11 sept. 2012


On a joué les prolongations en Turquie.

Goooooooooooooood Moooorrrrrrrrrrrrrning Francia !!
Voilà c’est fini. Fini pour la Turquie. On vous rassure on est en route pour l’Iran et déjà c’est un festival de découvertes et de rencontres. On vous en dira plus bientôt.
Entre temps on voulait vous livrer nos derniers moments anatoliens et des impressions plus générales sur le pays s’il vous prend l’envie de venir goûter à cet endroit à la structure bien plus complexe qu’il n’y paraît et aux charmes multiples.
51 jours !! On a apprécié l’Anatolie. Dire qu’on s’était dit 3-4 semaines mais c’est tellement immense et riche en diversité. Je suis sûr que l’on aurait pu prolonger mais l’Orient nous appelle.
Dur de synthétiser et c’est tellement tributaire de notre vision des choses et de nos rencontres surtout. Ne soyez donc pas étonnés que parfois, souvent, nos dires vous semblent contredire votre propre expérience de la Turquie ou celle de vos amis (es).
On s’était quittés à Trabzon avec le film Expendesboules (toujours pas digéré cette tragédie époustouflante), on a repris la route pour Kars près de la frontière arménienne. Et quelle route !! De la steppe en veux-tu en voilà. On s’imagine croiser des caravansérails entiers, ces routiers de la soie ou encore une horde de Mongols surchauffés à blanc par un Gengis plus Khan que jamais. C’est à Kars que l’on a vraiment commencer à voir les différences entre un Ouest-turc très touristique et un Est en dehors des circuits classiques des agences. Les étrangers se font rares. Le touriste est surtout local (turc, azéri, arménien mais derrière la frontière^^). De même la propension de femmes dans les rues baisse considérablement pour se réduire à la portion congrue. Fini les jours heureux où nous pouvions séduire à tour de bras. Que des hommes !! Y compris dans les magasins de chaussures ou de lingerie féminine (oui oui on y fréquente).
Autant dans l’ouest on passait inaperçus, autant ici les regards sont prenants, insistants, parfois intimidants. Les locaux sont curieux de savoir d’où l’on vient. Cependant une fois le contact établi c’est la chaleur humaine qui prend le dessus. L’hospitalité turque n’est pas un mythe. Et ici dans l’Est elle est assez impressionnante. Un conseil : mettez-vous au thé. On en a bu des quantités gastronomiques. Les vendeurs d’alcool disparaissant au fil de notre progression il a bien fallu noyer notre chagrin dans un liquide de substitution.
Après nous sommes des bonhommes, les relations avec les autochtones s’en trouvent facilitées. Dans l’Est anatolien, les hommes sont très tactiles. L’ « absence » des femmes expliquent en partie ces comportements. On se tient par le bras ou les épaules parfois par la main, on se fait la bise, ou le coup de front c’est selon. Il n’est pas rare que des serveurs nous déposent un bras affectueux sur l’épaule en nous demandant ce qu’on veut manger. Cette ambiance virile ne se retrouve pas partout à l’Est, mais elle nous interroge sur la place de la femme. J’y reviendrai un peu plus tard.
Je voudrais quand même ouvrir une parenthèse « visite » car l’Est anatolien regorge de bijoux. A Kars, on eu le souffle coupé par l’ancienne capitale de l’Arménie : Ani. A cheval entre la Turquie et l’Arménie à près de 2000 mètres d’altitude. L’endroit surprend par sa beauté qui invite à la contemplation. Les steppes s’étendent à perte de vue. Le mont Ararat n’est pas très loin. Les vestiges sont splendides. On ressort de ce lieu curieusement apaisé.

Ani, a la frontiere armenienne, premieres steppes...

En continuant notre descente vers la zone kurde, nous avons fait une halte à Dogubayazit. Un oasis (un vrai) au pied de l’Ararat. Du haut de ces 5165m, il se détache nettement des hauts-plateaux qui l’environnent. Et puis pas très loin c’est Ishak Pasa, le palais des mille et une nuits, perché sur un éperon rocheux dominant la ville de toute sa majesté. Incroyable ce moment passé là-bas. On a été seuls pendant au moins deux heures à jouer avec la lumière des lieux (vous avez compris avec les photos sur fesse de bouc). Juste à côté du palais, deux mosquées nécessaires pour cette zone vide de gens. La ville se situant plus bas dans le plateau. C’est un autre aspect qui diffère avec l’Ouest. Certes le nombre de mosquées ne cesse de grandir dans l’ensemble du pays mais à Kars et Dogubayazit il y avait une telle concentration au mètre carré. Et le gouvernement met des ronds là-dedans. Etat laïc ?
De l’oseille ! C’est toujours ailleurs qu’il faudrait en mettre. Notamment pour récupérer tous ces gamins des rues qui vendent ce qu’ils peuvent (mouchoirs, fruits, gadgets…) ; d’autres proposent de vous peser. Ils refusent la nourriture que l’on leur propose, seule la monnaie a de la valeur. Un désastre ! C’est bête à dire mais quand ce sont des minots, on juge l’humanité coupable.


