plutôt intellectuelle, que nous fréquentons.
C’est cette middle-class qui s’oppose le plus franchement au gouvernement et aux leaders religieux. Ils nous disent leur haine de ces politiques barbus (Ahmadinejad n’étant qu’un pion des mollahs), et leur nostalgie de l’époque du Shah, une époque qu’ils n’ont pas connu. Les femmes nous disent leur haine de ce voile obligatoire et rabaissant. Pour les autres franges de la population, si une partie suit les préceptes religieux dictés à grand renfort de propagande, la majeure partie est à bout. Les dernières élections en 2009 ont fait des centaines de morts suite aux manifestations… qu’en sera t’il en juin prochain ? Certains sont démoralisés, cherchent l’exil, se disent maudit d’être nés à cette époque (années 80) et à cet endroit ; d’autres ont toujours l’espoir chevillé au cœur. Mais quelle solution ?...
Malgré des perspectives pas très réjouissantes, le peuple iranien est de loin le plus accueillant que nous ayons rencontré jusqu’ici. L’antithèse de ses leaders politiques et religieux. Ils font le maximum pour que l’on se sente à l’aise dans leur pays, dans leur maison. Nous sommes invités de partout : dans les familles, les stades de foot, les soirées… Seulement pour quelques jours peut-être, mais cela sonne vraiment sincère. En tout cas, on est plus que ravis et on se sent à l’aise. Vraiment l’opposé de l’idée que l’on peut s’en faire dans nos médias occidentaux.

On a aussi adoré notre retour du Mont Damavand. Un groupe d’étudiants rencontré sur place nous a proposé de nous ramener, nous a offert le repas, et nous a obligé à chanter en français. On a fait ce qu’on a pu mais je crois que Jo Dassin ou Francky Vincent peuvent être fiers de nous. Ces jeunes, reliés au monde par internet (grâce aux anti-filtres), sont conscients qu’ils sont pieds et poings liés, qu’ils ne connaitront peut-être pas notre liberté d’occidental, en tout cas pas demain. Mais j’ai aimé leur façon de voir la vie : avec simplicité, malgré les écueils. Une simplicité que l’on retrouvait dans les jeux qui ont accompagné ces quelques heures de voyage. On avait un peu oublié ces moments où quelques jeux font sourire, tout bonnement.

De retour du Mont Damavand, bien entourés !

Les iraniens font les foufous dans les bus, entre eux, mais n’en n’oublient pas moins de respecter les lois. Les mecs en pantalons et les meufs portant le voile. Eh oui, si un flic venait à voir une fille « dévêtue », elle risquerait gros. Il y a dans ce pays une grande différence entre les lieux publics et privés. Dans la rue et les lieux publics, un habillement strict, pas de concert de rap ou autre rock américain, évidemment pas d’alcool… quelques couples se tiennent la main quand-même. Mais dans les apparts cela n’a rien à voir : mini-short pour les filles, torse-nue pour les mecs, alcools importés par les réseaux arméniens (d’ailleurs ils ne tiennent absolument pas, un verre et ils sont secs !), et toute sorte de musique importée de l’étranger.
Le gouvernement façonne une certaine image du pays, que l’on retrouve dans les lieux publics (le Président Ahmadinejad disait il y a peu devant les nations unies : « on ne peut pas avoir de problème avec les homosexuels, on n’en n’a pas ! ») ; et dans les lieux privés, la population vis sa vie, à l’opposé (en tout cas pour une bonne partie).
Dans notre guide, il est marqué à la rubrique Night-club : « dream on » (« dans tes rêves »). Et là on a halluciné quand on est allés faire un tour dans leur « night-clubs » locaux. Il y a en fait plusieurs rues en ville qui permettent ces rencontres, sur le modèle des boites. Mais ici on ne danse pas sous les spots, on circule en voiture (une 206 si possible, le summum de la classe ici). Une voiture de mecs remonte lentement la rue (dix km/h pas plus), et essaie d’aborder une voiture de meufs. Comme en boite, quelques mots, une blagounette, un sourire, et si ça suit, hop on échange les numéros de téléphone. On en rigole bien avec le Charpi, mais on sait aussi que c’est par défaut, car ils ont peu d’autres possibilités de rencontre à l’extérieur…
Comme il n’y a rien à faire en soirée à l’extérieur, les jeunes font des tours en voiture, dans la ville. L’autre jour on a fait une sortie dans le seul centre commercial de la ville (un Carrefour, ouvert jusqu’à minuit !). On est aussi allés se promener sur un des « parcours ». Quelques kilomètres de voies piétonnes sur les hauteurs de la ville… pour marcher, parler, acheter une bière sans alcool, un kebap. On trouverait ça sympa chez nous, mais là aussi c’est par défaut. Une grande frustration ressort de toutes ces privations…

Des promenades dans la ville, des sorties au supermarché, une comptabilité des nez refaits… Oui, pour l’instant pas ou peu de grands paysages, de livres d’histoires ouverts. Mais ce bain de civilisation nouvelle nous va, on adore. Cela ne nous empêche pas d’être conscients de tous leurs problèmes, d’avoir du recul sur leurs quotidiens qui n’est pas joyeux, malgré leur merveilleux accueil.
Il y aurait tellement à dire sur ces deux premières semaines, on en apprend tous les jours, on enchaine les surprises. Venez faire un tour, c’est plus simple.
Pour l’instant on est plus que positivement surpris (même si on n'avait aucune crainte réelle). Apparemment le sud est assez différent de la capitale, plus traditionnels, mais aussi plus touristique. On verra bien si on reste sur ces mêmes premières impressions.

