Chroniques de bas en haut
Aujourd’hui
on part du quartier de Gheytarieh, au nord, pour rejoindre le bazar, dans le
centre-sud de Tehran. On va suivre Shariati street, qui file du nord au sud,
mais en métro. Aperçu de la vie souterraine. Quinze millions d’habitants mais
seulement quatre lignes de métro, ça se bouscule au portillon.
Je quitte la lumière teintée de pollution de la rue pour me retrouver dans la lumière artificielle d’une station assez moderne. Des escalators, un panneau d’interdiction, quoi ?! Il est interdit de marcher sur les escalators ! Yep, on nous dit que ça abime le matos… soit. Un ticket à 10 centimes d’euros, allez, on embarque.
Je quitte la lumière teintée de pollution de la rue pour me retrouver dans la lumière artificielle d’une station assez moderne. Des escalators, un panneau d’interdiction, quoi ?! Il est interdit de marcher sur les escalators ! Yep, on nous dit que ça abime le matos… soit. Un ticket à 10 centimes d’euros, allez, on embarque.
J’évite
de m’asseoir aux deux premiers et deux derniers wagons, ils sont pour les
« women only », même si elles ont le droit de s’aventurer chez les
hommes. Un métro bien comme chez nous, peu de sourires, l’odeur du travail en
costard. En avance même sur la pub, présente sur les poignées. Dans les télés,
quelques spots de pubs bien sûr mais aussi des images de guerre : comme de
partout, les martyrs de la guerre contre l’Irak sont instrumentalisés. D’ailleurs
ne vous étonnez pas de voir que le nom des stations est souvent shadid (martyr). J’entends un gamin jacter comme le crieur de
la Croix-Rousse, mais c’est pour vendre des étuis en plastique pour
télécommande. Le suivant, une dizaine d’années aussi, vend du dentifrice.
Quelques minutes après, c’est une fillette de six-huit ans qui vend les proses
des grands poètes iraniens, dans des petites pochettes surprises. En
trois-quarts d’heure de trajet, on croise une demi-douzaine de ces vendeurs,
certains ont la cinquantaine bien passée.
Ah
tiens, Iphone à gauche, c’est pas la crise économique pour tout le monde. Les
mêmes sonneries que de part chez nous. Sauf l’autre là, un peu plus loin, une
sonnerie de tronçonneuse. Délicat, parfait pour le réveil. Les vieux nous
regardent d’un air halluciné et résolu : « mais où va notre
jeunesse ? » semble t’il dire. Je n’arrive même pas à être indiscret à
essayer de lire son sms, il écrit en farsi…
Un
long bip qui pète les tympans à chaque station, ça c’est universel. Mat souffre
le martyr. Tu passeras peut-être bientôt dans la télé du métro^^.
Ambiance
de métro parisien chez les « hommes », mais c’est autre chose chez
les femmes. Ça papote, ça rigole, ça vend et achète tout et n’importe
quoi : la liberté quoi… mais sous terre et enfermé dans un wagon !
Deux jeunes qui ne savent toujours pas comment interpréter les lois du
pays, se positionnent de chaque côté des battants. Ils n’osent pas trop
s’afficher, mais s’échangent regards et sourires discrets, impatients de sortir
du wagon pour se prendre la main. S’ils osent…
Plus
on approche du centre plus on se rapproche de ses voisins, ça se bouscule. Je
laisse la place à un petit vieux, il me remercie à renfort de grands sourires.
On assiste à des concours de politesse. Qui parviendra à donner sa place ?
Qui acceptera ? Ce qui est sûr c’est que celui qui acceptera aura une
chemise (souvent à carreaux) et celui qui se relèvera en aura une aussi. Un
polo au pire, très rarement un tee-shirt. Je suis debout, mais je cède mon coin
à une femme ; elle aura ainsi un peu plus d’intimité, se sentira moins
observée et cernée par tous ces hommes. C’est de coutume de leur laisser ces
places.
« Alors
Charpi, bien ou bien ? » oui on échange quelques mots. Un gars nous
entend, il sort « oh, vous êtes français ?! ». C’est parti pour
un nouvel échange avec un local. Vraiment simple ici. Après quelques minutes,
on se passe nos numéros, il nous donne rendez-vous pour aller voir un match de
foot. C’est bon ça !
De
nouveau le killer bip, allez hop on
est arrivés à la station « Panjdar-o-Khordad » (c’est marqué aussi en
alphabet latin, heureusement), mais faut jouer des coudes pour descendre.
Oppression… Un courant d’air chaud venant de la rue nous brasse l’air froid de
la clim du métro. La sensation d’un bon gros sèche-cheveux dans la face. Un
autre gars nous entend parler (ou nous regarde, simplement), et nous enchaîne.
Hassan, il est pachtoun afghan mais vie ici depuis belle-lurette. Il est chaud
à l’idée de nous accompagner, ou plutôt de nous montrer, son bazar.
