25 déc. 2012


Sur la route

Nous voici donc dans l’Empire du Milieu. Et le milieu commence loin de Pékin, à la frontière kirghize, à quelques milliers de kilomètres de la capitale. Un cinquième des habitants de la planète a un passeport chinois !
Il aurait été plus simple de prendre l’avion pour aller directement de Bishkek en Asie du sud-est, mais on préfère éviter. Dans une perspective environnementale déjà mais aussi pour voir l’évolution des paysages et des populations le long de cette route. Ce qui nous a fait quelques (longues, parfois) heures dans les transports kirghizes et chinois.
Nos dernières heures au Kirghizstan ont été superbes avec la traversée de la vallée de l’Alaï dans un bon vieux camtard local. Puis on a passé la frontière. On a commencé par nous obliger à prendre un bus complètement pourri (on voulait faire du stop) sur une piste qui l’était encore plus. Une dizaine d’heures pour faire 140 kilomètres, arrêt dans un check point dernière génération comprit…
Nous voici enfin, à 23h, à Kashgar, carrefour incontournable de la Route de la Soie, et rendez-vous des backpackers. Mais là, on ne croisera qu’un suisse (que je recroiserai par hasard dans trois autres villes toutes distantes de milliers de kilomètres).
Cette arrivée dans Kashgar a vraiment été un nouveau « choc culturel » pour moi. Les deux premiers ayant été l’arrivée dans le monde musulman à Mostar (Bosnie) et l’improbable Iran.
Dès l’entrée dans la ville, on constate la différence avec l’Asie Centrale : il y a de l’électricité, et pas qu’un peu ! Si, la veille encore, on marchait dans le noir dès la nuit tombée, ici les panneaux publicitaires et surtout les enseignes de magasins illuminent les rues. Pour les locaux, ces caractères ont une signification, pour nous ce sont de beaux dessins. On se réveille le premier matin, et devant nous une immense cours d’école avec des centaines d’enfants faisant leurs exercices matinaux au son de la belle musique impériale. Un nouveau pays !
On sent que Mao a eu un peu de mal à maitriser complètement ces peuples du Xinjiang, cette province du nord-ouest du pays. Lorsque l’on se promène dans les rues de Kashgar, on croise peu de chinois comme on l’entend en France, mais principalement des ouïghours, un peuple turcophone. Ils ont un faciès ressemblant aux peuples d’Asie centrale, c’est-à-dire un mélange mongol, perse, turc voire hindou… ils sont majoritairement musulmans sunnites, ont leur propre langue (turcophone là aussi) et écriture, qui ressemble à l’arabe mais qui n’en n’est pas. D’ailleurs, la majorité des enseignes ont la double écriture chinoise et ouïghour (ça ne nous a pas plus aidé faut dire). Et beaucoup d’anciens ne parlent pas le mandarin. Bon Mao n’a pas tout réussi mais il a quand-même une belle (et grande) statue à son effigie, levant le bras droit vers l’avenir. Les mauvaises langues disent qu’il hèle un taxi tellement il faut se battre pour en attraper un.
A errer dans les rues de Kashgar, on redécouvre un nouveau peuple (les ouïghours) intégrée dans une nouvelle civilisation (chinoise). Et on sent qu’il y a comme un décalage. La ville, comme la région, est très pauvre, malgré les belles lumières et des immeubles neufs. Beaucoup plus de mendiants que dans les pays précédents (et que dans le reste de la Chine que nous avons visité), un vieux centre qui tombe en désuétude, une hygiène qui laisse franchement à désirer… Etrangeté chinoise également, nous sommes sur le même fuseau horaire que la capitale, si bien qu’il fait à peine jour à 11h du matin. On a bien l’impression que Pékin a classé les ouïghours comme peuple de seconde zone…

Un occidental qui a voyagé pendant cinq mois dans le pays, nous annonce « ne comptez pas être comprit par les chinois ». Et effectivement, on va vite se rendre compte qu’il ne faut pas y compter. Faut essayer certes, mais il faut surtout avoir la requête déjà écrite en mandarin sur un bout de papier. Même la langue des signes est différente. Pourtant on l’avait bossé depuis des mois, mais ici c’est une autre histoire, rien, z, on recommence à zéro comme dirait Edith. On a pu expérimenter cela une première fois au resto… quelle galère ! Même avec les dessins sur le menu, on n’est pas arrivés à se faire comprendre. Résultat, on s’est retrouvés avec des plats pour sept ! Bon, comme on est généreux dans l’effort, qu’on ne voulait pas laisser une mauvaise impression et que c’était bon, on a mangé pour six. On manquait d’entrainement. Devant nous, à la même table, ils ont eu le temps d’enchainer trois services. Je reviendrai dans un autre post sur leur façon de manger. Peu ragoutant.
A Kashgar, nous avons aussi parcouru l’immense bazar, qui grouille de monde, et le marché aux animaux, un des plus grands d’Asie. Ça fourmille de monde et de bestiaux (yaks, chameaux, chevaux, ânes, moutons, chèvres, un suisse aussi,…), ça jacte, ça henni, ça marchande, ça braie, ça rigole, ça sert des paluches en échangeant des biftons. Une ambiance virile mais correcte (ou presque, ça castagne encore un peu).
Tout ça c’était avant l’drame, se rendre à l’évidence : il n’y a plus de place couchettes dans les trains dans les cinq jours à venir. On doit prendre un premier train pour Urumqi, environ mille bornes et 30h ; et un second pour Chengdu dans le centre sud du pays, environ deux milles bornes et 50h… on va avoir mal au c*l à passer ce temps assis ! Que nenni grand Dieu, plus de place assise ! Ce sera debout pour 80h avec une pause d’une demi-journée pour dormir à Urumqi.
Déjà, en Asie Centrale, chaque déplacement était une aventure, mais ça n’a rien de comparable avec ces quatre jours à traverser presque les deux-tiers du pays. On voulait voir du pays, on a été servi ; on voulait rencontrer du local, on a eu de la promiscuité comme jamais. Mais que c’était bon !

