Premières « imperssions »
Voila
maintenant deux semaines que nous sommes en Iranie. On n’a pas encore
énormément voyagé, on est surtout restés dans la capitale et autour. Dans les
guides, il est bien dit qu’il n’y a rien à faire à Tehran, il faut y rester
deux jours pas plus. Bon, on aura fait environ deux semaines. Sans pour autant
visiter grand-chose. On est simplement restés à parler du pays avec des locaux.
Et ça, c’est déjà un voyage.
Si
on ne va pas chercher plus loin que le 13h de JP Pernaud ou les magistrales
analyses du 20h de Claire Chazal, on n’a pas franchement envie de visiter ce
pays. Des barbus, des terroristes et une menace nucléaire quotidienne.
Bien nous ait prit de ne pas lire les (non) recommandations du ministères des affaires étrangères avant notre arrivée, sinon... eh bien sinon rien du tout ! Ce n'est pas ça qui allait nous arrêter.
Bien nous ait prit de ne pas lire les (non) recommandations du ministères des affaires étrangères avant notre arrivée, sinon... eh bien sinon rien du tout ! Ce n'est pas ça qui allait nous arrêter.
Difficile
après si peu de temps de se faire un avis sur le pays. On fera probablement une
analyse plus poussée à notre sortie du territoire. Je vais simplement parler en
quelques paragraphes de ce que l’on apprend du pays, des perses, de leur
quotidien. Un peu en vrac.
Nord de Téhéran, Tajrish square |
En
fait on n’a pas eu besoin de poser nos pieds en Iran pour sentir leur
formidable accueil. Plusieurs jours avant notre passage à la frontière, on
avait déjà été invités par des iraniens croisés simplement au détour d’un
voyage en bus ou dans un appart. Autre impression positive avant notre
arrivée : les requêtes CouchSurfing. Dans tous les pays précédents, on
avait au maximum une réponse positive pour une dizaine de demande. On s’était
dit pour l’Iran, on en envoie une vingtaine, ce sera plus sûr. Quelle ne fut
pas notre erreur : en deux jours, une douzaine avait déjà répondu
positivement à notre requête. On avait l’embarras du choix !
Et
l’heureuse gagnante du grand concours de TeD (Tour et Détours pour ceux qui
n’ont pas suivi) fut Grogol, des quartiers presque nord de la capitale. On l’a
notamment choisi car elle est bilingue farsi-français et qu’elle connait bien
la société française pour y avoir vécu deux ans. On s’est dit que ce serait
parfait comme introduction au pays. En effet, avec elle on en apprend
énormément, en plus elle comprend parfaitement notre point de vu d’occidental
donc c’est parfait. Et point non négligeable, elle nous fait bien marrer.
Dans
le train entre Van (Kurdistan turque) et Tehran, on a plongé la tête en avant
dans la société iranienne. Ce mini transsibérien est magique, lits couchettes
et multiculturalisme au rendez-vous. Vingt-six heures pour faire mil
kilomètres, six heures de retard. Qu’on arrête de se plaindre de nos TER !
Perso, j’imagine ma madre, trente-huit ans avant mois, dans ces mêmes wagons…
je souris. La promiscuité de ce vieux tacot facilite les rencontres : des
turcs, des rappeurs undergrounds de Shiraz, un voisin de couche un peu fou mais
sympa.
Et
un groupe d’iraniennes (bah oui, on ne va quand même pas perdre les bonnes
habitudes^^). Elles ne portaient pas le voile tant que l’on était en Turquie,
mais dès le passage de la frontière, elles les ont mis à toute vitesse, surtout
en entendant approcher les pas des douaniers iraniens. Oui, ici le voile est de
rigueur et ça ne rigole pas, il est obligatoire dans les lieux publics (en
dehors des apparts). Mais pour une grande partie de la jeunesse, le voile se
porte le plus discrètement ou classe possible, un élément de mode comme un
autre (ou presque). Grogol nous explique que le Coran demande à ce que les
femmes ne montrent pas les parties « attractives » que sont les
avant-bras, les chevilles et le cou… pourtant, plus c’est caché plus c’est
énigmatique et attrayant, non ?!
Dans
ce wagon, j’ai été surpris quand une des filles m’a demandé si je m’étais fait
refaire le nez. « Effectivement jeune damoiselle, c’est un nez de bogoss,
mais c’est du naturel 100% made in Ardèche ». Elle n’a pas tout saisi. Elle
était toute fière de dire qu’elle s’était fait refaire le sien. C’est désormais
un nouveau jeu avec Charpi, dès que l’on sort en ville, on compte le nombre de
pansements sur le nez des filles : cinq il y a deux jours, douze hier, une
bonne dizaine aujourd’hui. Et seulement en quelques heures. C’est hallucinant,
on n’arrive plus à les regarder dans les yeux, on est obnubilés par leur
protubérance nasale. Et une certaine frange de la jeunesse se peinture la face
au maquillage, beaucoup se blanchissent la peau… c’est assez navrant. Tout ça
pour rentrer dans un moule, un canon de « beauté » made in occident.