On
sort, les klaxons klaxonnent, les marchands marchandent, les touristes… où sont
les touristes ? On tente de traverser la rue mais c’est risqué d’y aller
seuls, on préfère suivre un local, le laisser entre nous et les voitures. Ça
amortira le choque, au cas où. Il faut principalement éviter les taxis. Comme à
New-York City, ils sont jaunes (certains sont verts fluo) et colorent les rues,
mais ce sont de bonnes vieilles 405 ! Yeeaaahhhh ! Avec la
Divist-o-shish (206), Peugeot profite bien de l’embargo américain. Comme de
partout, pas besoin de chercher bien loin pour trouver les têtes de Khomeni et
Khameni : s’ils ne sont pas en A4 dans la première vitrine que je vois, je
retrouve leurs joyeuses trombines sur un pan entier d’immeuble.
On
file sur Khordad avenue. A gauche des groupes d’une cinquantaine de personnes
(des mecs à 95%) jouent à faire du change de monnaie. A droite, un fast-food
« Appache » : le McDo local, qui est plein. Ça grouille et trafique
de partout.
On
s’embarque dans une des deux portes magistrales du bazar. Une autre aventure
commence, je passe à peu près inaperçu, pas Mat. Ce bazar (couvert) est
gigantesque, des dizaines de rues de partout, s’étendant chacune sur des
centaines de mètres, et des échoppes à n’en plus finir. Je lève la tête :
il y a même des étages ! Je fais un pas de torero quand un gamin avec un
trolley chargé de cartons m’évite de justesse… ma cheville est encore accrochée,
ça va. Y’en a de partout de ces pilotes d’intérieurs, mais pas que des enfants
à la voix qui portent comme s’ils avaient cinq ans de boulot derrière eux. En
même temps, c’est surement le cas…
Le bazar fonctionne par quartiers. Chaque coin à sa spécialité : les chouchous pour ces dames, puis les écharpes ; les jeans et ceintures pour les hommes. Mais aussi les backgammons, le tissus au gros, les gadgets inutiles en tout genre, le cuir, les casseroles, les horloges, les épices, les fruits secs, et les boutons ! Au moins une dizaine de magasins remplis de centaines et centaines de boutons différents ! La guerre des boutons.
La rue principale du Bazaar de Tehran. Agoraphobe abstiens-toi |
Le bazar fonctionne par quartiers. Chaque coin à sa spécialité : les chouchous pour ces dames, puis les écharpes ; les jeans et ceintures pour les hommes. Mais aussi les backgammons, le tissus au gros, les gadgets inutiles en tout genre, le cuir, les casseroles, les horloges, les épices, les fruits secs, et les boutons ! Au moins une dizaine de magasins remplis de centaines et centaines de boutons différents ! La guerre des boutons.
On
s’y perd dans ce bazar, surtout qu’Hassan file à un bon train. On passe devant
des boutiques où les logos des grandes marques sont vendus au mètre :
Lacoste, Gucci, Nike… deux flics passent devant, ils s’en contre-foutent comme
de leur première chemise contrefaite. Avec Charpi, on se dit que même la fille
la moins shopping du monde péterait un plomb ici. Pendant ce voyage, on n’est
pas forcement portés sur les souvenirs, mais là on aimerait tout craquer, tout
ramener.
Un
marchand de tapis, un vrai, repère les deux étrangers (on n’en n’a croisé aucun
en trois heures de temps). Son meilleur anglais rivalise avec son meilleur
sourire, il nous convainc, on le suit au deuxième sous-sol. Faisons-lui
confiance, ça ne peut pas être un coupe-gorge quand-même !? On passe une
bonne demi-heure à tâter les tapis, il nous raconte leur façonnement, la
différence entre les tapis tribales, les tapis à la chaîne (mais à la main), la
soie, la laine… Quel raffinement, quelle douceur au toucher. On remonte, on
nous offre le thé, ils hallucinent de voir des étrangers…
Et
moi j’hallucine d’être là, à Tehran, dans un bazar, un vrai. J’adore. On adore.
Benjo
Un an de travail pour une pièce de Maître |
Frelon d’or de la semaine : Grogol, son frérot Sohrab, et leur bande de loustics. Kheyli mamnun on se marre bien avec vous et on en apprend beaucoup.
La pompe à vélo de la semaine :
On s’y habitue malheureusement, mais elle est toujours là. Et bien là : la
pollution atmosphérique. Sans omettre ses amies les pollutions du sol, de l’eau mais
aussi électromagnétique : yep, ici les antennes relais pullulent (depuis la Croatie en fait) et ils ne
cherchent pas à les cacher : la technologie à fond, on verra après pour
les conséquences.
Le fun de la semaine : être
multimillionnaire. Easy en plus. Mais
en Iranian Rial. Ah ouai d’accord…
PS
musical de Benjo : Bruises, de Chairlift
PS
musical de Charpi : Jumpi, de Sergent Garcia