Kasghar, pays ouighour

D’entrée à la gare, la sécu nous soutire nos supers couteaux ouïghours achetés au bazar… rrrrhhhhh, j’ai que ça à faire moi de braquer le conducteur du quotidien Kashgar – Urumqi ! On est presque les derniers à embarquer, on nous presse gentiment de grimper quand une intendante reçoit un message sur le talkie. Et là elle se met à nous hurler dessus et à la dizaine de passagers encore à l’extérieur. Une morceau d’hystérique, y’a vraiment pas d’autres mots, on dirait un coach de lutte sur le bord du tatamis qui gueule ses encouragements à son poulain dans une salle où l’on ne s’entend plus. Mais là on l’entend y’a pas de souci et surtout le train est déjà blindé, on ne peut pas rentrer plus vite bordel ! Etrangeté chinoise là aussi, tout le monde la ferme… vraiment bizarre, on est les seuls étonnés. Un remède contre l’amour comme dirait l’autre. Je reviendrai aussi sur ces pratiques étranges dans un autre post. Peu entrainant.
Et nous voila dans les wagons. Enfin plutôt entre deux wagons, là où l’on est rentré, car on ne peut pas avancer. En fait ils vendent les places couchettes, les places assises, puis blindent le train au max en vendant des tickets à prix réduit pour le reste de l’espace. On est loin des réglementations françaises type ERP. Le long du trajet, on enchaine les positions debout, assis, mais pas couchés, impossible. On va rester lors de ce premier voyage dans cet entre-wagon, coin fumeur et non chauffé. Super ! On va néanmoins arrivé à faire notre place en se calant sur des sacs de charbon et de citrouille. Pas le mieux pour le postérieur, je ne vous le conseille pas. Certains moments, je compte, on est une dizaine dans trois mètres carré. Quand je vous disais qu’on avait gouté à une certaine promiscuité avec le local…
Evidemment on est les deux seuls occidentaux du train. On est un peu des bêtes de foire, tout le monde nous regarde, scrute chacun de nos gestes (ce qu’on mange, ce qu’on écrit, ce qu’on dit, ce qu’on lit etc.). On est les uns sur les autres, donc on s’aide plutôt que l’on s’énerve, ça rapproche en plus de l’être déjà. Of course personne ne parle un mot d’anglais. On arrive toujours à communiquer un peu, notamment par la musique. On sort nos deux guitares, on se crée un petit mètre carré pour nous placer et hop on enquille les accords. Le spectacle est pour eux mais pour nous aussi, à voir toutes ces ganaches fixées sur nos instruments et nos voix. Fou.

Faut faire sa place dans le train...
 
Avec ma taille et ma face d’étranger, je fais peur aux gamins. Trop marrant ! La première seconde ils se demandent ce que c’est que ce grand truc, puis se refugient dans les bras ou les jambes de leurs parents. Une fois bien au chaud, ils jettent de nouveau un coup d’œil. S’ils croisent mon regard, ils se cachent encore plus et certains pleurent. Les plus grands s’y font et deviennent des potes, les petits s’y font rarement. L’ogre Gloups sans le déguisement^^
Les heures passent lentement, tout comme les intendants qui tentent de pousser leurs chariots en évitant de nous écraser au passage. On mange presque tous des pates (les noodles chinoises), petit à petit on s’endort les uns sur les autres. Bah non en fait on ne s’endort pas, c’est pas possible. Comment faites-vous chers médecins pour enchainer plus de 24h ?

Heureux d’être arrivés à la première étape, on se repose quelques heures avant d’enchainer sur la seconde. Avec notre mini expérience, on se la joue tactique et on ne se laisse pas faire, pas moyen de se retrouver entre deux wagons. Chanceux, on rencontre un jeune qui parle anglais, il sera un bon compagnon de voyage, et nous donnera des tuyaux de voyageurs. Comme manger au resto le soir afin de pouvoir dormir sur la chaise. Je m’assoupie, j’allonge mes jambes sous la table, le gars d’en face racle gracieusement sa gorge, et dépose son beau crachat sur ma godasse… classe, merci Gabert (oui ici tout le monde s’appelle Gabert, ça évite les erreurs). Je reviendrai aussi sur cette habitude du crachat. Peu attirant, et surtout vraiment dégueulasse ! Ma foi, ce resto-dodo ce n’était pas le Hilton mais on a sombré quelques instants, très précieux à ce moment là du périple.
Encore de la guitare, des gamins qui après nous avoir apprivoisé jouent avec nous, des paysages qui évoluent vers plus de vert,… on arrive bientôt à Chengdu, capitale du Sichuan.
Les chinois sont habitués à ces voyages, c’est un peu comme les départs au bled mais tous serrés dans un train. Ils s’y font, ont leur petite organisation de nomade, et s’adaptent à ce foutoir ambulant.
Perso j’ai détesté mais surtout adoré. Détesté car on est réduit à se comporter comme des bêtes, on touche terre, il n’y a plus aucune dignité (je vous épargne certains détails), les flics et personnels sont humiliants envers les passagers, et les gens laissent faire tout ça. J’y reviendrai aussi, peu accueillant. En plus c’est physiquement épuisant, on attend que les heures s’égrènent… ma foi. Mais j’ai adoré car on s’est prit un bain de Chine authentique. On s’est retrouvés à partager leur quotidien de voyageur, on était au même niveau qu’eux. Il y avait un vrai échange, et tout cela sans parler ou presque. On voulait voir du local eh bien on a été servis !
(Pour l’étape suivante entre Chengdu et Kunming, 18h, on a pu prendre des « couchettes ») Yeah !!