3h du mat', allez, on est chaud pour quelques heures de grimpe

Le frelon d’or : le sommet du Mont Damavand, 5671m. De la bonne montagne, de l’air frais, un gros effort, des nuages de souffre au sommet, un lever de sommeil magique avec des couleurs incroyables (une sorte de violet hallucinant, on verra ce que donnent les photos)… On a raté le Mont Ararat mais pas celui-ci. Quel plaisir !
La pompe à vélo : le craquage physique de Charpi à 5500. Au bout du rouleau. On n’a presque pas dormi pour partir tôt car on nous prédisait du mauvais temps. En fait le temps à très bien tenu mais Charpi n’a pas assez dormi, et ça c’est rédhibitoire. Et pour moi, un sommet sans son compagnon de cordée, c’est pas la même, il manque vraiment quelque chose.
Le fun de la semaine : les sorties en voiture avec Grogol, la JuttaKleinschmidt locale ; et les sorties en « boite ».

Benjo

PS musical de Benjo : Rajaz, de Camel
PS musical de Charpi : Je l’aime à mourir de Francis Cabrel (oui dans cet appart, la moustache de Francis fait des ravages, elle accompagne nos soirées)


11 sept. 2012


On a joué les prolongations en Turquie.

Goooooooooooooood Moooorrrrrrrrrrrrrning Francia !!
Voilà c’est fini. Fini pour la Turquie. On vous rassure on est en route pour l’Iran et déjà c’est un festival de découvertes et de rencontres. On vous en dira plus bientôt.
Entre temps on voulait vous livrer nos derniers moments anatoliens et des impressions plus générales sur le pays s’il vous prend l’envie de venir goûter à cet endroit à la structure bien plus complexe qu’il n’y paraît et aux charmes multiples.
51 jours !! On a apprécié l’Anatolie. Dire qu’on s’était dit 3-4 semaines mais c’est tellement immense et riche en diversité. Je suis sûr que l’on aurait pu prolonger mais l’Orient nous appelle.
Dur de synthétiser et c’est tellement tributaire de notre vision des choses et de nos rencontres surtout. Ne soyez donc pas étonnés que parfois, souvent, nos dires vous semblent contredire votre propre expérience de la Turquie ou celle de vos amis (es).
On s’était quittés à Trabzon avec le film Expendesboules (toujours pas digéré cette tragédie époustouflante), on a repris la route pour Kars près de la frontière arménienne. Et quelle route !! De la steppe en veux-tu en voilà. On s’imagine croiser des caravansérails entiers, ces routiers de la soie ou encore une horde de Mongols surchauffés à blanc par un Gengis plus Khan que jamais. C’est à Kars que l’on a vraiment commencer à voir les différences entre un Ouest-turc très touristique et un Est en dehors des circuits classiques des agences. Les étrangers se font rares. Le touriste est surtout local (turc, azéri, arménien mais derrière la frontière^^). De même la propension de femmes dans les rues baisse considérablement pour se réduire à la portion congrue. Fini les jours heureux où nous pouvions séduire à tour de bras. Que des hommes !! Y compris dans les magasins de chaussures ou de lingerie féminine (oui oui on y fréquente).
Autant dans l’ouest on passait inaperçus, autant ici les regards sont prenants, insistants, parfois intimidants. Les locaux sont curieux de savoir d’où l’on vient. Cependant une fois le contact établi c’est la chaleur humaine qui prend le dessus. L’hospitalité turque n’est pas un mythe. Et ici dans l’Est elle est assez impressionnante. Un conseil : mettez-vous au thé. On en a bu des quantités gastronomiques. Les vendeurs d’alcool disparaissant au fil de notre progression il a bien fallu noyer notre chagrin dans un liquide de substitution.
Après nous sommes des bonhommes, les relations avec les autochtones s’en trouvent facilitées. Dans l’Est anatolien, les hommes sont très tactiles. L’ « absence » des femmes expliquent en partie ces comportements. On se tient par le bras ou les épaules parfois par la main, on se fait la bise, ou le coup de front c’est selon. Il n’est pas rare que des serveurs nous déposent un bras affectueux sur l’épaule en nous demandant ce qu’on veut manger. Cette ambiance virile ne se retrouve pas partout à l’Est, mais elle nous interroge sur la place de la femme. J’y reviendrai un peu plus tard.
Je voudrais quand même ouvrir une parenthèse « visite » car l’Est anatolien regorge de bijoux. A Kars, on eu le souffle coupé par l’ancienne capitale de l’Arménie : Ani. A cheval entre la Turquie et l’Arménie à près de 2000 mètres d’altitude. L’endroit surprend par sa beauté qui invite à la contemplation. Les steppes s’étendent à perte de vue. Le mont Ararat n’est pas très loin. Les vestiges sont splendides. On ressort de ce lieu curieusement apaisé.