Hazankeyf et ses truites, le long du Tigre, bientôt rayé de la carte

La Turquie change, bouge, mais pas forcément sur le bon tempo. La condition féminine prend quelques sérieux taquets depuis un moment maintenant. Depuis 5-6 ans le processus s’accélère. Bien sûr les différences peuvent être surprenantes d’une région à l’autre. A Istanbul on a  pu voir de l’occidentale peroxydée version Lady Gaga débardeur, mini-jupe et hauts talons. La femme portant un voile léger assez classe. Dans les quartiers plus traditionnels, le niqab est de rigueur. Ce qui est surprenant c’est que plus on avançait vers l’Est plus le niqab disparaissait. Comme si plus on était proche de l’occident chrétien plus il fallait afficher de manière ostentatoire sa croyance. Le défi et la confrontation. L’effet frontière se ressent finalement plus à Istanbul que dans cet Est où de toute façon 99,9% des gens sont musulmans (plus ou moins pratiquants).
Pour la petite anecdote nos deux amies parisiennes Lise et Samia ont vécu une expérience plutôt déplaisante à Eyüp un des quartiers traditionnels d’Istanbul à cause de leurs tenues qui choquaient la « bonne morale ». Et vous pensez bien qu’elles ne se baladaient la « choupinette »  à l’air. Certes à l’est et surtout dans la zone kurde, les femmes « niqabées » sont très peu présentes mais leur statut est réglé d’avance : à la maison et c’est tout. Résultat : difficile pour nous de savoir si les femmes ont le choix question vêtements.
En fin de compte tout dépend du milieu où vous tombez, du niveau d’éducation et d’ouverture d’esprit. Mais il est clair que les tensions sont latentes du fait d’une dérive législative vers le dogmatique.
Qu’en pense la population me direz-vous ? Tout le monde n’est pas en accord avec les politiques actuelles. Les jeunes sont comme partout, nombreux sont ceux qui se désintéressent des questions religieuses. Le leitmotiv est de trouver un sens à sa vie, qu’elle soit la plus heureuse et la plus libre possible. D’autres sont aussi pris par l’apparente embellie économique du pays. Le gouvernement actuel sait jouer avec ça. Et puis ne pas oublier que nous autres européens bien pensants avons renvoyés dans les 22 la Turquie quand elle faisait un appel du pied pour rentrer dans l’Union. La conséquence directe est que le pays s’est retourné immédiatement vers les pays du Moyen-Orient.

Mardin et au loin la Syrie...

Sa situation géostratégique lui permet d’être un des acteurs majeurs de cette région du monde. Alors il souffle le chaud et le froid quand ça l’arrange et les rapports avec les voisins ne sont pas toujours au beau fixe. A l’Ouest la Grèce, leur meilleur ennemi. Les îles de la mer Egée sont toujours un prétexte à querelle et vu la conjoncture des hellènes ça ne va pas aller en s’améliorant ; le long de la Mer Noire, l’Ukraine et la Russie et la question du pétrole off-shore; au Nord-est l’Arménie avec qui les relations diplomatiques sont rompues suite au génocide (les turcs et azeri sont vraiment contre « l’interprétation française ») ; à l’est l’Iran avec qui les relations sont changeantes ( l’actualité de ce dernier ne pousse pas de toute façon à faire copain-copain, c’est pas le moment).  Tout comme les pays arabes : l’Irak (en guerre larvée depuis 2003) et la Syrie (en guerre réelle depuis plusieurs mois).
Avec ces deux derniers la question de l’eau joue un rôle primordial. La Turquie a mis en place depuis plusieurs années un immense programme de construction de barrages (le GAP). Le deuxième plus grand barrage de Turquie (après celui d’Atatürk sur l’Euphrate) est en train d’être construit dans la région du Tigre. Ces deux fleuves traversent l’Irak et la Syrie. La Turquie est le château d’eau de la région et elle a décidé de fermer les vannes en amont. Même la méditerranée n’échappe pas à la tempête médiatique avec le problème chypriote toujours coupée en deux entre grecs et turques. Personne ne semble vouloir mettre de l’eau dans son raki. Enfin bref, fais pas bon être ministre des affaires étrangères ici.
La situation géopolitique à l’intérieur même du pays est loin d’être évidente surtout dans cette zone kurde que nous avons traversés. On ne parle pas de « kurdistan » s’il vous plaît excepté au kurdistan. Un conflit meurtrier qui court depuis 1984. De nombreux affrontement ont eu lieu entre l’armée et le PKK (parti indépendantiste kurde) le jour même de notre sortie du territoire. Pas évident pour les kurdes qui revendiquent leur territoire sur 4 pays (Turquie, Iran, Irak et Syrie… sont pas arrivés les gonz). Cette partie de la région subit en partie l’âpreté du gouvernement. Une des perles touristiques de la région, Hasankeyf, est condamnée à disparaître sous les eaux (le fameux barrage qui va inonder toute une vallée agricole et 37 villages). Pour aider l’agriculture. A ouais !! Bien vu !! Il faut dire l’environnement, on s’en steak ici mais à un point. J’ai failli perdre le Benjo plusieurs fois. Il a frôlé l’arrêt cardiaque. Il n’est pas arrivé le pauvre. J’essaye de le préparer mentalement à l’usine à charbon qu’est la Chine.