Avec Grogol, dans le Beckett Café |
Dans
ces rues de Tehran, on se sent bien, on n’a pas de crainte spéciale. On évite
simplement les photos peu discrètes. Notre plus grande peur concerne la
circulation : on se félicite à chacune de nos traversées réussie. Des
fous, vraiment, Grogol la première. Grogol, cette petite rebelle, qui joue avec
les lois et les coutumes.
Toujours
pour confronter nos a priori à la
réalité, on constate que les femmes sont « relativement » libres. On
se demandait en arrivant si on pouvait par exemple les aborder dans la rue pour
demander notre chemin : oui évidemment, même si on ne va pas choisir
celles portant un nikab. Mais pour
tous les habitants, ce n’est qu’une « relative liberté ». Ils en
donnent juste assez pour que la population ne se révolte pas tous les jours.
« Fins » politiciens ces mollahs.
Mais
cette « liberté » dépend vraiment des milieux. On nous explique, et l’on commence à
constater, qu’il y a trois franges dans cette population. Les pauvres, plus
religieux et traditionnels, qui se préoccupent surtout du court terme car ils
n’ont guère le choix. Les très riches qui achètent tout et tout le monde, la
corruption ayant encore de beaux jours devant elle. Et la middle-class, plutôt
intellectuelle, que nous fréquentons.
C’est
cette middle-class qui s’oppose le plus franchement au gouvernement et aux
leaders religieux. Ils nous disent leur haine de ces politiques barbus
(Ahmadinejad n’étant qu’un pion des mollahs), et leur nostalgie de l’époque du
Shah, une époque qu’ils n’ont pas connu. Les femmes nous disent leur haine de
ce voile obligatoire et rabaissant. Pour les autres franges de la population,
si une partie suit les préceptes religieux dictés à grand renfort de
propagande, la majeure partie est à bout. Les dernières élections en 2009 ont
fait des centaines de morts suite aux manifestations… qu’en sera t’il en juin
prochain ? Certains sont démoralisés, cherchent l’exil, se disent
maudit d’être nés à cette époque (années 80) et à cet endroit ; d’autres ont
toujours l’espoir chevillé au cœur. Mais quelle solution ?...
Malgré
des perspectives pas très réjouissantes, le peuple iranien est de loin le plus
accueillant que nous ayons rencontré jusqu’ici. L’antithèse de ses leaders
politiques et religieux. Ils font le maximum pour que l’on se sente à l’aise
dans leur pays, dans leur maison. Nous sommes invités de partout : dans
les familles, les stades de foot, les soirées… Seulement pour quelques jours
peut-être, mais cela sonne vraiment sincère. En tout cas, on est plus que ravis
et on se sent à l’aise. Vraiment l’opposé de l’idée que l’on peut s’en faire
dans nos médias occidentaux.
On a
aussi adoré notre retour du Mont Damavand. Un groupe d’étudiants rencontré sur
place nous a proposé de nous ramener, nous a offert le repas, et nous a obligé
à chanter en français. On a fait ce qu’on a pu mais je crois que Jo Dassin ou
Francky Vincent peuvent être fiers de nous. Ces jeunes, reliés au monde par
internet (grâce aux anti-filtres), sont conscients qu’ils sont pieds et poings
liés, qu’ils ne connaitront peut-être pas notre liberté d’occidental, en tout
cas pas demain. Mais j’ai aimé leur façon de voir la vie : avec
simplicité, malgré les écueils. Une simplicité que l’on retrouvait dans les
jeux qui ont accompagné ces quelques heures de voyage. On avait un peu oublié
ces moments où quelques jeux font sourire, tout bonnement.
De retour du Mont Damavand, bien entourés ! |
Les
iraniens font les foufous dans les bus, entre eux, mais n’en n’oublient pas
moins de respecter les lois. Les mecs en pantalons et les meufs portant le
voile. Eh oui, si un flic venait à voir une fille « dévêtue », elle
risquerait gros. Il y a dans ce pays une grande différence entre
les lieux publics et privés. Dans la rue et les lieux publics, un habillement
strict, pas de concert de rap ou autre rock américain, évidemment pas d’alcool…
quelques couples se tiennent la main quand-même. Mais dans les apparts cela n’a
rien à voir : mini-short pour les filles, torse-nue pour les mecs, alcools
importés par les réseaux arméniens (d’ailleurs ils ne tiennent absolument pas,
un verre et ils sont secs !), et toute sorte de musique importée de
l’étranger.
Le
gouvernement façonne une certaine image du pays, que l’on retrouve dans les
lieux publics (le Président Ahmadinejad disait il y a peu devant les nations
unies : « on ne peut pas avoir de problème avec les homosexuels,
on n’en n’a pas ! ») ; et dans les lieux privés, la population
vis sa vie, à l’opposé (en tout cas pour une bonne partie).