Ani, a la frontiere armenienne, premieres steppes...

En continuant notre descente vers la zone kurde, nous avons fait une halte à Dogubayazit. Un oasis (un vrai) au pied de l’Ararat. Du haut de ces 5165m, il se détache nettement des hauts-plateaux qui l’environnent. Et puis pas très loin c’est Ishak Pasa, le palais des mille et une nuits, perché sur un éperon rocheux dominant la ville de toute sa majesté. Incroyable ce moment passé là-bas. On a été seuls pendant au moins deux heures à jouer avec la lumière des lieux (vous avez compris avec les photos sur fesse de bouc). Juste à côté du palais, deux mosquées nécessaires pour cette zone vide de gens. La ville se situant plus bas dans le plateau. C’est un autre aspect qui diffère avec l’Ouest. Certes le nombre de mosquées ne cesse de grandir dans l’ensemble du pays mais à Kars et Dogubayazit il y avait une telle concentration au mètre carré. Et le gouvernement met des ronds là-dedans. Etat laïc ?
De l’oseille ! C’est toujours ailleurs qu’il faudrait en mettre. Notamment pour récupérer tous ces gamins des rues qui vendent ce qu’ils peuvent (mouchoirs, fruits, gadgets…) ; d’autres proposent de vous peser. Ils refusent la nourriture que l’on leur propose, seule la monnaie a de la valeur. Un désastre ! C’est bête à dire mais quand ce sont des minots, on juge l’humanité coupable.


Hazankeyf et ses truites, le long du Tigre, bientôt rayé de la carte

La Turquie change, bouge, mais pas forcément sur le bon tempo. La condition féminine prend quelques sérieux taquets depuis un moment maintenant. Depuis 5-6 ans le processus s’accélère. Bien sûr les différences peuvent être surprenantes d’une région à l’autre. A Istanbul on a  pu voir de l’occidentale peroxydée version Lady Gaga débardeur, mini-jupe et hauts talons. La femme portant un voile léger assez classe. Dans les quartiers plus traditionnels, le niqab est de rigueur. Ce qui est surprenant c’est que plus on avançait vers l’Est plus le niqab disparaissait. Comme si plus on était proche de l’occident chrétien plus il fallait afficher de manière ostentatoire sa croyance. Le défi et la confrontation. L’effet frontière se ressent finalement plus à Istanbul que dans cet Est où de toute façon 99,9% des gens sont musulmans (plus ou moins pratiquants).
Pour la petite anecdote nos deux amies parisiennes Lise et Samia ont vécu une expérience plutôt déplaisante à Eyüp un des quartiers traditionnels d’Istanbul à cause de leurs tenues qui choquaient la « bonne morale ». Et vous pensez bien qu’elles ne se baladaient la « choupinette »  à l’air. Certes à l’est et surtout dans la zone kurde, les femmes « niqabées » sont très peu présentes mais leur statut est réglé d’avance : à la maison et c’est tout. Résultat : difficile pour nous de savoir si les femmes ont le choix question vêtements.
En fin de compte tout dépend du milieu où vous tombez, du niveau d’éducation et d’ouverture d’esprit. Mais il est clair que les tensions sont latentes du fait d’une dérive législative vers le dogmatique.
Qu’en pense la population me direz-vous ? Tout le monde n’est pas en accord avec les politiques actuelles. Les jeunes sont comme partout, nombreux sont ceux qui se désintéressent des questions religieuses. Le leitmotiv est de trouver un sens à sa vie, qu’elle soit la plus heureuse et la plus libre possible. D’autres sont aussi pris par l’apparente embellie économique du pays. Le gouvernement actuel sait jouer avec ça. Et puis ne pas oublier que nous autres européens bien pensants avons renvoyés dans les 22 la Turquie quand elle faisait un appel du pied pour rentrer dans l’Union. La conséquence directe est que le pays s’est retourné immédiatement vers les pays du Moyen-Orient.

Mardin et au loin la Syrie...

