14 juin 2013

La rubrique des surfeurs de canap’

Hier j’ai fait ma première séance de surf à la Brice de Nice. Un peu le même style, excepté la capillarité. Benji de Bali. Mais avant de surfer sur la vague, avec le Charpi on a surfé sur des canapés. Des sofas italiens, bosniens, grecs, turcs, iraniens, ouzbeks, kirghizes, chinois, vietnamiens, birmans, thaïs, malaisiens et indonésiens.
Au début des années 2000 est apparu un site internet, Couchsurfing.org, une sorte de réseau social pour rencontrer et/ou dormir chez le local. Tout ce tintouin, qui nous vaut un article aujourd’hui, a commencé quelques années plus tôt quand un des fondateurs du site, Casey Fenton, de passage en Islande, contacta une liste d’étudiants de Reykjavik, en leur demandant de l’héberger dans l’espoir de rencontrer des habitants de la région. Surprit par le grand nombre de réponses positives, il se dit alors qu’un autre mode de voyage était alors possible…
Le concept est assez simple, je vous explique ça vite fait. Par exemple, vous pensez passer dans quelques jours ou semaines par Boukhara, charmante bourgade d’Ouzbékistan. Certains choisissent Charleville-Mézières, d’autres Boukhara, c’est un choix. Sur ce, vous vous connectez au site, vous marquer le nom de cette ville, et apparaissent alors les personnes susceptibles de vous accueillir pour la nuit, pour un verre, ou pour ce qui lui chante. Aucune obligation de loger, c’est au bon vouloir de l’hôte. Mesdemoiselles, vous craignez que ce bel homme en photo ait un brin l’esprit tordu ? Ce n’est pas forcément faux mais vous pouvez également étudier son « profil » où il se présente et surtout où l’on trouve les commentaires des personnes ayant rencontré ce fameux bel homme. Vous en savez donc un peu plus sur lui… Et puis c’est tout ! Vous vous arrangez avec cette personne pour le rendez-vous à votre arrivée dans sa ville et en voiture Simone !

Ancona, italie, premier surf culinaire

Le site fonctionne très bien, de mieux en mieux. Pour plusieurs raisons surement : c’est l’époque des réseaux sociaux où les rencontres se font sur la toile ; les difficultés économiques relancent la solidarité entre les gens, entre les peuples, on est prêt à aider son voisin ; et peut-être un retour aux bases, avec la tradition perdue de l’accueil, de l’échange, de la rencontre, tout cela sans relation pécuniaire.
J’évoque deux raisons principales dans les bienfaits du CS : l’aspect financier et la rencontre avec les locaux. Mais vous pouvez rapidement annuler le côté pécuniaire, car avec Charpi, la plupart du temps on essayait de leur rendre la monnaie de la pièce si je puis dire, en les invitant aux restos par exemple. Mais ce n’est pas évident car la plupart veulent nous inviter encore et encore ! Bande de malpolis ! Et en plus si on insiste, ils s’offusquent car inviter fait parti de leur tradition. Soit.
La vertu unique est en fait la rencontre avec les autochtones, et donc l’appréhension de leur culture, de leur quotidien. Des autochtones souvent un peu occidentalisés car ils parlent anglais pour la majorité d’entre eux. La transition entre nos deux mondes est alors facilitée. On apprend beaucoup plus sur un peuple en quelques heures avec une Lia grec, un Arash iranien, une Qing chinoise, un Long vietnamien ou une Stella malaise qu’en plusieurs jours dans un hôtel. Remarquez, parfois cela fait beaucoup de bien de retrouver le confort et la culture occidentale dans une bonne auberge de jeunesse. Car l’ouzbek ne comprend pas toujours nos blagues !
Ce voyage nous a permit de surfer, et au retour, à notre tour nous accueillerons les surfeurs (bon, première étape, il me faut un appart’). En rencontrant tous ces gens si semblables et si différents, je me suis rendu compte que pour beaucoup d’entre eux, accueillir leur permet de voyager. Par procuration. Surtout dans ces pays moins riches ou mal vu des occidentaux. Soit il est difficile de sortir de leur pays, ils n’ont pas encore l’argent, ou ils attendent le moment opportun, quoi qu’il en soit ils emmagasinent du rêve (oui oui c’est nous le rêve) et préparent leur voyage. L’exemple le plus criant étant l’Iran, pays où il est très difficile d’avoir un visa pour l’étranger, excepté quelques pays comme la Turquie ou la Malaisie.

La clic des iraniens

Mais il est parfois compliqué de recevoir pour eux. C’est interdit en Birmanie, du coup les expat’ prennent le relais. En Iran, ce n’est pas vraiment conseillé… Javal d’Ispahan en a fait la mauvaise expérience et est passé très prêt de la correctionnelle. Parfois c’est la famille qui bloque. Buse d’Ankara nous a alors accueillit lorsque ses parents étaient partis dans le sud, sans rien leur dire… L’envie de cotoyer de l’étranger était trop grande.
Une grande partie des hôtes sont prit entre leur pays et l’occident, entre leurs racines et une envie d’ailleurs. Ils ne savent plus quoi faire, partir ou rester ? Ils sont partagés, ne se retrouvent pas totalement dans les deux univers. Ce même Javal, à force de rencontrer des occidentaux, était devenu très différent de ses amis iraniens. Rahima en Ouzbékistan (à Boukhara justement) nous disait qu’elle souhaitait clairement vivre ailleurs. Qing à Chengdu en Chine est assez mal vue dans son pays car à 30 ans elle n’est toujours pas mariée, car elle a quitté son boulot,… Elle n’est plus dans le moule. Ada est tentée par l’Occident mais subit la pression de sa famille (et de la religion) pour rester à Kunming au chevet de ses proches, notamment car elle est fille unique. Elle part quand-même, mais est toujours prise dans un étau…
La rencontre avec les locaux apporte beaucoup pour comprendre le pays, même si on ne devient pas des ethnologues confirmés en une semaine. Elle nous apprend par exemple à manger tel l’autochtone ! Parfois on leur apporte quelques recettes à la française, mais souvent on profite de leur cuisine locale. Les petits déj’ turcs, le coucou iranien, la langue de canard chinois, le Pho Bo vietnamien, les noodles malaises, le tempe indonésien… que ce soit avec les couverts, les baguettes ou les doigts, l’important c’est le goût.

