1 déc. 2012

24h chrono… au Turkménistan 

On a passé 24h au Turkménistan et c’est déjà pas mal. On a voulu abréger au maximum mais on n’a pu faire mieux. En regardant la carte avant de partir on pensait qu’il serait compliqué de rentrer et rester en Iran, mais l’Asie Centrale semblait folklorique et accueillante. Que nenni ! Et en premier lieu le Turkménistan. Pour commencer, on a fait trois allers-retours à l’ambassade de Tehran, attendus en tout environ 8h devant la porte, et notre entrée a été retardée de deux semaines car il y a avait une grande fête nationale (les frontières ont été fermées aux étrangers pendant trois semaines). 
En quelques mots, le pays est un Etat policier, avec un nouveau dictateur, euh Présityran pardon, Berdymoukhamedov, qui est à peine plus smooth que son prédécesseur Niazov. Passage quasi obligatoire sur la route de la soie, la région a été traversée par des peuples de toute l’Asie depuis des millénaires, et qui sont désormais sédentarisés. Aussi grand que la France, mais couvert essentiellement de désert, il n’y a que cinq millions d’habitants. Le pays est riche, dispose de grandes ressources énergétiques, mais les politiques pensent plutôt à monter des projets mégalomaniaques plutôt que d’investir dans l’éducation ou le social. La capitale Ashgabat est l’exemple parfait de l’excentricité des dirigeants : outre le style urbanistique soviétique, on peut y voir des énormes bâtiments à la gloire des Présidents, du marbre de partout, des immenses arches, coupoles… presque le Vieux-Lyon. 
Et ces dirigeants n’aiment pas les étrangers ! On a eu le droit à un visa de transit de cinq jours et c’est vrai qu’une fois sur place, on n’a pas trop envie de s’éterniser. Le problème c’est que l’on a ressenti que la débilité des dirigeants semble déteindre sur certains locaux. On a aussi rencontré des touristes qui ont fort apprécié le contact avec les turkmènes, mais la majorité se sont quand même sentis oppressés par l’Etat, et de facto, par certains habitants, qui eux aussi prennent les étrangers pour des pompes à fric. En fait il faudrait rester au minimum une semaine pour apprécier le pays et les gens mais ils ne nous en laissent pas le choix. Sur ces entrefaites, nous voici à la frontière irano-turkmène de Sarakhs. 

C’est parti, nous sommes le 11 novembre, à 13h. Après une heure et demie d’attente côté iranien, on traverse le no man’s land en bus. Et première escroquerie : on paye cinq fois plus cher que les locaux. Oui ici c’est la loi, tout est plus cher pour les étrangers, il y a chaque fois double tarif. Deuxième couche à la frontière, 12 $ de frais d’entrée (en plus du visa). Charpi détends toi, j’ai pas envie de passer la nuit au poste… j’ai ouïe dire que le flic local n’est pas des plus compréhensif. Une petite dizaine de personnes contrôle nos passeports ! Zetes pas un peu paranos non ?! 
15h, on sort côté turkmène. Des militaires s’amusent à faire des départs arrêtés dans la poussière avec une bagnole qui passe la frontière. Ok, l’Iran c’est bien fini. « Taxi taxi ! », « euh oui salaam aleykum cher ami tout d’abord ». Pour rejoindre Mary, la prochaine grande ville, le seul moyen c’est le taxi. C’est parti pour quinze minutes de marchandage. Ils commencent à 80 $, on s’en sort pour 33 $. Toujours trop mais c’est un bon échauffement. 
Et là c’est parti pour presque trois heures de rally, un peu à l’iranienne, mais sur un nid de poule géant. Pas trente mètres sans faire un bond. Probablement pour alléger la voiture et aller plus vite, le pilote a cru bon enlever toutes les ceintures de sécurité… on apprendra plus tard que dans cette région du monde, ils pensent que la voiture pourrait prendre feu instantanément s’il y avait un accident, donc ils ont peur d’être coincés. No comment. Des champs de cotons un peu de partout, des femmes sans voile, des habits colorés… on a bien traversé une frontière. 
18h30. On arrive de nuit à Mary, après avoir bien balisé sur la conduite de nuit. Charpi a encore marqué le cuir. Le pilote en joue et se marre avec ses chicos en or. Ah oui, en Asie Centrale la majorité des habitants (hommes et femmes) ont plusieurs sinon toutes les dents en or. N’ayant pas confiance en leurs banques, ils investissent dans la dentition dorée. Après les nez refaits en Iran, les ratiches en or des pays ‘Stan ! Comme tous les taxis depuis des mois, il ne connait pas le coin et sa ville, donc on tourne pour trouver un hôtel à un prix raisonnable. Au prix turkmène ça passe, mais pour nous c’est minimum 40 $ chacun. 
20h. Les taxi nous h(arc)èlent de partout à des prix exorbitants pour nous emmener au prochain hôtel. Puis un gars nous approche et nous sort trois mots d’anglais. Coooool. Il nous embarque à un prix presque normal à l’hôtel mais celui-ci est plus cher que prévu. On passe près d’un « disco », une boite de nuit. Les filles en mini jupe et talons aiguilles, couleurs scintillantes, maquillages à la truelle… même Tona notre ami ne peut dire si ce sont des pro ou pas. Ca fout les jetons quand même. Bon, il a l’air sympa le Tona… « On peut dormir chez toi ? ». Il hésite un peu et nous dit qu’il va voir ça, « don’t worry ». 

