29 janv. 2013


Goooooooood morning Vietnam !

Titre facile me direz-vous mais parfois faut pas se prendre la tête. Surtout que je viens de me revoir ce film dans le train entre Da Nang (centre du Vietnam) et Ho Chi Minh City (HCMC ou Saigon, sud du Vietnam), et ça fait tout bizarre de le voir dans ce pays. Je n’étais pas là à l’époque mais simplement de voir ces ambiances de rues, ces paysages, ça rend joliment nostalgique avant d’en être sorti. J’ai aussi dans mon ordi Voyage au bout de l’enfer et Apocalypse now que je me réserve pour un peu plus tard.
Eh oui je regarde ces films car pour moi le Vietnam c’est l’occupation française, la baie d’Halong et la guerre US, et pis c’est tout. Ça fait beaucoup de conflits mais c’est ce qu’il me venait en tête avant de débarquer. J’ai passé un peu plus de trois semaines au pays, entre le froid du nord (Sapa, Hanoï, baie d’Halong), le temps parfait du centre (Hue, Hoi An) et le Sud chaud mais pas pire (Saigon, delta du Mékong).
Beaucoup de choses m’ont marqué, mais je ne compte pas vous ressortir l’intégralité de mes découvertes et humeurs ça serait un peu long. Je vais simplement vous donner les impressions du touriste que je suis (presque) redevenu, vous apporter quelques réponses à mes interrogations sur le passé tumultueux du pays et vous parler de nourriture, car ça c’est le top.
En passant la frontière depuis Hekou en Chine à Lao Cai, au Vietnam, on perçoit la différence instantanément. Je traverse un pont sur le Fleuve Rouge et le décor change : des motobikes surchargées de marchandises, des chapeaux coniques (le Non la, fait de palmier et bambou), une église, le retour de l’alphabet (presque) latin, des gamins, bœufs et poules au milieu des routes… Me concernant, un premier moto-taxi jusqu’à la gare de bus pour entrer de plein pied dans ce pays. Ça décoiffe.

Me voila donc redevenu (quasi) touriste. Ceci étant du avant tout au pays, qui en regorge. J’ai croisé plus de foreigners que les cinq derniers mois réunis. Par foreigners, comprenez blancs, et une dizaine de blacks aperçus depuis trois semaines, pas plus, pour les autres asiatiques ça compte pas -désolé. Donc pas vraiment moyen de se cacher, de passer pour un aventurier ; c’est cuit, je suis fondu dans la masse. En parlant avec des australiens ou israéliens (il n’y a que ça dans le nord-ouest) je me rends compte qu’il n’y a pas tant de voyageurs au long cours que ça… En Asie centrale, on ne croisait que des tourdumondistes, là je me sens bien seul. Qui dit foreigners dit business pour les locaux. Ça aussi ça change, on nous prend pour des walking ATM (distributeurs de billets ambulants), on nous affiche les plus beaux sourires mais… mais je n’suis plus habitué les gars ! Par la force des choses, je m’y refais bien. Si je suis de bonne humeur et si le vendeur est sympa je réponds avec un beau 22 bis voire de l’humour sincère, sinon je m’abstiens de toute riposte.