Seance musicale dans le resto


Frelon d’or : Alors perso je me suis fait un petit délire dans ces trains. Je me suis amusé à faire quelques allers-retours dans des wagons, avec la musique Paper Planes, de Mia (du film Slumdog Millionaire), dans les oreilles. Sérieux, je me croyais dans le film, avec ces personnes à enjamber, ces visages mix asiatiques, et leurs regards. Fatigués, souriants ou interloqués à ma vue, couchés les uns sur les autres… une ambiance incroyable et la musique qui tabasse ! Paon Paon Paon Paon !
Pompe à vélo : Choix difficile entre les raclements de gorges, les gueulantes normalisées, et leur façon de manger…
Fun : Pendant que Charpi discutait gentiment avec un jeune prosélyte musulman, je me retrouvais à jouer les interprètes ouïghours / anglais avec une demi-douzaine de gars, à l’aide du Lonely Planet. J’étais assis sur une banquette, cerné par ces adolescents assis et debout, à quelques centimètres de ma tête, et tous avec des faces de Jacouille la Fripouille ! Mêmes teints, mêmes coupes de cheveux et détail non négligeable, les chicos dégueus, tous à me poser pleins des questions. Franchement c’était trop bon. « Tu t’es espongé dans la vinasse ? »

Benjo

PS pas musical : Les félicitations à Charpi qui a continué la route pendant plusieurs jours entre Chine, Laos et Thaïlande ! Champion !
PS Musical de Benjo : Paper planes, de Mia
PS Musical de Charpi : Get Ready, de The Temptations


15 déc. 2012

Back sur le net (pour qq minutes) : Deux articles a la suite pour la fin de l'Asie centrale. Bonne lecture.

Alors le Kirghizstan en hiver…

Le Kirghizstan, c’est beau… bon on se casse ?! Voilà ce que j’ai en tête avant d’écrire ce mail. Je pourrais rallonger et vous en mettre des tartines sur le nomadisme, la géographie et l’histoire assez récente de ce pays en tant que tel. Mais vous serez certainement assez curieux pour aller faire un tour dans une encyclopédie et sur le net afin de vous familiariser avec ce lieu complètement méconnu. La preuve par quatre pouvez-vous me le situer sur une carte du monde vierge, me citer la capitale, me décrire la recette du kumiz ou encore la taille des talons des meufs du coin ? Ah ! Ah !
Bref on ne sait rien de rien sur ce pays et pourtant il n’est pas petit (la moitié de la France).
Pour vous aider je vous glisse quelques petites recommandations pour ceux et celles qui auraient l’envie furieuse de quitter un hiver pour un autre et de se la jouer au grand Khan qui retourne dans sa steppe natale.

Avec les frenchies Aurel et Ralph

PARTIE 1 CE QU’IL NE FAUT PAS FAIRE (comprenait ce qu’il faut faire mais pas trop)
1° Venir en hiver : ça meule, partout de la neige. Ya même une vallée coincée entre deux cols à plus de 3000 où la température est tombée à moins 55° l’année dernière.
2° Renvoyer ses affaires « grand froid » la veille de l’arrivée et se faire la traversée du pays en simple basket ouvertes aux quatre vents (glacial ici).
3° Prendre une chaussette made in Korea pensant que ça compensera une bonne paire de godasses.
4° Boire l’eau du robinet. Certes consommable mais le pays a été la poubelle nucléaire pour les russes pendant de nombreuses années.
5° Faire son visa chinois à Bishkek (la capitale, du coup !). Faisable mais tellement cher. On te fait ramasser la savonnette plusieurs fois avant de valider. 
6° Etre végétarien. Amis de la verdure bonne chance. Tu peux mais ils aiment mettre de la viande partout. En plus en hiver on trouve souvent du cheval dans la soupe. Sympa. Paraît que ça réchauffe et a des vertus aphrodisiaques.
7° Pas paner un seul mot de russe. Pas évident de trouver une langue commune pour converser.
8° Sortir dans Bishkek quand la ville s’est transformée en une immense patinoire urbaine et que les feux urbains ne fonctionnent plus. Ah Vladimir Ilitch tu nous manques (voir partie 2 petit 1).
9° Draguer une fille Kirghiz sans être sûr de la marier. Une institution ici et quand on a passeport français on est assuré d’attirer les convoitises. Le problème c’est que la séduction ne se fait jamais sans intérêts.

