Goooooooood morning Vietnam !
Titre facile me direz-vous mais
parfois faut pas se prendre la tête. Surtout que je viens de me revoir ce film
dans le train entre Da Nang (centre du Vietnam) et Ho Chi Minh City (HCMC ou Saigon,
sud du Vietnam), et ça fait tout bizarre de le voir dans ce pays. Je n’étais
pas là à l’époque mais simplement de voir ces ambiances de rues, ces paysages,
ça rend joliment nostalgique avant d’en être sorti. J’ai aussi dans mon ordi Voyage au bout de l’enfer et Apocalypse now que je me réserve pour un
peu plus tard.
Eh oui je regarde ces films car
pour moi le Vietnam c’est l’occupation française, la baie d’Halong et la guerre
US, et pis c’est tout. Ça fait beaucoup de conflits mais c’est ce qu’il me
venait en tête avant de débarquer. J’ai passé un peu plus de trois semaines au
pays, entre le froid du nord (Sapa, Hanoï, baie d’Halong), le temps parfait du
centre (Hue, Hoi An) et le Sud chaud mais pas pire (Saigon, delta du Mékong).
Beaucoup de choses m’ont marqué, mais
je ne compte pas vous ressortir l’intégralité de mes découvertes et humeurs ça
serait un peu long. Je vais simplement vous donner les impressions du touriste
que je suis (presque) redevenu, vous apporter quelques réponses à mes
interrogations sur le passé tumultueux du pays et vous parler de nourriture,
car ça c’est le top.
En passant la frontière depuis
Hekou en Chine à Lao Cai, au Vietnam, on perçoit la différence instantanément. Je
traverse un pont sur le Fleuve Rouge et le décor change : des motobikes surchargées de marchandises,
des chapeaux coniques (le Non la,
fait de palmier et bambou), une église, le retour de l’alphabet (presque)
latin, des gamins, bœufs et poules au milieu des routes… Me concernant, un
premier moto-taxi jusqu’à la gare de bus pour entrer de plein pied dans ce
pays. Ça décoiffe.
Me voila donc redevenu (quasi)
touriste. Ceci étant du avant tout au pays, qui en regorge. J’ai croisé plus de
foreigners que les cinq derniers mois
réunis. Par foreigners, comprenez
blancs, et une dizaine de blacks aperçus depuis trois semaines, pas plus, pour
les autres asiatiques ça compte pas -désolé. Donc pas vraiment moyen de se
cacher, de passer pour un aventurier ; c’est cuit, je suis fondu dans la
masse. En parlant avec des australiens ou israéliens (il n’y a que ça dans le
nord-ouest) je me rends compte qu’il n’y a pas tant de voyageurs au long cours
que ça… En Asie centrale, on ne croisait que des tourdumondistes, là je me sens
bien seul. Qui dit foreigners dit
business pour les locaux. Ça aussi ça change, on nous prend pour des walking ATM (distributeurs de billets
ambulants), on nous affiche les plus beaux sourires mais… mais je n’suis plus
habitué les gars ! Par la force des choses, je m’y refais bien. Si je suis
de bonne humeur et si le vendeur est sympa je réponds avec un beau 22 bis voire
de l’humour sincère, sinon je m’abstiens de toute riposte.
Minorité Hmong du nord-ouest, au marché de Bac Ha |
Je fais donc un peu plus mon vacancier
à suivre quelques tours organisés, à fréquenter les bars à blancs (pas le vin
malheureusement, pas encore), et mon vietnamien reste assez pauvre car tout le
monde répond en anglais. Je tiens à signaler ici que l’accent des locaux
parlant en anglais est parfois vraiment poilant, on dirait un sketch des
Inconnus. C’est un peu comme entendre l’accent québécois mais avec une belle pluvalue
asiatique.
Certains touristes croisés se
plaignent de locaux peu souriants. J’ai constaté tout le contraire. Certes
beaucoup sont souriants dans l’espoir de te vendre un t-shirt I Love Vietnam, un banh bao (sorte de brioche vapeur fourrée ou non), ou un mini
Bouddha en bambou, mais beaucoup d’autres le sont naturellement. Et même ces
sourires attrapes-touristes sont beaux à voir, perso ça m’a plu.
Et là je transite subtilement
vers la politique. Passer du sourire à la politique, pas évident me direz-vous,
mais justement. A croiser tous ces visages jeunes et accueillants, on imagine
mal la privation de liberté dont ils sont victimes. Comment afficher ces
visages avec ce qu’ils endurent ? Certes, la pauvreté et la dureté de la
vie à la campagne ou en ville est bien présente, on la voit, mais la gentillesse
des gens semble prendre le dessus. Et j’ai ouïe dire que c’est encore mieux
dans les pays voisins ! Pourquoi ai-je alors cette impression ?