Minorité Hmong du nord-ouest, au marché de Bac Ha

Je fais donc un peu plus mon vacancier à suivre quelques tours organisés, à fréquenter les bars à blancs (pas le vin malheureusement, pas encore), et mon vietnamien reste assez pauvre car tout le monde répond en anglais. Je tiens à signaler ici que l’accent des locaux parlant en anglais est parfois vraiment poilant, on dirait un sketch des Inconnus. C’est un peu comme entendre l’accent québécois mais avec une belle pluvalue asiatique.
Certains touristes croisés se plaignent de locaux peu souriants. J’ai constaté tout le contraire. Certes beaucoup sont souriants dans l’espoir de te vendre un t-shirt I Love Vietnam, un banh bao (sorte de brioche vapeur fourrée ou non), ou un mini Bouddha en bambou, mais beaucoup d’autres le sont naturellement. Et même ces sourires attrapes-touristes sont beaux à voir, perso ça m’a plu.
Et là je transite subtilement vers la politique. Passer du sourire à la politique, pas évident me direz-vous, mais justement. A croiser tous ces visages jeunes et accueillants, on imagine mal la privation de liberté dont ils sont victimes. Comment afficher ces visages avec ce qu’ils endurent ? Certes, la pauvreté et la dureté de la vie à la campagne ou en ville est bien présente, on la voit, mais la gentillesse des gens semble prendre le dessus. Et j’ai ouïe dire que c’est encore mieux dans les pays voisins ! Pourquoi ai-je alors cette impression ? Peut-être suis-je de bonne humeur ce matin, ou alors c’était vraiment désagréable dans les pays précédents, mais je ne crois pas.
Au-delà de cette gentillesse, c’est peut-être aussi une force qui ressort de ces visages.
Eh oui le Vietnam, pays touristiques avec ces plages truffées de russes (pour ce qui est de Nha Trang), Halong Bay, sa nourriture et son architecture, est tout de même géré par une petite dictature communiste, un peu comme en Chine. Pas de parti d’opposition comme ça pas de souci. La censure est en partie présente, Facebook, Le Monde et d’autres sites sont parfois bloqués. Tû (prononcez To-ou, et désolé pour l’accent c’est un bordel y’en a une palanquée ici), réalisateur et pote pour quelques jours à Hoi An, est étroitement surveillé tout comme ses films, ses publications sur internet et dans les magazines. DJ à ses heures, il avait monté un film pour le fond de scène, avec des images d’émeutes, de manifs etc. Après un premier avertissement non reçu, il a été prié de plier les gaules, et de rentrer dans le rang sous peine de représailles sévères. Ça l’a calmé malheureusement, mais c’est bien compréhensible. Il m’expliquait que le gouvernement menait une politique de massification et essayait de tuer dans l’œuf toutes les initiatives individuelles. Pas moyen de s’affirmer individuellement, tout doit passer par une association ou un groupement de personnes. Même les pop-stars sont rarement en Une des journaux. Faut suivre la route dictée par le parti, que personne ne s’affirme, éviter les vagues. Cependant j’ai ouïe dire que le gouvernement commençait à lâcher du lest… pourvu que ça dure. Et contrairement à l’Iran par exemple, on ne les prend pas pour des terroristes, c’est déjà pas mal, merci pour eux.

Intermède live : par la fenêtre du train défilent des champs de riz jusqu’aux lointaines montagnes d’un côté et la mer de l’autre, et ça bosse à l’ancienne, avec le bœuf, la charrue et les mimines. Paysage de carte postale, mais pour les locaux c’est du quotidien.