Sa situation géostratégique lui permet d’être un des acteurs majeurs de cette région du monde. Alors il souffle le chaud et le froid quand ça l’arrange et les rapports avec les voisins ne sont pas toujours au beau fixe. A l’Ouest la Grèce, leur meilleur ennemi. Les îles de la mer Egée sont toujours un prétexte à querelle et vu la conjoncture des hellènes ça ne va pas aller en s’améliorant ; le long de la Mer Noire, l’Ukraine et la Russie et la question du pétrole off-shore; au Nord-est l’Arménie avec qui les relations diplomatiques sont rompues suite au génocide (les turcs et azeri sont vraiment contre « l’interprétation française ») ; à l’est l’Iran avec qui les relations sont changeantes ( l’actualité de ce dernier ne pousse pas de toute façon à faire copain-copain, c’est pas le moment).  Tout comme les pays arabes : l’Irak (en guerre larvée depuis 2003) et la Syrie (en guerre réelle depuis plusieurs mois).
Avec ces deux derniers la question de l’eau joue un rôle primordial. La Turquie a mis en place depuis plusieurs années un immense programme de construction de barrages (le GAP). Le deuxième plus grand barrage de Turquie (après celui d’Atatürk sur l’Euphrate) est en train d’être construit dans la région du Tigre. Ces deux fleuves traversent l’Irak et la Syrie. La Turquie est le château d’eau de la région et elle a décidé de fermer les vannes en amont. Même la méditerranée n’échappe pas à la tempête médiatique avec le problème chypriote toujours coupée en deux entre grecs et turques. Personne ne semble vouloir mettre de l’eau dans son raki. Enfin bref, fais pas bon être ministre des affaires étrangères ici.
La situation géopolitique à l’intérieur même du pays est loin d’être évidente surtout dans cette zone kurde que nous avons traversés. On ne parle pas de « kurdistan » s’il vous plaît excepté au kurdistan. Un conflit meurtrier qui court depuis 1984. De nombreux affrontement ont eu lieu entre l’armée et le PKK (parti indépendantiste kurde) le jour même de notre sortie du territoire. Pas évident pour les kurdes qui revendiquent leur territoire sur 4 pays (Turquie, Iran, Irak et Syrie… sont pas arrivés les gonz). Cette partie de la région subit en partie l’âpreté du gouvernement. Une des perles touristiques de la région, Hasankeyf, est condamnée à disparaître sous les eaux (le fameux barrage qui va inonder toute une vallée agricole et 37 villages). Pour aider l’agriculture. A ouais !! Bien vu !! Il faut dire l’environnement, on s’en steak ici mais à un point. J’ai failli perdre le Benjo plusieurs fois. Il a frôlé l’arrêt cardiaque. Il n’est pas arrivé le pauvre. J’essaye de le préparer mentalement à l’usine à charbon qu’est la Chine.

Un qui doit se retourner dans sa tombe c’est Atatürk. On vous le glisse régulièrement dans les posts. Mustapha Kemal dont on a visité l’immense complexe consacré à sa vie et son œuvre, à Ankara. De 1920 jusqu’à sa mort en 1938, il a fédéré les différentes régions entre elles, il a libéré le pays des puissances étrangères puis a réalisé un nombre incalculable de réformes, au premier de laquelle la laïcisation. Il a interdit le port du voile, à donner le droit de vote aux femmes (bien avant la France), libéré la presse, reformé l’éducation… aujourd’hui on ne peut pas faire vingt mètres sans voir son portrait ou son nom quelque part : photos dans les compagnies de bus, les coiffeurs, chez les gens, dans les voitures ; nom d’un rond point, de la place centrale, statues de partout… Le pauvre, le pays file un mauvais coton et tout le monde, aux premiers desquels les politiques actuels, se servent de son image pour se légitimer. Les absents ont toujours tort… ou raison, c’est au choix.
Bon on sait, on est conscient que c’est un portrait rapide et quelque peu partisan. Mais on retiendra l’essentiel : qu’on est restés plus longtemps que prévus car la Turquie est un pays passionnant. Toutes les régions que l’on a traversées nous laisseront de supers souvenirs, soit en raison de la beauté des sites, soit en raison des personnes avec qui nous étions. Et mieux, parfois, il y avait les deux à la fois !
Alors un immense merci :
A Cécile et Servet avec qui nous avons ouverts notre repas turc. Au menu Mezzes et Rakeu.
A Nate le ricain pour sa pause donuts.
Aux deux parisiennes pour le trou normand.
A Buse pour avoir sublimé notre tablée.
A Cezmi et ses potes sympathisants du PKK d’avoir clôturé notre séjour par un des meilleurs petits déjeuners de notre vie.
A tous ceux qui sont furtivement venus nous serrer la paluche ou nous offrir le thé.

Direct Live (d'il y a dix jours) : On est dans le train pour l’Iran on discute avec des iraniennes, elles nous disent leur admiration pour la Turquie, pays de la liberté. Ca vous fixe le niveau de nos prochaines aventures.

A Van, en attendant le train, premier contact avec la jeunesse iranienne,
après une impro guitare-chant avec le loustic

Le frelon d’or de : La visite d’Ani, ancienne capitale de l’Armenistan, rivale d’alors de Constantinople. Ville désormais quasi déserte mais ambiance sublime.
La pompe à vélo : Depuis Mardin, ville kurde du sud-est de la Turquie, dans un paysage désertique pas encore vu jusqu’ici, s’imaginer qu’à 30 kilomètres de là se trouve la Syrie, où les massacres sont quotidiens…
Le fun de la semaine : Le nombre de fois où l’on nous demande « where are you from ? » et que l’on répond « Lyon ». Moment d’étonnement « where ? ». Repeat again « Lyon ». Toujours pas…  Ok on improvise « Olympic Lyon ». Ah ouais bien sûr. Et c’est parti : Karim Benzema, Franck Ribéry, quelques zizous, un Platini et surtout 2-3 ouh ha Cantona !! P…..n Lyon ! Quelle équipe !