Dans
notre guide, il est marqué à la rubrique Night-club : « dream
on » (« dans tes rêves »). Et là on a halluciné quand on est
allés faire un tour dans leur « night-clubs » locaux. Il y a en
fait plusieurs rues en ville qui permettent ces rencontres, sur le modèle des
boites. Mais ici on ne danse pas sous les spots, on circule en voiture (une 206
si possible, le summum de la classe ici). Une voiture de mecs remonte lentement
la rue (dix km/h pas plus), et essaie d’aborder une voiture de meufs. Comme en
boite, quelques mots, une blagounette, un sourire, et si ça suit, hop on
échange les numéros de téléphone. On en rigole bien avec le Charpi, mais on
sait aussi que c’est par défaut, car ils ont peu d’autres possibilités de
rencontre à l’extérieur…
Comme
il n’y a rien à faire en soirée à l’extérieur, les jeunes font des tours en
voiture, dans la ville. L’autre jour on a fait une sortie dans le seul centre
commercial de la ville (un Carrefour, ouvert jusqu’à minuit !). On est
aussi allés se promener sur un des « parcours ». Quelques kilomètres
de voies piétonnes sur les hauteurs de la ville… pour marcher, parler, acheter
une bière sans alcool, un kebap. On trouverait ça sympa chez nous, mais là
aussi c’est par défaut. Une grande frustration ressort de toutes ces
privations…
Des
promenades dans la ville, des sorties au supermarché, une comptabilité des nez
refaits… Oui, pour l’instant pas ou peu de grands paysages, de livres
d’histoires ouverts. Mais ce bain de civilisation nouvelle nous va, on adore.
Cela ne nous empêche pas d’être conscients de tous leurs problèmes, d’avoir du
recul sur leurs quotidiens qui n’est pas joyeux, malgré leur merveilleux
accueil.
Il y
aurait tellement à dire sur ces deux premières semaines, on en apprend tous les
jours, on enchaine les surprises. Venez faire un tour, c’est plus simple.
Pour
l’instant on est plus que positivement surpris (même si on n'avait aucune crainte réelle). Apparemment le sud est assez
différent de la capitale, plus traditionnels, mais aussi plus touristique. On
verra bien si on reste sur ces mêmes premières impressions.
3h du mat', allez, on est chaud pour quelques heures de grimpe |
Le
frelon d’or : le sommet du Mont Damavand, 5671m. De la bonne
montagne, de l’air frais, un gros effort, des nuages de souffre au sommet, un
lever de sommeil magique avec des couleurs incroyables (une sorte de violet
hallucinant, on verra ce que donnent les photos)… On a raté le Mont Ararat mais
pas celui-ci. Quel plaisir !
La
pompe à vélo : le craquage physique de Charpi à 5500. Au bout du
rouleau. On n’a presque pas dormi pour partir tôt car on nous prédisait du
mauvais temps. En fait le temps à très bien tenu mais Charpi n’a pas assez
dormi, et ça c’est rédhibitoire. Et pour moi, un sommet sans son compagnon de
cordée, c’est pas la même, il manque vraiment quelque chose.
Le
fun de la semaine : les sorties en voiture avec Grogol, la JuttaKleinschmidt locale ; et les sorties en « boite ».
Benjo
PS
musical de Benjo : Rajaz, de Camel
PS
musical de Charpi : Je l’aime à mourir de Francis Cabrel (oui dans cet
appart, la moustache de Francis fait des ravages, elle accompagne nos soirées)
Ah ah! C'est Benjo qui ronfle, mais c'est Charpi qu'est crevé! Ben voyons. C'est chouette que vous ayez pu rester deux semaines au même endroit. C'est une saveur spéciale lors d'un voyage de pouvoir prendre le temps de la découverte. J'ai l'impression que vous ralentissez le rythme progressivement et je crois que c'est une bonne chose! Mais commencez à envisager de rayer de la liste quelques destinations...
RépondreSupprimerOn a déjà rayé la France; on ne rentre plus...
RépondreSupprimerça me rappelle les jeunes algériens de l'époque Boumédienne, qui avaient une double vie : dans la rue, et à domicile. Malheureusement pour eux, l'issue a été fatale. Mais il y aura des rebondissements, c'est sûr.
RépondreSupprimerj'espère que vous continuerez aussi positivement dans votre découverte du sud de la Perse. le bonjour à Darius !!
JPB
Gambader dans la campagne de pays exotiques c'est assez simple, mais j'ai bien l'impression que vous excellez dans la rencontre et l'échange avec les locaux, et là je dis bravo !
RépondreSupprimerJ'ai hâte de lire plus encore !
La bise à tous les deux +++
ps : moustache moustache !
Yep la route du Sud est vraiment belle, Darius va bien, merci pour lui. Les rencontres sont très facile ici, on nous accoste de partout ! La moustache repousse, mais accompagnée de la barbe (chez les gens chez qui on loge à Chiraz y'a des tongues de la marque Denhavit !!)
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