Sary Tash, sur la route de la Chine


PARTIE 2 CE QU’IL FAUT FAIRE (comprenez ce qu’il ne faut pas trop faire)
1° Visite de site nucléaire et autres lieux made in URSS. En ville et ailleurs dans le pays il est très difficile de louper une statue de Lénine, une effigie ou une de ces célèbres citations comme « l’Etat c’est le communisme et l’électricité ».
2° Tester les minibus locaux avec verglas et chauffeur déluré. Souvent des troupeaux de moutons ou de chevaux traversent les voies. Les conducteurs ne comprennent toujours pas que le concept de klaxon est ignoré du monde animal. Surtout quand celui-ci a décidé d’imposer son rythme. Il serait plus prudent de ralentir… de ralentir. Ralentis !! C…..d !! Ah bah trop tard et encore un trente-huit tonnes renversé sur le bas-côté.
3° Sortir par moins 10° spécialement quand le soleil se couche.
4° tester le patin à glace sans patins dans les rues de la capitale.
5° Parler russe avec un fort accent de Komarad et dire un da guttural à chaque question posée.
6° Essayer de déterminer le début et la fin des villes soviétiques. Même les plus petites s’étalent et s’étalent sur des kilomètres. Tu me diras c’est pratique vu la taille des avenues on peut facile y rentrer quatre voies de voitures, une pour les bus, un aller-retour pour les vélos et une voie patinoire pour les piétons. Easy !
7° Si vous êtes malade, les prescriptions locales sont simples (véridique !). Pour des maux d’estomac et turista : boire de la vodka et du sel pendant 24h sans rien d’autre. Pour la prise de poids ajouter à votre régime alimentaire de la vodka avec de la bière. Pour une otite prenez un coton imbibé de sérum physiologique local à savoir vodka.
8° Expliquer les nouvelles règles des visas aux policiers qui vous arrêtent dans la rue en spécifiant bien que votre passeport a été retenu par l’ambassade chinoise (voir partie 1 petit 5).
9° S’asseoir sur un banc, cinq minutes avec toi à regarder les filles tant qu’y en a. Les plus belles filles du monde en tout cas au moins sur le podium mondial. Faciès asiatique et classe russe.
10° Quand vous êtes lassés, le marché d’Och c’est pas mal. La voie principale est complètement défoncée ainsi que de nombreuses maisons dans le quartier. Il ya deux ans la ville a connu des émeutes terribles entre ouzbèks et kirghiz (problèmes de frontières).

Le bazar d'Osh, ravage par la guerre.

Le frelon d’or : le pays est somptueux certes il vaut mieux venir en été pour profiter des nombreux treks de ouf malade qui déchirent. Mais la magnificence des montagnes. La brume sur les lacs et les chevaux qui percent à travers. Les couleurs. Bref pour un contemplatif comme moi c’est le cœur.
Le fun de la semaine : Benjo qui a testé la station de ski internationale de Karakol en tête. Des installations made in Ménuires et un tour du propriétaire effectué en une demi-journée. Néanmoins le cadre est époustouflant et on est seul sur les pistes. 
La pompe à vélo : la furieuse manie des kirghiz à vouloir se mettre sur la gueule. Ils aiment la castagne et ça se sent au degré d’alcool qu’ils ont imbibé. Encore hier soir de retour d’une partie coinche, trois jeunes trous du cru raides comme des pinces lassés ont gentiment essayé de nous bousculer. Bon on était six dont deux doubles-mètres (enfin quasi). Ils doutent de rien les gonz’…

Charpi

PS Musical de Charpi : Fragile dreams, d’Anathema
PS Musical de Benjo : Jolene, de Dolly Parton

Centrale l’Asie ?!

Nous ne sommes pas restés longtemps dans cette région et c’est bien dommage. On aimerait donner du temps au temps et pouvoir s’installer confortablement dans les moufles du voyage et se faire acteur et observateur chaque jour que l’on passe sur cette bon Dieu de Terre mais à court de pouvoirs magiques on doit dealer avec les impératifs du monde moderne à savoir réceptionner l’amour de sa vie dans un coin qui est pourtant une des expressions les plus contemporaines du départ et de l’arrivée : un aéroport. Le rêve, quoi !^^
Bref je m’emballe. Revenons à notre besogne du jour, comprendre le concept d’Asie centrale. Ouais on a tous tâté de la géographie de papa. Place tes continents et tes capitales et tiens place moi l’Asie centrale. Merde c’est où que c’est l’Asie déjà. Bon l’Asie ça commence avec une partie de la Russie et ça se termine avec la Russie. Voilà c’est vachement simple. Bon tout le monde sait localiser l’Asie du sud-est. Pour l’Asie de l’ouest encore quelques hésitations. Les chercheurs qui cherchent on en a par contre, peu trouvent. Le grand Charles a parlé. Rideau.  Pour l’Asie centrale c’est pas une mince affaire en fait c’est la zone où l’on se trouvait il y a peu avec le Benj’.

Bukhara...