Baie d'Halong

Comme je vous le disais, le Vietnam c’était pour moi les films américains et l’occupation française. Cette dernière a duré quasiment un siècle, s’est terminée à Dien Bien Phu en 1954, sous l’impulsion des Viet Minh, partisans de Ho Chi Minh. Le pays est alors divisé par le 17ème parallèle, avec les communistes au nord (Hanoï) et rapidement, au Sud (Saigon), les américains, qui débarquent pour enrayer la propagation de ces idées pernicieuses dans une région déjà bien trop rouge (« jaune » dirait OSS 117). J’espère ne faire trop de bévues historiques, j’ai un peu la pression vu le pédigrée soixante-huitard de certains lecteurs.
Je continue. Le bourbier vietnamien aura raison en 1973 des GI Yankee, qui rentreront à la maison (Sweet home Alabama) non sans offrir un dernier cadeau : 15 000 tonnes de bombes sur Hanoi, avant le nouvel an 73. Bonne année ! Sur ce, les Viet Cong (Vietnamiens Communistes) reprennent le Sud du pays et celui-ci est enfin réunifié en 1976. S’en suit une invasion rapide du Cambodge de Pol Pot et ses Khmers Rouge, pour calmer leurs vues sur le delta du Mékong. Ils en ont assez me direz-vous, eh bien non ! Ils doivent répondre à l’invasion chinoise dans le nord du pays, venu défendre Pol Pot. Et c’est là qu’on voit que le viet ne lâche rien ! Ils les ont vite renvoyé chez eux, comme ils les avaient déjà renvoyé après un millénaire d’occupation, avant l’an mil. Et c’était donc le moment 2000 ans d’histoire, avec Patrice Gelinet, tous les jours de 13h30 à 14h sur France Inter.
Avec ce passé tumultueux (ils ne sont officiellement plus en guerre en 1989 après l’évacuation du Cambodge), je me disais qu’il y aurait un certain ressentiment, une animosité envers les français ou américains. Que nenni grand diable bien au contraire. La France est appréciée aujourd’hui pour ce qu’elle a apporté en termes de culture, d’architecture, de nourriture, de modèle social. Pour les US, il y a toujours ce rêve américain qui fonctionne et qui attire. Mais surtout, les ricains sont appréciés car ils sont une puissance d’opposition à la Chine voisine, comme les français ont été un rempart à cette Chine pendant une longue période. Les vietnamiens ne peuvent pas les voir. Bon ils précisent : le gouvernement chinois et non les citoyens. Mais ils se reprennent souvent à deux fois pour le dire. Comme les français avec les ricains… mais là le malaise est plus profond. Plus d’un millénaire d’occupation les ont rendus sensibles au sujet. Aujourd’hui encore ils me disent tous que les chinois tentent d’imposer leur hégémonie sur l’Asie du Sud-est et ils n’en veulent pas. N’allez pas dire qu’au Vietnam on parle mandarin ou qu’on utilise les caractères chinois, sinon vous serez privé de karaoké !
Dans mes tentatives d’éclaircissement, j’ai été surprit de constater que ma génération ne connaissait quasiment rien aux dernières guerres, mélangeant même l’ordre d’apparition des occupants (« c’était qui en premier, les américains ou les français ? »). J’ai logé une petite semaine à Hanoï chez Long et sa famille. Les grands-parents étaient peu loquaces sur la présence française, malgré les médailles de guerre, quelques photos, et les casques de l’époque accrochés au porte-manteau. Le père, parlant un peu français, ne semblait pas vraiment intéressé par le sujet. De manière générale, les gens n’en parlent pas, même si j’amène le sujet avec grande finesse^^. Pour Mi, une guide Hmong très petite et très drôle du Nord-ouest, c’était pareil, le passé c’est le passé. Ce n’est pas tabou, « on n’oublie pas » me disent-ils, mais on n’en parle pas. Mais je reste très étonné de voir que les nouvelles générations s’y connaissent moins que moi dans l’histoire de leur pays… Attention les gars, quand on oublie, l’histoire tend à se répéter. En tout cas ces guerres semblent avoir laissées de plus grandes séquelles dans le monde occidental qu’ici. S’il y a encore quelques ressentiments cela semble être entre le Nord et le Sud. Un guide de Saigon au sud était clairement pro-américain, anti-coco et peu flatteur des vietnamiens du nord, peu friendly selon lui. Mais c’était bien le seul à penser ça sur tous les méridionaux rencontrés.
Dans le même ordre d’idée, très peu ont entendu parler de tous ces films américains bien qu’ils soient cités sur tous les t-shirts à touristes. Et à me promener dans la boue, le froid, le brouillard, la brume, la jungle du nord-ouest, j’ai pu imaginer un tout petit peu ce qu’a été cette galère, ce bourbier. « Putain de guerre, on était trop jeunes », « t’as raison Jimmy, fuck ».

Street food à Saigon, des mangosteen.... trop bon.