Qui c'est qui va encore se faire enfumer ?

21h. On parcoure la charmante bourgade de Mary. Eclairage minimum, grandes avenues, monuments gigantesques et moches… c’est à peu près l’image que j’avais de l’ex-URSS. On s’arrête sur une petite place, entre quatre immeubles défraichis, sous le seul lampadaire du quartier. On attend qu’il aille voir son plan logement. Cinq minutes, dix, vingt, trente… des gars traînent à gauche à droite, ça circule, on a un peu l’impression  d’être aux Minguettes du Turkménistan (pardon Elo il est jolie ton quartier), et sans la lumière. On fait pas plus les marioles que ça, mais on ne peut pas se barrer on ne sait pas où l’on est, pas de plan B, on n’a pas vraiment le choix… au cas où, on prend une photo du passeport du gars. Charpi s’avère extrêmement rassurant : « t’en fais pas j’ai le schlass dans la poche ». 
22h. On pose les affaires chez son plan logement. Une mama toutes de couleurs vêtues, ça nous rassure un peu, même si elle est peu bavarde. Peut-on lui faire confiance à ce Tona ? Lui-même nous a dit plusieurs fois de ne pas faire confiance aux turkmènes. Et toi alors tu viens d’où ? Faut dire aussi que le plan Visa Pakistan nous a un peu refroidis sur la confiance à donner aux généreux inconnus. Chat échaudé craint l’eau froide…
22h30. Après 20 minutes à rouler dans les quartiers glauques de la ville, on arrive à une gargote pour manger. Que des hommes, un barbeuc’, une salle de billards, des jeunes (coupes et fringues seventies) fumant la shisha et jouant aux jeux vidéos, un trou entre quatre planches faisant office de local technique. Oui, on n’est pas chez Bocuse. Mais on mange plutôt bien dans la yourte où Beyonce se trémousse dans le petit écran. Choc des cultures. De la viande (on ne mange presque que ça dans ces pays) et une bière alcoolisée. Oui monsieur, de l’alcool en vente libre ! 
23h30. Bon allez on file. Deux fois plus cher que prévu. « M’enfin Tona, on t’a dit qu’on est secs, qu’on a presque pas de cash et qu’il est impossible de retirer dans ta ville ! ». Il semble confus mais on ne sait pas trop si ça fait parti de son « plan ». Euh oui, nous aussi on devient parano. En tout cas on commence à être vraiment à court de liquide… 
Minuit. On va coucher, au moins on n’est pas trop mal installés. Mais on n’est pas des plus rassurés sur la suite des opérations. Va-t-on devoir payer deux fois plus la chambre, va-t-il nous demander encore de l’argent pour service rendu à la nation, ou je ne sais quoi…? Demain, aura-t-on assez d’argent pour arriver à Bukhara en Ouzbekistan ? Quoi qu’il en soit ça va se jouer à peu. 