Un qui doit se retourner dans sa tombe c’est Atatürk. On vous le glisse régulièrement dans les posts. Mustapha Kemal dont on a visité l’immense complexe consacré à sa vie et son œuvre, à Ankara. De 1920 jusqu’à sa mort en 1938, il a fédéré les différentes régions entre elles, il a libéré le pays des puissances étrangères puis a réalisé un nombre incalculable de réformes, au premier de laquelle la laïcisation. Il a interdit le port du voile, à donner le droit de vote aux femmes (bien avant la France), libéré la presse, reformé l’éducation… aujourd’hui on ne peut pas faire vingt mètres sans voir son portrait ou son nom quelque part : photos dans les compagnies de bus, les coiffeurs, chez les gens, dans les voitures ; nom d’un rond point, de la place centrale, statues de partout… Le pauvre, le pays file un mauvais coton et tout le monde, aux premiers desquels les politiques actuels, se servent de son image pour se légitimer. Les absents ont toujours tort… ou raison, c’est au choix.
Bon on sait, on est conscient que c’est un portrait rapide et quelque peu partisan. Mais on retiendra l’essentiel : qu’on est restés plus longtemps que prévus car la Turquie est un pays passionnant. Toutes les régions que l’on a traversées nous laisseront de supers souvenirs, soit en raison de la beauté des sites, soit en raison des personnes avec qui nous étions. Et mieux, parfois, il y avait les deux à la fois !
Alors un immense merci :
A Cécile et Servet avec qui nous avons ouverts notre repas turc. Au menu Mezzes et Rakeu.
A Nate le ricain pour sa pause donuts.
Aux deux parisiennes pour le trou normand.
A Buse pour avoir sublimé notre tablée.
A Cezmi et ses potes sympathisants du PKK d’avoir clôturé notre séjour par un des meilleurs petits déjeuners de notre vie.
A tous ceux qui sont furtivement venus nous serrer la paluche ou nous offrir le thé.

Direct Live (d'il y a dix jours) : On est dans le train pour l’Iran on discute avec des iraniennes, elles nous disent leur admiration pour la Turquie, pays de la liberté. Ca vous fixe le niveau de nos prochaines aventures.

A Van, en attendant le train, premier contact avec la jeunesse iranienne,
après une impro guitare-chant avec le loustic

Le frelon d’or de : La visite d’Ani, ancienne capitale de l’Armenistan, rivale d’alors de Constantinople. Ville désormais quasi déserte mais ambiance sublime.
La pompe à vélo : Depuis Mardin, ville kurde du sud-est de la Turquie, dans un paysage désertique pas encore vu jusqu’ici, s’imaginer qu’à 30 kilomètres de là se trouve la Syrie, où les massacres sont quotidiens…
Le fun de la semaine : Le nombre de fois où l’on nous demande « where are you from ? » et que l’on répond « Lyon ». Moment d’étonnement « where ? ». Repeat again « Lyon ». Toujours pas…  Ok on improvise « Olympic Lyon ». Ah ouais bien sûr. Et c’est parti : Karim Benzema, Franck Ribéry, quelques zizous, un Platini et surtout 2-3 ouh ha Cantona !! P…..n Lyon ! Quelle équipe !

Benjo en rêvait, Charpi l’a fait

3 commentaires:

  1. Haha:
    -"Et alors vous venez de quelle ville?"
    -Charpi: "Bah moi je suis né à Lyon..." !! :)

    En tout cas merci pour cette analyse de la condition féminine en Turquie! Même s'ils sont très accueillants et chaleureux, c'est pas encore complètement gagné pour nous les femmes... et ça m'intrigue vraiment de savoir comment les gens auraient réagi si on était venues avec vous en Iran!

    Profitez bien et prenez soin de vous!

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  2. Ecologie, féminisme, géopolitique, ces posts sont riches d'informations! De vrais petits journalistes, merci pour ces témoignages en direct les bonhommes! C'est vraiment agréable de vous lire, c'est fluide, instructif et plein d'émotions. Je suis impatient de lire les carnets que vous noircissez secrètement...

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  3. Merci à vous tous pour ces encouragements. Pour les carnets... ça ne sera révéler qu'à notre "trépassement"

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