Je ne sais pas pour vous mais l’Asie centrale pour moi ça a bercé mon enfance. Je pensais contes et légendes. Terra incognita. Je me disais qu’il ya avait peut-être personne et que l’on pouvait se laisser aller au délire d’être un putain d’explorateur. Que nenni ! Ces régions ont une histoire et elle remonte à loin. Attendez, je ne vais pas vous la faire Pierre Bellemare. Juste vous donner quelques éléments (que vous connaissez peut-être déjà) pour que vous puissiez frimer dans les salons et soirées mondaines et surtout que vous n’hésitiez plus à prendre un billet à bord d’un bon vieux Tupolev ou Antonov afin de venir vous régaler dans ces régions coincées entre l’Europe, la Russie, le Moyen-Orient et la Chine. En tout cas d’un point de vue de la localisation, centrale nous parle un peu plus.  
C’est un pays de nomades. Quand je dis pays j’englobe les pays en stan du coin : Kazakhstan, Ouzbékistan, Kirghizstan, Tadjikistan, Afghanistan et Turkménistan. Bien sûr selon les régions, leurs configurations et leurs potentiels, les gens se sont sédentarisés plus ou moins rapidement. Aujourd’hui la tradition du nomadisme est palpable mais la sédentarisation est clairement le mode dominant. Pourtant à l’époque c’est bien le cheval et la yourte les deux piliers de la culture locale.
Et puis en plus d’un nomadisme choisit, ces régions centrales ont subit également de multiples invasions dans les quatre directions. Un va-et-vient quasi permanent rythmé par les aléas de l’histoire.

TUUUUUUTTT : mi-temps

Mesdames et messieurs, deux semaines après que Charpi ai débuté ce post, je prends le relais. Eh oui, nos chemins se sont séparés pour un temps, il est parti plus au Sud, je reste un peu plus longtemps au pays de Mao et sa clic.
Je vais tenter de finir son article, mais ce sera avec ma plume, fini l’angélisme, du concret ! (car le temps presse, je n’ai qu’un accès très restreint à mon blog en raison de la censure chinoise, donc faut que j’abrège l’écriture !).

Samarkand...

… Cette route de la soie existe depuis plus de deux millénaires, ce n’est pas Marco Polo qui l’a baptisé ! Le premier grand explorateur fut certainement Alexandre le Grand. Le macédonien arriva dans ces régions en 330 av. JC et resta trois ans dans la région. Il y fonda sa neuvième ville, Alexandreia Eskhate (Lointaine Alexandrie), épousa la fille du Roi des Sogdiens, un des derniers peuples à rendre les armes au Grand Alexandre. Mais ses conquêtes à l’est se terminaient… eh oui après c’est encore un autre empire, la Chine ! Pas évident.
Ces siècles ont vu différents peuples plus ou moins sédentaires se faire la guerre pour ces contrés de steppes et de hautes montagnes. Des alliances succédant aux trahisons pour dominer ces grandes étendues d’herbes. Mais petit à petit cela a engendré des échanges entre ces peuples, certains locaux, certains plus lointains. La route de la soie nait avec ses peuples locaux, mais aussi avec les chinois, les romains, les parthes et les kouchans.
Région centrale du plus grand continent du monde, elle fut la convoitise de tous les grands empires. Après les perses, les grecs, les kouchans, les chinois, les turcs assirent leur domination dans les pays-stan. Puis ce fut le tour de la religion musulmane et des arabes. Les chinois furent définitivement boutés de la région en 751 et perdirent beaucoup, notamment des experts dans la fabrication du papier et de la soie. Cela porta un coup terrible à la route de la soie car les pays de l’Ouest allaient pouvoir monter leurs propres commerces…
Puis ce fut au tour du fin diplomate mongol, Ghengis Khan. Il mit à sac la majorité des villes de l’Asie centrale, ne laissant que quelques monuments en place, estimant qu’ils valaient le coup d’être préservés. Puis Tamerlan, tout aussi bon diplomate, ravagea la région (et plus loin encore) et ramena un peu de culture turc. Encore un mélange…
Ces échanges virent aussi la naissance de nombreux artistes et hommes de sciences dont on parle tous les jours, notamment à l’école. Au IXème siècle, le mathématicien Al-Kharezmi a donné son nom aux algorithmes, puis un autre de ses traités appelé Al-Jebr est devenu algèbre en Europe. Un astronome, Al-Biruni, découvre 500 ans avant Copernic (mais après les égyptiens…) que la Terre tourne autour du soleil et évalue la distance de la Terre à la Lune à vingt kilomètres près. Pas mal ! Au Xème siècle, le Canon de la médecine d’Abu Ali Ibn-Sina, servit de manuel de base pour la médecine occidentale jusqu’au XVIIème siècle. Du beau monde quoi !
Enfin (en fait c’est pas franchement la fin, mais j’abrège sinon y’en a pour des pages à citer tous les conquérants du coin, même les bus y passent désormais), oui, enfin, nos cousins russes commencèrent à s’intéresser à la région avec les stars Tsars, à la fin du XIXème siècle.
Vous voyez un peu le bordel !!!
Aujourd’hui on a donc à faire à un territoire de nomades sédentarisés, originaires des quatre coins du continent. Des tensions existent encore, tous les trois-quatre ans par exemple, des heurts se produisent à la frontière ouzbek-kirghize entre ces deux peuples. En 2010, on compta des centaines de morts à Osh. Comme l’enclave vauclusienne dans le sud de la Drome, il y a ici aussi de nombreuses enclaves de pays-stan dans d’autres pays-stan. Ce qui montre l’absurdité du tracé somme toute assez récent des frontières, et ce qui ne facilite pas l’apaisement entre ces pays. Saupoudrez le tout de jalousies sur la richesse de sols en hydrocarbures et cela ajoute au cocktail (presque Molotov, qui parfois prend feu comme je le disais).

Vallee de l'Altai...