Benjo en rêvait, Charpi l’a fait

8 sept. 2012


Pré scriptum :    Benjo voulait que l’on signe le post à deux. J’ai refusé car il en a eu l’idée et qu’il en a écrit la quasi-totalité. « Quasi » c’est de bibi. Subtile, mon écriture se fait à la première personne du singulier du Benjo. Il est maintenant impossible de retrouver ces marques de fabrique… Voilà ce que c’est un vrai couple. Parfois les pensées fusionnent.

Les journées types

Euh… vraiment je ne sais pas comment écrire ce post. Bah écrit le pas… Il faudrait tout mettre en boîte, catégoriser, mais j’ai du mal à trouver des fils rouges. Je vais plutôt donner quelques exemples de journées réellement vécues (c’est faux tout est inventé, d’ailleurs on vit à Aubervilliers depuis trois mois), généralisez le tout, et ça vous donnera quelques idées. Car en fait ça se déroule souvent comme ça.

La journée double. Trabzon, Turquie, le 19 août.
On a passé la nuit dans le bus depuis Ankara. Un tour de cadran, 18h-6h. Des moments forts et intenses ces nuits dans le bus. En gros, on ne dort quasiment rien, entre le bus qui s’arrête toutes les deux heures et le confort spartiate. Moi avec ma grande taille j’ai pas de places pour les jambes, déjà que j’ai du mal à m’endormir mais là ça relève du challenge avec un Charpi qui s’agite dans tous les sens comme un clebs qui marquerait son territoire. Il couine en plus. Quand on arrive enfin à trouver une position et à somnoler bah… on arrive à l’Otogar (gare de bus), à quelques kilomètres du centre.
On se renseigne avec notre parlé turc matinal pour savoir où prendre un dolmus (minibus) pour nous amener dans le centre. « Attendez, une navette vous y emmène ». Un des éléments important du voyageur : l’attente. Ici, ce n’est que trois-quarts d’heure. Allez hop, on se retrouve dans le centre, la place Atatürk Alani (en Turquie tout est « Atatürc », bien plus que les avenues et places De Gaulle). On visite un peu tous les hôtels du coin pour avoir le meilleur rapport qualité prix (à part à Venise on n’a jamais réservé). Avec un ou deux argumentaires bien rôdés, on négocie ferme.
On se pose, il est environ 8h mais on ne va quand même pas dormir toute la journée. On se renseigne pour aller visiter le monastère orthodoxe de Sumela, à cinquante bornes d’ici.  25 TL (turkish liras) l’aller/retour ça nous parait cher, on va voir les concurrents… c’est la même chose, ils se sont entendus sur les prix. On va quand même tenter de faire un somme, le départ étant à 10h.
On revient en ville vers 17h. Ca fait un peu visite organisé mais on n’a pas bien le choix pour ce site. On flâne dans Trabzon, on observe les locaux (une de nos activités favorites), puis vers 20h on hésite entre un kebap et un kebap. Vers 21h on rentre et on va se coucher…

On the road to Trabzon avec The company Metro

La double journée. Sarajevo, Bosnie-Herzégovine, 18 juin.
Réveil à Mostar, 100 kilomètres au sud-est de la capitale, vers 7h. Départ à 9h pour Vissoko, les pyramides au nord de Sarajevo. Deux heures de trajet en voiture avec un bosniaque, un anglais et une allemande, à fond de musique électro. Suite à la visite, on arrive à Sarajevo centre vers 18h. On tente de se repérer, on a rendez-vous à 20h au « big mall » du centre avec nos CouchSurfeuses Lamia et Majda. On profite des trois heures d’attente (oui trois heures, on ne s’est pas trouvé tout de suite) pour écrire des mails, un post, poser des photos sur facebook… l’administratif de Ted (Tour et Détours, ahah !) quoi.
A 21h on fait connaissance, un premier verre en ville puis retour chez les hôtes et même si on est un peu fatigués, on veille. Tard. Car les CouchSurfeuses sont là pour nous et l’on doit répondre présents ! Et en plus, ça nous fait plaisir !
Je suis un peu rapide sur les expériences couchsurfing car pour vous public chéri mon amour, bientôt dans les bacs un post entièrement consacré à cette thématique.

La journée rouille. Ankara, Turquie, 16 août.
Relativement rare, la journée rouille se déroule ainsi. Grasse mat’ jusqu’à 9h grand max. Oui, grand max car il n’y a ni rideau ni volet (depuis la Croatie en fait). Trainage au lit, lecture, musique. Souvent un petit-déj – repas vers 11h/midi. Balade dans le quartier mais pas trop loin quand-même, faut pas abuser. Remise à jour de l’administratif de TeD, préparation du repas à la française (mais avec des ingrédients turcs) pour Buse, la CouchSurfeuse qui va rentrer du théâtre. Repas en commun, discussion, guitare et rigolades tardives… Généralement ces journées (trop rares), servent à se reposer, mais on en ressort tout aussi fatigués ! Eh ouais, la gestion d’un foyer qui n’est pas le sien demande une vigilance accrue. Tou(tes) les deux ont y est bien habitués dans nos colocs respectives. Les intéressées apprécieront ^^.