Un mariage ouzbèke, grâce à notre hôte Rahima

Ces rencontres nous auront permit également de bringuer à la locale. On a fréquenté des soirées vraiment atypiques, difficiles à trouver en logeant dans une auberge de jeunesse. Ça a commencé en Italie avec une soirée folk au milieu de la cambrousse puis ça s’est enchainé un peu dans tous les styles. La soirée classe au IF d’Ankara, la gay-party à Ispahan, les soirées bœufs musicaux en Iran, les mariages perses et ouzbeks, les karaokés en Chine et Indonésie, la boite surréaliste de Yangon en Birmanie ou encore la Full Moon Party de Kho Phangan en Thaïlande. Pour cette soirée, je ne connaissais personne, mais je voulais y aller. Et je me suis rappelé au bon souvenir du CS. Grâce au site j’ai pu donner rendez-vous à six autres surfeurs afin de bouger jusqu’au bout de la nuit… Un beau mix brésilien, finnois, indien, hollandais et français.
En parlant de mix, ça m’est arrivé aussi de loger chez l’expat’, un gars qui n’a donc pas grand-chose à voir avec la culture locale, mais ce n’est pas toujours important, l’essentiel étant l’accueil à bras ouvert. Un californien en Birmanie, une colocation de nigérian-yéménite à Kuala Lumpur, Malaisie, un rosbeef à Singapour.
Mais ce site est un peu limité, donc on a improvisé. Par exemple en Cappadoce turque, on a fait du CouhHôtel, un nouveau concept consistant à s’incruster de nuit dans une chambre d’hôtel d’autres voyageurs. Pour pas un rond bien sûr. A Téhéran, on a fini par virer notre logeuse, notre Grogol nationale, qui nous a laissé les clés de l’appart alors qu’elle rendait visite aux grenouilles. Un peu la même chose à Yangon ou le Cali-birman est parti avant moi…

Bringue CS pour la Full Moon Party de Koh Phangan

Si un jour vous prend l’idée de voyager hors des sentiers battus, tentez l’expérience. Encore plus si vous allez en Iran ou en Indonésie, là-bas il est vraiment aisé de trouver des hôtes. Il n’est d’ailleurs pas nécessaire d’aller à l’autre bout de la Terre. Pourquoi ne pas surfer sur les canapés de France ?
Mais le CS n’est pas indispensable, il nous est par exemple arrivé de rester chez des gens sans passer par le site : chez Agron au Kosovo, avec Stella en Malaisie, chez Nick l’anglais à Singapour etc.
Parfois pour un verre, un jour ou nuit, l’expérience CouchSurfing peut aussi durer plus de deux mois. Ça a (quasiment, chut) toujours été trop court. Et miracle de la solidarité voire de la fraternité humaine, il est toujours né une confiance aveugle entre nous tous. Un simple « bonjour, bienvenu » et c’est parti ! A quand cette confiance mutuelle entre les peuples, au-delà que par l’entrefaite d’un site internet…


Le Frelon d’or : Impossible de trouver un frelon d’or. Toutes les expériences sont belles, différentes et enrichissantes. Ces moments partagés m’auront en tout cas permit de comprendre que l’essentiel dans un voyage, au-delà des beaux paysages et des sites historiques, c’est bien la rencontre.
La pompe à vélo : malheureusement, le site est rattrapé par son succès. Désormais, beaucoup s’en servent comme simple plate-forme de rencontre, un peu plus qu’amicales (loin de nous l’idée avec Charpi bien sûr). Fort dommageable, mais cela n’enlève rien à l’essentiel.
Le fun : Probablement Javal l’iranien d’Ispahan. Nous n’y sommes restés que quatre jours mais il en profité pour nous raconter toutes les conneries possibles et imaginables, fort de son expérience d’hôte, un petit millier de voyageurs à son actif. Une auberge mais à domicile. On dormait tous au sous-sol dans une grande salle couverte de tapis, et il nous relatait ces histoires de logeur : héberger un nazi convaincu ; faire la Une d’un grand quotidien allemand en fustigeant les Ayatollah, être invité le lendemain par la police secrète, et être sauvé (c’est vraiment le mot) par un ami d’un oncle ; avoir un surfer qui abuse des drogues et qui est proche d’y passer ; héberger le plus fou des turcs, le « No Issue » man… Désormais il se débrouille pas trop mal dans une bonne dizaine de langues et il peut se faire inviter dans tous les pays du monde. Bien vu !

Benjo

PS Musical de Benjo : All is full of love, de Bjork

PS Musical de Charpi : Dancing girl, de Terry Callier

1 commentaire:

  1. J'ajoute le site: https://www.couchsurfing.org/ et je vais continuer les travaux dans l'appart pour que tu viennes t'installer ici!

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