En traversant cette région, j’ai souvent l’impression de traverser un même pays, avec des peuples assez similaires, des langues assez voisines ou tout le monde se comprend plus ou moins. On parle une sorte de perse au Tadjikistan et dans une partie de l’Ouzbékistan, une sorte de turc au Turkménistan, le russe de partout, mais aussi le Kirghize, le kazakh, l’ouzbek, le pachtoune dans ces pays. Les faciès évoluent un peu au fil des kilomètres mais on peu distinguer des racines communes. Plutôt des têtes de turcs à l’ouest (Turkménistan), il y a de plus en plus d’asiatiques en allant à l’est (Kirghizstan). On remarque aussi que les migrations des derniers siècles ou décennies se sont faites avec moins de mélange. Cela se voit notamment au Kirghizstan où l’on distingue clairement les kirghizes « historiques », des kirghizes russes ou chinois.
Dans cette unité multiple, ou cette multitude d’unités je ne sais plus, on a passé un petit mois à bourlinguer. Passage express au Turkménistan, puis visites des villes historiques ouzbeks, Bukhara et Samarcande. Deux villes splendides, deux villes majeures de la route de la soie, que Ghengis Khan ou encore Tamerlan ont en partie préservé au vu de leurs richesses historiques et architecturales (avez-vous vu les photos sur facebook, ça parle…). En tout cas, un peu de tourisme ça fait pas de mal, même si le vent glacial nous a fait apprécier les intérieurs, notamment les salles de mariages ouzbeks. Vous pouvez voir sur cette vidéo de la fille du Président ouzbek Karimov, la beauté de la vieille ville de Bukhara (et non pas la beauté de la musique).
On retrouve aussi dans ces pays l’influence russe avec ces villes aux avenues larges-extrêmes, ce qui a pour seul avantage de fluidifier la circulation automobile. Et dans ces capitales (Tashkent, Bishkek, mais aussi Asghabat ou Astana que nous n’avons visité), le centre historique n’existe plus ou n’a jamais existé. Pour nous, petits européens habitués à nos vieux centres et leurs petites rues, on a du mal à s’y faire. On ressent surtout cette grosse patte soviétique qui plombe ces villes de toute la lourdeur de l’urbanisme impérialiste.
Ce tour en Asie centrale se termine, il a fait beau mais froid, froid mais beau. J’aimerais vraiment y revenir en été, notamment au Kirghizstan, pour profiter de ces steppes, de ces yourtes, de ces montagnes splendides, de ces chevaux racés… T’es d’accord Charpi ?

Le frelon d’or : la traversée de la vallée d’Alaï, dans un camtard kirghize, avant d’arrivée à la frontière chinoise, à Irketchan. A 3000 mètres d’altitude, deux heures dans ce camion à contempler ces paysages blancs immaculés, ces sommets à plus de 7000, ces wagons perdus into the wild, ce vide humain et cette force majestueuse de la nature. Et là, tu y rajoutes un bon Telegraph Road en live de Dire Straits, et tu voyages dans ton voyage. Un must.
La pompe à vélo : l’incroyable pollution au dessus de la capitale kirghize Bichkek. On a fait une rando d’une journée dans les montagnes environnantes et on a pu scruter avec peur ce nuage multicolor, dû à la circulation des véhicules, mais aussi aux industries, et aux chauffages individuels, majoritairement alimentés par du charbon mais aussi tout ce qui brule (bouses, pneus…). Alors pour la fin du pétrole sur Terre (prochainement), vous avez deux choix : le charbon/pneu ou les énergies renouvelables, faites votre choix camarades !
Le fun : la propension de certains kirghizes à chercher la castagne, c’en devient marrant. En tout cas faut mieux en rigoler, sinon tu t’embrouilles vite, notamment lors des intenses tractations avec les chauffeurs de taxi. En russo kirghize : « T’ES AU KIRGHIZSTAN ICI, C’EST MON PRIX ET TU FAIS PAS CHIER », gueulé par un gros local à dix centimètres de la figure. Franchement, drôle !

Charpi et Benjo

PS Musical de Charpi : Tears de Django et Grappelli
PS Musical de Benjo : Telegraph Road, de Dire Straits


1 déc. 2012

24h chrono… au Turkménistan 

On a passé 24h au Turkménistan et c’est déjà pas mal. On a voulu abréger au maximum mais on n’a pu faire mieux. En regardant la carte avant de partir on pensait qu’il serait compliqué de rentrer et rester en Iran, mais l’Asie Centrale semblait folklorique et accueillante. Que nenni ! Et en premier lieu le Turkménistan. Pour commencer, on a fait trois allers-retours à l’ambassade de Tehran, attendus en tout environ 8h devant la porte, et notre entrée a été retardée de deux semaines car il y a avait une grande fête nationale (les frontières ont été fermées aux étrangers pendant trois semaines). 
En quelques mots, le pays est un Etat policier, avec un nouveau dictateur, euh Présityran pardon, Berdymoukhamedov, qui est à peine plus smooth que son prédécesseur Niazov. Passage quasi obligatoire sur la route de la soie, la région a été traversée par des peuples de toute l’Asie depuis des millénaires, et qui sont désormais sédentarisés. Aussi grand que la France, mais couvert essentiellement de désert, il n’y a que cinq millions d’habitants. Le pays est riche, dispose de grandes ressources énergétiques, mais les politiques pensent plutôt à monter des projets mégalomaniaques plutôt que d’investir dans l’éducation ou le social. La capitale Ashgabat est l’exemple parfait de l’excentricité des dirigeants : outre le style urbanistique soviétique, on peut y voir des énormes bâtiments à la gloire des Présidents, du marbre de partout, des immenses arches, coupoles… presque le Vieux-Lyon. 
Et ces dirigeants n’aiment pas les étrangers ! On a eu le droit à un visa de transit de cinq jours et c’est vrai qu’une fois sur place, on n’a pas trop envie de s’éterniser. Le problème c’est que l’on a ressenti que la débilité des dirigeants semble déteindre sur certains locaux. On a aussi rencontré des touristes qui ont fort apprécié le contact avec les turkmènes, mais la majorité se sont quand même sentis oppressés par l’Etat, et de facto, par certains habitants, qui eux aussi prennent les étrangers pour des pompes à fric. En fait il faudrait rester au minimum une semaine pour apprécier le pays et les gens mais ils ne nous en laissent pas le choix. Sur ces entrefaites, nous voici à la frontière irano-turkmène de Sarakhs. 