Comme vous pouvez le voir, c'est la galère pour télécharger les photos en Iran....
Ca bug souvent. Ici, Charpi à moitié sur un post dans une "journée rouille"

La journée visite. Sarande, Albanie, 2 juillet.
Bon déjà, la base, s’être fait deux amies. Toujours opté pour la gente féminine on sait jamais. Dans le cas présent une texane et une suédoise. Lever vers 7h30, petit-déj dans l’auberge de jeunesse, direction l’arrêt de bus et attente de 30 minutes car en Albanie on ne s’en fait pas trop des horaires officiels. A dire vrai on en vient à regretter les 5 minutes de retard du TGV. Ca permet aussi de prendre le temps de discuter avec quelques locaux en « albanglish ».
Premier stop après une demi-heure, quelques kilomètres de marche et de stop pour rejoindre les Blue Springs : baignade ! Au top !
Puis de nouveau un minibus chopé sur le bord de la route, 30 minutes de plus et c’est la ville de Gyrokaster, site U.N.E.S.C.O. Quelques heures sur place à arpenter les rues, manger une bonne glace, faire quelques photos bizarres dans un avion espion US « qui s’est rendu aux forces albanaises ». Mouai… On cherche un petit moment pour savoir d’où l’on repart, à quelle heure, pour combien (on tente d’éviter le prix spécial touriste). Retour à l’auberge vers 20h, repas sur la plage et dodo.

Voila, je ne sais pas si vous avez compris grand-chose mais on vous rassure : non nous plus ! Notre programme se faisant quasi au jour le jour et au gré du bon vouloir des locaux, il nous est difficile de garder des habitudes. Ca fait parti du charme du voyage…

En tout cas on sort de chacune de ces journées toujours plus fatigués que la veille. Voyager ça crève un pneu. Nous on en a que deux et on est bientôt à court de rustines. Je pense que l’on est à deux doigts d’investir dans un jet. Néanmoins le corps a cette capacité rare de s’habituer très vite aux variations journalières. Et on est encore loin de ressembler à des zombies. Et on kiffe !

Benjo (du coup !)

3 sept. 2012


L’ITV des 100 jours

L’interview croisée et débridée des 100 jours.
S’il n’y aucune suite logique, c’est normal, c’est comme notre voyage, c’est de l’organisation improvisée. Ou le contraire c’est vous qui voyez.


Alors mon Charpi, qu’est-ce t’en dis ?
Il est 2h30 du mat’ dans un train pour l’Iran, chui avec toi, j’y réponds à tes questions, chui bien et toi ?

Tu voyages souvent, pourquoi ? Que cherches-tu et que trouves-tu ?
La liberté impulsive sans obsession du lendemain. L’envie irrésistible d’apprécier le moment présent et de le partager.

Pour toi la Turquie, tu l’as vécue plutôt paréo-moustache ou cuir-tongue ?
Alors j’ai envie de te dire que c’était plutôt paréo-tongue. Cuir-moustache je le réserve pour l’Iran (youuppss vais finir au zonzon à force).

Une reaction ?

Et donc, comme je disais avant cette question inutile, toi qui pars souvent par monts et par vaux, quels conseils donnes-tu à ceux qui hésitent encore ?
Cesser d’envisager le voyage vagabond comme une contrainte. C’est le carcan dans lequel on essaye de nous enfermer depuis 200 ans qui est la contrainte absolue. Le voyage te permet te remettre en perspective ta propre destinée avec tous les instants de vie privilégiés que tu as l’occasion de goûter au fil des pérégrinations et des rencontres.

Concernant l’hygiène, ça se passe comment de ton côté ?
Je ne sais pas de quelle hygiène tu parles. J’en connais une qui s’inquiète à propos de ça. Concernant la toilette proprement dite, elle relève également de l’expérience. En temps de voyage il faut savoir s’adapter aux multiples environnements qui te sont proposés. Bref on se rend vite compte qu’on en fait des tonnes à propos de ça. Et puis j’ai mon produit miracle… La pierre d’Alun. Le nec plus ultra pour devenir un vrai Monsieur Propre (et je ne parle pas que du physique).

Le turc et le kurde, ils sont plutôt JC (Jacques Chirac) ou NS (NS) ?
Plutôt JC ; moi c’est Jacques, Jacques Corona bien sûr. Pour Monsieur le Président de la République française Nicolas Sarkozy troisième du nom et membre à vie du conseil constitutionnel. Bah que dire à part que ça serait bien qu’il revienne mais avec l’étiquette écolo ^^. Là il serait apprécié de part le monde.

Qu’en (quand) penses-tu ? 
Penser est une activité beaucoup trop complexe pour moi et de toute façon dès que tu veux en exprimer une, la majorité des gens te renvoie dans les 22. Résultat je les garde de plus en plus pour moi et je fais souvent l’opposé de ce que je pense vraiment sans trop y penser justement. Tu vois par exemple j’aurais bien voulu te construire une réponse claire, limpide et concise mais le temps d’y penser je suis parti ailleurs là où personne ne vient me chercher et c’est tant mieux. Penser comme l’onanisme est une activité de stimulation solitaire. D’ailleurs l’un active l’autre.