Peut-être suis-je de bonne humeur ce matin, ou alors c’était vraiment
désagréable dans les pays précédents, mais je ne crois pas.
Au-delà de cette gentillesse,
c’est peut-être aussi une force qui ressort de ces visages.
Eh oui le Vietnam, pays
touristiques avec ces plages truffées de russes (pour ce qui est de Nha Trang),
Halong Bay, sa nourriture et son architecture, est tout de même géré par une
petite dictature communiste, un peu comme en Chine. Pas de parti d’opposition
comme ça pas de souci. La censure est en partie présente, Facebook, Le Monde et
d’autres sites sont parfois bloqués. Tû (prononcez To-ou, et désolé pour
l’accent c’est un bordel y’en a une palanquée ici), réalisateur et pote pour
quelques jours à Hoi An, est étroitement surveillé tout comme ses films, ses
publications sur internet et dans les magazines. DJ à ses heures, il avait
monté un film pour le fond de scène, avec des images d’émeutes, de manifs etc.
Après un premier avertissement non reçu, il a été prié de plier les gaules, et
de rentrer dans le rang sous peine de représailles sévères. Ça l’a calmé
malheureusement, mais c’est bien compréhensible. Il m’expliquait que le
gouvernement menait une politique de massification et essayait de tuer dans
l’œuf toutes les initiatives individuelles. Pas moyen de s’affirmer
individuellement, tout doit passer par une association ou un groupement de
personnes. Même les pop-stars sont rarement en Une des journaux. Faut suivre la
route dictée par le parti, que personne ne s’affirme, éviter les vagues. Cependant
j’ai ouïe dire que le gouvernement commençait à lâcher du lest… pourvu que ça
dure. Et contrairement à l’Iran par exemple, on ne les prend pas pour des
terroristes, c’est déjà pas mal, merci pour eux.
Intermède live : par la fenêtre du train défilent des champs de
riz jusqu’aux lointaines montagnes d’un côté et la mer de l’autre, et ça bosse
à l’ancienne, avec le bœuf, la charrue et les mimines. Paysage de carte
postale, mais pour les locaux c’est du quotidien.
Baie d'Halong |
Comme je vous le disais, le
Vietnam c’était pour moi les films américains et l’occupation française. Cette
dernière a duré quasiment un siècle, s’est terminée à Dien Bien Phu en 1954,
sous l’impulsion des Viet Minh, partisans de Ho Chi Minh. Le pays est alors
divisé par le 17ème parallèle, avec les communistes au nord (Hanoï)
et rapidement, au Sud (Saigon), les américains, qui débarquent pour enrayer la
propagation de ces idées pernicieuses dans une région déjà bien trop rouge
(« jaune » dirait OSS 117). J’espère ne faire trop de bévues
historiques, j’ai un peu la pression vu le pédigrée soixante-huitard de
certains lecteurs.
Je continue. Le bourbier
vietnamien aura raison en 1973 des GI Yankee, qui rentreront à la maison (Sweet home Alabama) non sans offrir un
dernier cadeau : 15 000 tonnes de bombes sur Hanoi, avant le nouvel
an 73. Bonne année ! Sur ce, les Viet Cong (Vietnamiens Communistes)
reprennent le Sud du pays et celui-ci est enfin réunifié en 1976. S’en suit une
invasion rapide du Cambodge de Pol Pot et ses Khmers Rouge, pour calmer leurs
vues sur le delta du Mékong. Ils en ont assez me direz-vous, eh bien non !
Ils doivent répondre à l’invasion chinoise dans le nord du pays, venu défendre
Pol Pot. Et c’est là qu’on voit que le viet ne lâche rien ! Ils les ont
vite renvoyé chez eux, comme ils les avaient déjà renvoyé après un millénaire
d’occupation, avant l’an mil. Et c’était donc le moment 2000 ans d’histoire, avec Patrice Gelinet, tous les jours de 13h30
à 14h sur France Inter.