Bonne nuit... ca va bien se passer

6h30. Driiiiiiinnngg. Il vient nous chercher (sympa le mec quand-même), nous demande vingt de plus pour la chambre mais on n’a pas, donc on paie pas. Il donne de sa poche dix à la mama, on comprend vraiment pas son plan ! 
7h. Il nous trouve une marchroutka (mini mni-bus) pour Turkmenabat vers la frontière ouzbek, à prix raisonnable. C’est le moment crucial, va-t-il nous demander le pognon que l’on a besoin pour sortir de ce pays, s’est-on encore fait rouler ? Et là, au top, il nous serre la paluche, nous souhaite la bonne-aventure… Dieu lui rendra dit-il. Oui, là on veut bien, on va en parler à qui de droit. On est donc tombé sur un mec hyper sympa, généreux, qui nous a tiré d’une bonne galère au milieu de cette ville de far-west (ou plutôt far-east). Merki mon turkmène ! 
8h30. On embarque avec cinq autres mecs. Trois heures de désert, ça secoue ça secoue mais on arrive entier à Turkménabat. Le stade, un portrait du Président jouant au foot ; l’hippodrome, il fait du cheval ; une mosquée, il prie… multi-polyvalent le gars ! Un peu comme la doublette Khomeni – Khameni en Iran, mais au moins lui il sourit. Ou comment un peuple se fait biiiip mais avec le sourire. Il y a aussi dans cette ville un concours de taille de paraboles. Parfois, on voit à peine les immeubles cachés derrière. Midi. Faut prendre un dernier taxi pour la frontière. On passe de 20 $ à 8 $. Mais c’est trop, on sait qu’il nous arnaque. En grand seigneur, Charpi se sert lui-même dans la boite à gant, on ne paiera donc que 6 $. 
12h30. Jusqu’ici ça roule… et ça roule. Il nous faut faire du change. Y’a quelqu’un ? Et là comme par enchantement une mamie débarque, toute en couleurs, sourire en or, un sac à main remplis de billets. Il nous reste 10 € et 15 $ pour arriver à Bukhara. Faut aussi dire qu’on économise sur la bouffe… Les douaniers sont allés manger, on en profite pour faire connaissance avec des ouzbeks, qui ont l’air tout de suite plus détendus que leurs voisins turkmènes. Echange de mets, de la guitare pour adoucir les mœurs et on se sent tout de suite mieux, même sans parler les mêmes langues. 
14h. Les turkmènes passent encore une demie heure à regarder nos passeports, noter des numéros, passer des coups de fils. Bordel, on veut se barrer de votre pays, ça aussi ça vous dérange ? 
15h. A dix secondes près on rattrape nos potes diplomates australiens croisés juste avant. Ils ont une marchroutka pour Bukhara. C’est bon, on a de quoi relier la ville !! Yeaaahhh c’était pas gagné. Un temps glacial, une auberge austère, mais Megy la Suissesse, avec qui on va passer une semaine entre cette ville et Samarkand. 

C'est bon : la frontiere ouzbeke !

24h et six langues parlées : farsi, turque (oui on y revient un peu, cok guzel), turkmène, russe, anglais et français… 
24h et six monnaies utilisées : les tomans et rials iraniens, les manats turkmènes, les dollars, les euros et les soms ouzbeks… 
What else ? Voila, le Turkménistan c’est fini ! Après une première journée dans le doute et le stress, la seconde s’est enchainée à merveille. On aurait aimé mieux connaitre ce pays, sa culture, sa population, mais comme je l’ai déjà dit, on n’a pas vraiment le choix. 

Le frelon d’or : ce pays de fous, tout simplement, une traversée un peu hors de l’espace temps. 
La pompe à vélo : ce pays de fous, une mini Corée du Nord pour nous et de nombreux touristes ayant traversé le Turkménistan. 
Le fun : nos gueules dans la voiture sous le lampadaire. Mais sur le moment on ne faisait pas les fiérots.

Benjo 

PS musical de Benjo : Trash tongue talker, de Jack White 
PS musical de Charpi : L’aimant, d’IAM

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