Es-tu conscient que plus tu t’éloignes de ton île plus tu t’en rapproches ?
C’est toute la beauté d’un voyage sur notre Planète. Ce n’est plus nécessaire d’envisager le voyage comme une absence mais comme une parenthèse sublime qui te marquera au fer rouge et qui laissera intact les souvenirs que tu as laissés et que tu retrouveras un jour. Enfin je l’espère…

Toi, cher Charpi, qui t’investis beaucoup émotionnellement, comment gères-tu toutes ces rencontres et tous ces au revoir ?
Elles sont la partie la plus magique du voyage. D’ailleurs j’ai tendance à croire que le voyage n’est que ça. Des paysages, des montagnes, des villes, des sites historiques… peu d’importance par rapport à ces moments imprévus de la rencontre. Le grand saut dans le vide (les barrières de la langue et de la culture renforçant cet effet). Une surprise intégrale qui est liée aux moments de pause dans ton voyage, où enfin tu vas prendre le temps d’écouter et d’apprendre. Certes ce sont des instants brefs et on voudrait parfois qu’ils durent encore et encore. Saisir au vol chacune de ces opportunités de rencontres est un des besoins vitaux de l’individu grégaire que nous sommes. Le contact  avec l’autre, le dépassement des peurs. Repousser les limites de notre propre champ d’expression. « L’enfer c’est les autres » ces derniers sont aussi le seul moyen de s’en libérer… de l’enfer.

Quelques mots en turc ?
Sa dé djé bakeuyorum (je ne fais que regarder… quand un père me prend sur le fait en train de regarder sa fille) et yachar mou sou nouz lutfen (pouvez-vous me l’écrire… quand je demande au susdit père le nom et le numéro de sa fille).

Ça t’as plu de faire ma maman pendant 2 jours quand j’ai été bien malade ?
Je crois que c’est la première fois où j’étais inquiet. Je me demandais quand je pourrais chanter comptine aux vespasiennes. En tout cas je vois que tu as pris de l’avance dans le championnat des pépins physico-psychiques : une fatigue chronique, un lumbago, une espèce de réaction parasitale aussi soudaine que brutale. Même ici tu ne me laisses que les miettes ^^.

Depuis le départ, qu’est-ce qui répond à tes attentes et quelles sont les vraies surprises ?
Difficile de te répondre que je n’attends rien de ce voyage. J’ai quelques mini-objectifs mais rien de transcendant. Si tu entends « attentes » dans ce sens-là.
Autrement je pense avoir été suffisamment vandammien plus haut sur Le Voyage. Les vraies surprises ?! Les surprises tout court ! Les rencontres faites et à venir.

Toujours etre au top pour les interviews

Les nuits en bus, tu kiffes ?
Franchement c’est horrible^^, ça fait partie intégrante du voyage mais le folklore laisse place à  de multiples sentiments proches de la haine. Mais l’inconfort du siège te rappelle brûle pourpoint que tu voyages effectivement et que c’est aussi une action qui passe par un don de soi. Et c’est dur après plusieurs heures de se retrouver avec des pieds de Hobbits congestionnés et une série d’orteils en forme de moufles.

La suite du voyage, impatient ?
La suite est déjà présente. Mais les pieds me grattent en permanence. Et je n’envisage pas la suite du voyage. Je t’exaspère souvent en te disant oui et non dans la même phrase mais ça fait parti de comment j’envisage ma vie et aussi le voyage. Pas de prévisions. De toute façon si tu en fais elles sont immédiatement confrontées à l’imprévu. Donc envisager une suite c’est penser et prévoir et donc déjà revenir et il me semble que je t’ai posé une question à propos de retour précipité. Donc on ne parle pas de suite à part quand on cherche un hôtel pour la nuit.

Un mot pour ton public ?
Il reste encore quelqu’un ?


PS : rendons à César ce qui est à César. Mes lectures de voyageurs et de leurs expériences vécues et ressenties m’ont permis de mettre quelques mots sur des pensées intraduisibles. Merci à eux de me prouver que la vie ce n’est pas « comme ça et rien d’autre et qu’un jour ou l’autre on n’a pas le choix ».


Benjo : Armstrong le vélo c’est mort, la lune c’est mort reste quoi ? 
Une trompette ? Ah bah non, non plus. Un bras fort alors ? (for english-speakers only).

Peut-on envisager un retour précipité ?
Euh non, pourquoi, t’as quelque chose à m’annoncer ?
                      
A quand la bonne amie, the special one ?
L’Iran a l’air d’abriter parmi les plus belles merveilles du monde... En plus c’est sympa ça fera voyager ma famille. Bon à part ça, tes sœurs, elles nous rejoignent quand déjà ?

Aucun problème pour casser la porcelaine ?
Aucun problème avec les limougeauds, merci, on a mis en place une correspondance intensive dernièrement. Mais on reprend nos distances.