Avec ce passé tumultueux (ils ne
sont officiellement plus en guerre en 1989 après l’évacuation du Cambodge), je me
disais qu’il y aurait un certain ressentiment, une animosité envers les
français ou américains. Que nenni grand diable bien au contraire. La France est
appréciée aujourd’hui pour ce qu’elle a apporté en termes de culture,
d’architecture, de nourriture, de modèle social. Pour les US, il y a toujours
ce rêve américain qui fonctionne et qui attire. Mais surtout, les ricains sont
appréciés car ils sont une puissance d’opposition à la Chine voisine, comme les
français ont été un rempart à cette Chine pendant une longue période. Les vietnamiens
ne peuvent pas les voir. Bon ils précisent : le gouvernement chinois et
non les citoyens. Mais ils se reprennent souvent à deux fois pour le dire.
Comme les français avec les ricains… mais là le malaise est plus profond. Plus
d’un millénaire d’occupation les ont rendus sensibles au sujet. Aujourd’hui
encore ils me disent tous que les chinois tentent d’imposer leur hégémonie sur
l’Asie du Sud-est et ils n’en veulent pas. N’allez pas dire qu’au Vietnam on
parle mandarin ou qu’on utilise les caractères chinois, sinon vous serez privé
de karaoké !
Dans mes tentatives
d’éclaircissement, j’ai été surprit de constater que ma génération ne
connaissait quasiment rien aux dernières guerres, mélangeant même l’ordre
d’apparition des occupants (« c’était qui en premier, les américains ou
les français ? »). J’ai logé une petite semaine à Hanoï chez Long et
sa famille. Les grands-parents étaient peu loquaces sur la présence française,
malgré les médailles de guerre, quelques photos, et les casques de l’époque
accrochés au porte-manteau. Le père, parlant un peu français, ne semblait pas
vraiment intéressé par le sujet. De manière générale, les gens n’en parlent pas,
même si j’amène le sujet avec grande finesse^^. Pour Mi, une guide Hmong très
petite et très drôle du Nord-ouest, c’était pareil, le passé c’est le passé. Ce
n’est pas tabou, « on n’oublie pas » me disent-ils, mais on n’en
parle pas. Mais je reste très étonné de voir que les nouvelles générations s’y
connaissent moins que moi dans l’histoire de leur pays… Attention les gars,
quand on oublie, l’histoire tend à se répéter. En tout cas ces guerres semblent
avoir laissées de plus grandes séquelles dans le monde occidental qu’ici. S’il
y a encore quelques ressentiments cela semble être entre le Nord et le Sud. Un
guide de Saigon au sud était clairement pro-américain, anti-coco et peu
flatteur des vietnamiens du nord, peu friendly
selon lui. Mais c’était bien le seul à penser ça sur tous les méridionaux
rencontrés.
Dans le même ordre d’idée, très
peu ont entendu parler de tous ces films américains bien qu’ils soient cités
sur tous les t-shirts à touristes. Et à me promener dans la boue, le froid, le
brouillard, la brume, la jungle du nord-ouest, j’ai pu imaginer un tout petit
peu ce qu’a été cette galère, ce bourbier. « Putain de guerre, on était
trop jeunes », « t’as raison Jimmy, fuck ».
Street food à Saigon, des mangosteen.... trop bon. |
Allez, on arrête de deviser sur
les armes à feu (un débat avec la NRA me paraitrait plus pétillant), la censure
et les animosités entre les peuples, parlons
bien, parlons vrai, parlons goûts et saveurs.
Si vous vous souvenez bien, dans
mon post sur la Chine, je me languissais d’un bon dessert à la française. Rrrrhhh…
Comme l’a dit Charpi au pays du fromage et du vin, on est aussi les meilleurs
pour les pâtisseries en tout genre. Eh bien là j’ai retrouvé un bout de France
mes amis. Et ça réchauffe les papilles et l’estomac. Car au Vietnam on mange
bien. Pays à touristes, on s’assoit pour les repas, on trouve de la nourriture
de tous les horizons, et la cuisine locale est également très bonne et assez
diversifiée. Ce qui n’était pas forcément le cas les six mois précédents.
Et avec Long j’ai été servi. Ce
mec adore manger ainsi que ses amis. En fait à Hanoï je n’ai quasi rien visité,
on n’a fait que manger. « Are you hungry ? » n’arrêtait-il pas
de me répéter, il l’a même écrit sur ma guitare. Il m’avait aussi préparé une
liste des mets locaux à découvrir, que je devais checker. Je n’ai pas pu tout remplir. Mais cette passion de la
nourriture n’est pas propre à lui, j’ai l’impression que tout le monde mange un
peu tout le temps ici. Comme les ricains, mais en plus petite quantité et avec
des aliments plus sains. Et les occidentaux s’y mettent sans sourciller,
notamment les voyageurs qui ont le mal culinaire du pays, qu’ils soient
auparavant passés par l’Inde ou la Chine, deux pays où l’on ne mange pas trop
mal.