C’est parti, nous sommes le 11 novembre, à 13h. Après une heure et demie d’attente côté iranien, on traverse le no man’s land en bus. Et première escroquerie : on paye cinq fois plus cher que les locaux. Oui ici c’est la loi, tout est plus cher pour les étrangers, il y a chaque fois double tarif. Deuxième couche à la frontière, 12 $ de frais d’entrée (en plus du visa). Charpi détends toi, j’ai pas envie de passer la nuit au poste… j’ai ouïe dire que le flic local n’est pas des plus compréhensif. Une petite dizaine de personnes contrôle nos passeports ! Zetes pas un peu paranos non ?! 
15h, on sort côté turkmène. Des militaires s’amusent à faire des départs arrêtés dans la poussière avec une bagnole qui passe la frontière. Ok, l’Iran c’est bien fini. « Taxi taxi ! », « euh oui salaam aleykum cher ami tout d’abord ». Pour rejoindre Mary, la prochaine grande ville, le seul moyen c’est le taxi. C’est parti pour quinze minutes de marchandage. Ils commencent à 80 $, on s’en sort pour 33 $. Toujours trop mais c’est un bon échauffement. 
Et là c’est parti pour presque trois heures de rally, un peu à l’iranienne, mais sur un nid de poule géant. Pas trente mètres sans faire un bond. Probablement pour alléger la voiture et aller plus vite, le pilote a cru bon enlever toutes les ceintures de sécurité… on apprendra plus tard que dans cette région du monde, ils pensent que la voiture pourrait prendre feu instantanément s’il y avait un accident, donc ils ont peur d’être coincés. No comment. Des champs de cotons un peu de partout, des femmes sans voile, des habits colorés… on a bien traversé une frontière. 
18h30. On arrive de nuit à Mary, après avoir bien balisé sur la conduite de nuit. Charpi a encore marqué le cuir. Le pilote en joue et se marre avec ses chicos en or. Ah oui, en Asie Centrale la majorité des habitants (hommes et femmes) ont plusieurs sinon toutes les dents en or. N’ayant pas confiance en leurs banques, ils investissent dans la dentition dorée. Après les nez refaits en Iran, les ratiches en or des pays ‘Stan ! Comme tous les taxis depuis des mois, il ne connait pas le coin et sa ville, donc on tourne pour trouver un hôtel à un prix raisonnable. Au prix turkmène ça passe, mais pour nous c’est minimum 40 $ chacun. 
20h. Les taxi nous h(arc)èlent de partout à des prix exorbitants pour nous emmener au prochain hôtel. Puis un gars nous approche et nous sort trois mots d’anglais. Coooool. Il nous embarque à un prix presque normal à l’hôtel mais celui-ci est plus cher que prévu. On passe près d’un « disco », une boite de nuit. Les filles en mini jupe et talons aiguilles, couleurs scintillantes, maquillages à la truelle… même Tona notre ami ne peut dire si ce sont des pro ou pas. Ca fout les jetons quand même. Bon, il a l’air sympa le Tona… « On peut dormir chez toi ? ». Il hésite un peu et nous dit qu’il va voir ça, « don’t worry ». 

Qui c'est qui va encore se faire enfumer ?

21h. On parcoure la charmante bourgade de Mary. Eclairage minimum, grandes avenues, monuments gigantesques et moches… c’est à peu près l’image que j’avais de l’ex-URSS. On s’arrête sur une petite place, entre quatre immeubles défraichis, sous le seul lampadaire du quartier. On attend qu’il aille voir son plan logement. Cinq minutes, dix, vingt, trente… des gars traînent à gauche à droite, ça circule, on a un peu l’impression  d’être aux Minguettes du Turkménistan (pardon Elo il est jolie ton quartier), et sans la lumière. On fait pas plus les marioles que ça, mais on ne peut pas se barrer on ne sait pas où l’on est, pas de plan B, on n’a pas vraiment le choix… au cas où, on prend une photo du passeport du gars. Charpi s’avère extrêmement rassurant : « t’en fais pas j’ai le schlass dans la poche ». 
22h. On pose les affaires chez son plan logement. Une mama toutes de couleurs vêtues, ça nous rassure un peu, même si elle est peu bavarde. Peut-on lui faire confiance à ce Tona ? Lui-même nous a dit plusieurs fois de ne pas faire confiance aux turkmènes. Et toi alors tu viens d’où ? Faut dire aussi que le plan Visa Pakistan nous a un peu refroidis sur la confiance à donner aux généreux inconnus. Chat échaudé craint l’eau froide…
22h30. Après 20 minutes à rouler dans les quartiers glauques de la ville, on arrive à une gargote pour manger. Que des hommes, un barbeuc’, une salle de billards, des jeunes (coupes et fringues seventies) fumant la shisha et jouant aux jeux vidéos, un trou entre quatre planches faisant office de local technique. Oui, on n’est pas chez Bocuse. Mais on mange plutôt bien dans la yourte où Beyonce se trémousse dans le petit écran. Choc des cultures. De la viande (on ne mange presque que ça dans ces pays) et une bière alcoolisée. Oui monsieur, de l’alcool en vente libre ! 
23h30. Bon allez on file. Deux fois plus cher que prévu. « M’enfin Tona, on t’a dit qu’on est secs, qu’on a presque pas de cash et qu’il est impossible de retirer dans ta ville ! ». Il semble confus mais on ne sait pas trop si ça fait parti de son « plan ». Euh oui, nous aussi on devient parano. En tout cas on commence à être vraiment à court de liquide… 
Minuit. On va coucher, au moins on n’est pas trop mal installés. Mais on n’est pas des plus rassurés sur la suite des opérations. Va-t-on devoir payer deux fois plus la chambre, va-t-il nous demander encore de l’argent pour service rendu à la nation, ou je ne sais quoi…? Demain, aura-t-on assez d’argent pour arriver à Bukhara en Ouzbekistan ? Quoi qu’il en soit ça va se jouer à peu. 