Pourquoi quand tu ronfles, tu fais bouger ta langue ?
Avec toi, pendant ce voyage, je pensais ne converser que de la seule question qui importe vraiment : que faisons-nous ici sur cette petite planète bleue ? Et là tu me dis ça, de bute en blanc ! Je ne sais que répondre. J’ai soif de voir poindre le jour prochain, certainement.

Partout où l’on passe, tu es toujours pris pour un local, comment le vis-tu ?
Fort bien ! Un homme du monde ! En tout cas de ce monde au tain halé. Et je le vis mieux qu’un allemand-anglais-américain que je côtoie depuis cent jours…

Est-ce que tu te sens bien avec moi ?
Eh bien ma foi mon Charpi pas trop mal ! On peut dire que c’est une coloc qui fonctionne. On change tous les 2, 3, 5, 7 jours d’appart et on est toujours là. Alors oui, comme tout bon couple qui se respecte on a eu notre période d’adaptation. Mais là je crois que ça roule, pourvu que ça dure. On the road again.

John Lennon chantait Imagine pour la cérémonie de fermeture des JO, imagine le reste de notre voyage, que vois-tu ?
Je vois des paysages et sites magnifiques, des rencontres d’autochtones et de voyageurs toujours plus belles, des découvertes. Les paysages restent en images quelque part dans un coin dans la tête, mais les rencontres laissent une trace un peu plus bas, au cœur je crois, c’est ça ?! Je vois bien également quelques moments de galère comme on en a déjà eus mais ça fait partie du trip. Et je vois un blondinet qui rôde dans les parages, toujours.

Quel est ton animal « porteur de force » ?
C'est du VanDamme ou du Norris ? Le cheval troubadour.

Si tu pouvais changer quelque chose en moi ça serait ?
Oh non pas ça Charpi, pas ça ! Tes bracelets de force ? Tes boucles d’oreilles ? N’exposons pas nos divergences au monde, et on s’est déjà exprimés sur le sujet. D’ailleurs, le Verbe permet de résoudre les différents, voire tout simplement de comprendre les différences. Tachons de continuer ainsi.

Les élèves ont tous dépassé Lemaître, ton avis là-dessus ?
Certes il n’a pas eu de Bolt cette fois, mais si celui-ci fini comme Armstrong, les derniers deviendront les premiers encore une fois.

Oui on a subi quelques pressions

On vient de traverser toute une série de pays, y compris le nôtre, et on a vu de nos yeux vu la catastrophe écologique en cours, un avis de l’écolo encarté ?
Je ne suis pas encarté même si j’en pense pas moins. Je fais actuellement une pause diplomatique. Sérieusement, c’est vraiment effrayant, le plus criant dans les pays que nous traversons étant la (non) gestion des déchets et le total irrespect de la nature. Nous, les pays matériellement riches, devons vraiment montrer l’exemple… Quand allons-nous prendre conscience que la crise écologique sera (est déjà) à l’origine des principaux maux de la planète ? Je ne suis pas sûr qu’un tel voyage autour du monde soit possible dans quelques décennies (trente ans ?) aux vues des crises climatiques mais aussi diplomatiques (pour être soft) qui vont survenir. Voila, si tu voulais rigoler Mat’ fallait pas titiller sur le sujet ! Mais l’optimisme n’est pas interdit, les solutions sont connues, il n’y a plus que. Now.

De toutes nos rencontres laquelle t’as le plus marquée ?
Parce que tu crois que je vais choisir une rencontre comme ça et laisser tous autres sur le carreau ? Quelques francophones rencontrés risquent de lire ce post, ça va faire des jaloux s’ils ne font pas partis du top 3. C’est marrant comme les rencontres se font facilement dans un autre pays, avec des locaux ou d’autres. L’autochtone est souvent ravi et fier de présenter son pays, il est très généreux et le croisement des cultures est vraiment plaisant ; le touriste baroudeur, est généralement ouvert aux rencontres, donc tout est facilité et simplifié… En général, en CouchSurfing, les premières minutes, heures, on se jauge puis le lendemain c’est vraiment une complicité qui s’installe. Mais éphémère…

Ta pire qualité ?
Pour rester dans la dynamique d’un post que tu as écris en Croatie, je dirais le mental (c’est mon côté manouche). Au top car je l’ai^^ et que ça permet de se dépasser ; et la pire des qualités car trop de mental tue le mental. En tout cas c’est l’interprétation que m’en ont fait certains collègues lyonnais et alpins.

Ton pire moment dans cette première partie de trip ? Et le plus intense ?
Pour le pire, j’hésite entre le lumbago, le moment de biiiiiiiiiiipppp et les moments où tu as la possibilité de dormir, où tu peux rattraper un peu ton retard de sommeil, mais tu n’y arrives pas ! Je vais me mettre aux drogues je crois, en plus on approche de l’Afghanistan, on devrait trouver facilement. Néanmoins je rassure la famille, et c’est là que le mental est utile, je tiens bon et je profite toujours autant. Le moment le plus intense ? Nombreux, pas évident à choisir mais la première image qui me vient est au sommet d’une des formations rocheuses de la Rose Valley, en Cappadoce. Un mix réussi entre paysage et compagnie.