Allez, on arrête de deviser sur les armes à feu (un débat avec la NRA me paraitrait plus pétillant), la censure et les animosités entre les  peuples, parlons bien, parlons vrai, parlons goûts et saveurs.
Si vous vous souvenez bien, dans mon post sur la Chine, je me languissais d’un bon dessert à la française. Rrrrhhh… Comme l’a dit Charpi au pays du fromage et du vin, on est aussi les meilleurs pour les pâtisseries en tout genre. Eh bien là j’ai retrouvé un bout de France mes amis. Et ça réchauffe les papilles et l’estomac. Car au Vietnam on mange bien. Pays à touristes, on s’assoit pour les repas, on trouve de la nourriture de tous les horizons, et la cuisine locale est également très bonne et assez diversifiée. Ce qui n’était pas forcément le cas les six mois précédents.
Et avec Long j’ai été servi. Ce mec adore manger ainsi que ses amis. En fait à Hanoï je n’ai quasi rien visité, on n’a fait que manger. « Are you hungry ? » n’arrêtait-il pas de me répéter, il l’a même écrit sur ma guitare. Il m’avait aussi préparé une liste des mets locaux à découvrir, que je devais checker. Je n’ai pas pu tout remplir. Mais cette passion de la nourriture n’est pas propre à lui, j’ai l’impression que tout le monde mange un peu tout le temps ici. Comme les ricains, mais en plus petite quantité et avec des aliments plus sains. Et les occidentaux s’y mettent sans sourciller, notamment les voyageurs qui ont le mal culinaire du pays, qu’ils soient auparavant passés par l’Inde ou la Chine, deux pays où l’on ne mange pas trop mal.
Avant de me coucher le premier soir, et après avoir prit un ultime repas vers 23h, Long m’annonce « demain on se lève à 6h30, on va déjeuner avec les potes et on rentre se coucher. » J’ai du déclarer forfait pour fracture de fatigue, mais je me suis rattrapé par la suite je vous rassure. Voila comment on passait le temps : on mange un petit truc dans une gargotte du coin, on fait une petite demi-heure de motorbike pour trouver le spécialiste d’un nouveau plat, on l’enfile, on reprend le guidon et on enchaine. Parfois, sur un malentendu on visite un temple ou un marché si celui-ci se trouve sur la route du prochain street food. Comme je vous le disais on trouve au Vietnam quelques bons desserts : gâteaux au chocolat, crème brulées, glaces… je suis fier de ces traces françaises, du beau boulot les gras.
Mais, en se promenant dans les rues, il faut surtout prendre le temps de gouter aux spécialités locales. Au-delà du riz (il en existe plusieurs sortes bien sûr), la base est le Pho que l’on trouve un peu de partout, des noodles de riz, du bœuf (ou autre), quelques herbes ou soja, du piment, du gingembre etc. dans un bol de soupe, et c’est parti, avec les baguettes si t’es bon. Vous trouverez également les Banh Bao cités précédemment dont certains raffolent, mais c’est pas évident, ils faut arriver à les choper quand ils se promènent dans la rue sur leur carriole bricolée de bric et de broc. Quoi qu’il en soit il est impossible d’avoir faim dans ce pays, il y a des vendeurs de tout et n’importe quoi tous les trois mètres.
Pour citer quelques plats, je vous recommanderais les différents nems, les Pho de toutes les sortes et à toutes les sauces, les rouleaux de printemps, les cakes salés (aux crevettes par exemple), les « escargots », les œufs de canards, les hot pot… Pour les douceurs, les Chè, des soupes au lotus, banane, haricots noirs et autres ; les yaourts au riz fermentés, les gâteaux à la noix de coco, certains beignets,… Les fruits ne sont pas en reste avec en haut du podium la Mangosteen, le queen of fruit, délicieusement sucrée. Dans le delta du Mekong, il y a des dizaines de fruits exotiques différents que l’on trouve à porter de main en se promenant près des bras du tentaculaire fleuve. Excellent ! Et il parait que les cafés sont très bons, mais j’aime toujours pas.
Pour couronner le tout, Long, qui revenait de quatre mois passés à Montpellier avait ramené du nougat, des marrons glacés qu’il n’aimait pas quelle aubaine, de la confiture de marron, du calendos et son padre, médecin, s’était vu remettre quantité de bouteilles de vins par des patients voulant lui faire comprendre qu’ils aimeraient passer en priorité sur le billard. Avec une baguette et un pain au chocolat presque authentiques, je me suis fait une bonne remise à niveau.
Voila, au Vietnam on ne fait plus la guerre, on mange et on le fait bien.

Frelon d’or : Cette petite semaine passée avec la troupe de Long, à enchainer les tours en motobike, les restos, les tours en scooters, les street food, les tours en deux-roues, les repas à la maison… tout ça dans le joyeux décor bordélique d’Hanoï.
Pompe à vélo : comme dans la majorité des pays traversés jusqu’ici, la galère des locaux pour se procurer des visas pour les eldorados que sont l’Europe, l’Amérique du Nord ou l’Australie.
Fun de la semaine : ils sont très bons dans ce gouvernement. Ils ont tenté de passer une loi consistant à interdire aux personnes de moins de quarante kilos de conduire des scooters, prétextant qu’ils ne seraient pas assez forts physiquement. Beaucoup plus fort, pour les mêmes raisons, ils ont pensé faire une loi équivalente pour… les petits seins ! Si t’as une petite poitrine c’est que tu es faible, logique. J’imagine surtout les contrôles de police… « Bonjour madame, contrôle de vos papiers et de vos boobs, permettez que je tâte le matériel ». Un bon moyen d’attirer du monde dans la police en tout cas, fins recruteurs les chefs ! Et pour conduire les poids lourds, y’a des mensurations minimums pour les slibards des mecs ?

Benjo

PS Musical de Benjo : Against the wind, de Bob Seger & The Silver Bullet Band
PS Musical de Charpi : Primitive, de Roisin Murphy



4 commentaires:

  1. Désolée de te dire ça Benjo, alors que tu es à l'autre bout du monde, mais 2000 ans d'histoire c'est fini depuis 2011 !!
    C'est désormais "la marche de l'histoire" de 13h30 à 14h avec Jean Lebrun.
    Bisous et merci pour la carte (ça me fait un joli marque page !!)

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  2. l'horaire a pas changé c'est déjà ça
    la vache moi qui est prévu mon programme pour le nam ça va être bien différent.

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  3. Arf Clém là tu chipotes. Perso je préfère les histoires formidables de Pierre Belmarre mais il a été décommandé par la régie.
    Bi, Benjo

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