Bonne nuit... ca va bien se passer

6h30. Driiiiiiinnngg. Il vient nous chercher (sympa le mec quand-même), nous demande vingt de plus pour la chambre mais on n’a pas, donc on paie pas. Il donne de sa poche dix à la mama, on comprend vraiment pas son plan ! 
7h. Il nous trouve une marchroutka (mini mni-bus) pour Turkmenabat vers la frontière ouzbek, à prix raisonnable. C’est le moment crucial, va-t-il nous demander le pognon que l’on a besoin pour sortir de ce pays, s’est-on encore fait rouler ? Et là, au top, il nous serre la paluche, nous souhaite la bonne-aventure… Dieu lui rendra dit-il. Oui, là on veut bien, on va en parler à qui de droit. On est donc tombé sur un mec hyper sympa, généreux, qui nous a tiré d’une bonne galère au milieu de cette ville de far-west (ou plutôt far-east). Merki mon turkmène ! 
8h30. On embarque avec cinq autres mecs. Trois heures de désert, ça secoue ça secoue mais on arrive entier à Turkménabat. Le stade, un portrait du Président jouant au foot ; l’hippodrome, il fait du cheval ; une mosquée, il prie… multi-polyvalent le gars ! Un peu comme la doublette Khomeni – Khameni en Iran, mais au moins lui il sourit. Ou comment un peuple se fait biiiip mais avec le sourire. Il y a aussi dans cette ville un concours de taille de paraboles. Parfois, on voit à peine les immeubles cachés derrière. Midi. Faut prendre un dernier taxi pour la frontière. On passe de 20 $ à 8 $. Mais c’est trop, on sait qu’il nous arnaque. En grand seigneur, Charpi se sert lui-même dans la boite à gant, on ne paiera donc que 6 $. 
12h30. Jusqu’ici ça roule… et ça roule. Il nous faut faire du change. Y’a quelqu’un ? Et là comme par enchantement une mamie débarque, toute en couleurs, sourire en or, un sac à main remplis de billets. Il nous reste 10 € et 15 $ pour arriver à Bukhara. Faut aussi dire qu’on économise sur la bouffe… Les douaniers sont allés manger, on en profite pour faire connaissance avec des ouzbeks, qui ont l’air tout de suite plus détendus que leurs voisins turkmènes. Echange de mets, de la guitare pour adoucir les mœurs et on se sent tout de suite mieux, même sans parler les mêmes langues. 
14h. Les turkmènes passent encore une demie heure à regarder nos passeports, noter des numéros, passer des coups de fils. Bordel, on veut se barrer de votre pays, ça aussi ça vous dérange ? 
15h. A dix secondes près on rattrape nos potes diplomates australiens croisés juste avant. Ils ont une marchroutka pour Bukhara. C’est bon, on a de quoi relier la ville !! Yeaaahhh c’était pas gagné. Un temps glacial, une auberge austère, mais Megy la Suissesse, avec qui on va passer une semaine entre cette ville et Samarkand. 

C'est bon : la frontiere ouzbeke !

24h et six langues parlées : farsi, turque (oui on y revient un peu, cok guzel), turkmène, russe, anglais et français… 
24h et six monnaies utilisées : les tomans et rials iraniens, les manats turkmènes, les dollars, les euros et les soms ouzbeks… 
What else ? Voila, le Turkménistan c’est fini ! Après une première journée dans le doute et le stress, la seconde s’est enchainée à merveille. On aurait aimé mieux connaitre ce pays, sa culture, sa population, mais comme je l’ai déjà dit, on n’a pas vraiment le choix. 

Le frelon d’or : ce pays de fous, tout simplement, une traversée un peu hors de l’espace temps. 
La pompe à vélo : ce pays de fous, une mini Corée du Nord pour nous et de nombreux touristes ayant traversé le Turkménistan. 
Le fun : nos gueules dans la voiture sous le lampadaire. Mais sur le moment on ne faisait pas les fiérots.

Benjo 

PS musical de Benjo : Trash tongue talker, de Jack White 
PS musical de Charpi : L’aimant, d’IAM