Avant de me coucher le premier
soir, et après avoir prit un ultime repas vers 23h, Long m’annonce
« demain on se lève à 6h30, on va déjeuner avec les potes et on rentre se
coucher. » J’ai du déclarer forfait pour fracture de fatigue, mais je me
suis rattrapé par la suite je vous rassure. Voila comment on passait le
temps : on mange un petit truc dans une gargotte du coin, on fait une
petite demi-heure de motorbike pour
trouver le spécialiste d’un nouveau plat, on l’enfile, on reprend le guidon et
on enchaine. Parfois, sur un malentendu on visite un temple ou un marché si
celui-ci se trouve sur la route du prochain street
food. Comme je vous le disais on trouve au Vietnam quelques bons
desserts : gâteaux au chocolat, crème brulées, glaces… je suis fier de ces
traces françaises, du beau boulot les gras.
Mais, en se promenant dans les
rues, il faut surtout prendre le temps de gouter aux spécialités locales.
Au-delà du riz (il en existe plusieurs sortes bien sûr), la base est le Pho que
l’on trouve un peu de partout, des noodles de riz, du bœuf (ou autre), quelques
herbes ou soja, du piment, du gingembre etc. dans un bol de soupe, et c’est
parti, avec les baguettes si t’es bon. Vous trouverez également les Banh Bao
cités précédemment dont certains raffolent, mais c’est pas évident, ils faut arriver
à les choper quand ils se promènent dans la rue sur leur carriole bricolée de
bric et de broc. Quoi qu’il en soit il est impossible d’avoir faim dans ce
pays, il y a des vendeurs de tout et n’importe quoi tous les trois mètres.
Pour citer quelques plats, je
vous recommanderais les différents nems, les Pho de toutes les sortes et à
toutes les sauces, les rouleaux de printemps, les cakes salés (aux crevettes
par exemple), les « escargots », les œufs de canards, les hot pot…
Pour les douceurs, les Chè, des soupes au lotus, banane, haricots noirs et
autres ; les yaourts au riz fermentés, les gâteaux à la noix de coco, certains
beignets,… Les fruits ne sont pas en reste avec en haut du podium la
Mangosteen, le queen of fruit, délicieusement
sucrée. Dans le delta du Mekong, il y a des dizaines de fruits exotiques
différents que l’on trouve à porter de main en se promenant près des bras du
tentaculaire fleuve. Excellent ! Et il parait que les cafés sont très
bons, mais j’aime toujours pas.
Pour couronner le tout, Long, qui
revenait de quatre mois passés à Montpellier avait ramené du nougat, des
marrons glacés qu’il n’aimait pas quelle aubaine, de la confiture de marron, du
calendos et son padre, médecin, s’était vu remettre quantité de bouteilles de
vins par des patients voulant lui faire comprendre qu’ils aimeraient passer en
priorité sur le billard. Avec une baguette et un pain au chocolat presque
authentiques, je me suis fait une bonne remise à niveau.
Voila, au Vietnam on ne fait plus
la guerre, on mange et on le fait bien.
Frelon d’or : Cette petite semaine passée avec la troupe de
Long, à enchainer les tours en motobike,
les restos, les tours en scooters, les street
food, les tours en deux-roues, les repas à la maison… tout ça dans le
joyeux décor bordélique d’Hanoï.
Pompe à vélo : comme dans la majorité des pays traversés
jusqu’ici, la galère des locaux pour se procurer des visas pour les eldorados
que sont l’Europe, l’Amérique du Nord ou l’Australie.
Fun de la semaine : ils sont très bons dans ce gouvernement.
Ils ont tenté de passer une loi consistant à interdire aux personnes de moins
de quarante kilos de conduire des scooters, prétextant qu’ils ne seraient pas
assez forts physiquement. Beaucoup plus fort, pour les mêmes raisons, ils ont
pensé faire une loi équivalente pour… les petits seins ! Si t’as une
petite poitrine c’est que tu es faible, logique. J’imagine surtout les
contrôles de police… « Bonjour madame, contrôle de vos papiers et de vos boobs, permettez que je tâte le
matériel ». Un bon moyen d’attirer du monde dans la police en tout cas,
fins recruteurs les chefs ! Et pour conduire les poids lourds, y’a des mensurations
minimums pour les slibards des mecs ?
Benjo
PS Musical de
Benjo : Against the wind, de Bob Seger & The Silver
Bullet Band
PS Musical de Charpi : Primitive,
de Roisin Murphy