Un post stone complètement Stones
En voyage, j’aime
bien prendre un bouquin ou deux à feuilleter quand l’envie m’en prend. Sur une
plage, en attendant un döner ou encore dans un bus non pourvu de TV. J’aime
également quand je ne choisis pas ces livres de voyage. Je n’ai pas choisi
l’autobiographie Life de Keith
Richards (« Keef »), le guitariste des Rolling Stones, et je ne le regrette pas. Je ne l’aurais peut-être
jamais lue si elle n’avait pas atterri un peu par hasard entre mes mains (merci Gui Roux quand-même). Quoi qu’il
en soit je l’ai dévorée ; le Benj’ aussi d’ailleurs. Nous avons été gentiment
bouleversés par le déroulement de sa vie : les rencontres, les anecdotes,
les flamboyances et les désastres. Bref, nous nous battions littéralement pour
lire cette tranche de life telles des
groupies à bout de souffle. Nous voulions donc vous faire ressortir quelques réflexions
tirées de cette œuvre déjà légendaire.
Lancez y donc un Can’t you hear me knocking tiré de l’album Sticky fingers, 1971.
Bien entendu les
« musicos » du monde entier s’y reconnaîtront un peu plus. Ça parle
d’instruments, de rock and roll… mais tous, vous pourrez un peu imaginer nos
états de transe quand nous plongions dans la lecture et de manque maintenant
que c’est fini… On espère que Mick Jagger prépare la riposte.
The Rolling Stones, vieux. De gauche à droite : Charlie Watts, Keith Richards, Mick Jagger et Ron Wood |
Keef évoquant ses débuts à la
guitare
« En 1959 […],
oui j’ai commencé par où tout bon guitariste se doit de commencer : par le
basique, la guitare acoustique et les boyaux. [ …]. C’est pareil pour
tout. Y compris si tu diriges un bordel. [ …]. C’était juste un moyen pour
parvenir à une fin : produire un son. [ …]. D’abord il faut maîtriser
cette saloperie d’instrument. Il faut dormir avec. Si t’as pas de nana sous la
main, tu couches avec ta guitare. Ça tombe bien, elle a la forme qu’il faut. »
==> Gimme shelter tirée de Letit bleed, 1969 (une composition initiale de Keef au moment où justement sa
nana est dans une baignoire avec Mick, il est seul… la tempête gronde dehors. It’s just a shot away…)
Keef sur l’origine du nom du
groupe
« Après avoir
calculé combien ça nous coûterait, Brian Jones (guitariste, membre des Rolling
Stones jusqu’en 1968, décédé un an plus tard) a appelé Jazz News, qui était une sorte de catalogue de tous les spectacles,
et a dit : « on fait un concert à…
- C’est quoi le nom de votre de votre
groupe ? ». On s’est regardé. « Ça » ? « La
chose » ? Attention, le compteur tourne. Muddy Waters à la
rescousse ! La première chanson sur son album Best Of s’intitule
« Rolling Stone ». La pochette est par terre. En désespoir de cause,
Brian, Mick et moi plongeons sans réfléchir : « les Rolling
Stones ». Waouh !! On
avait économisé six pence. »
==> I just want to makelove to you tirée
du premier album éponyme the Rolling
Stones, 1964. Les Stones ont
commencé par reprendre tous les standards de jazz et de blues à leur sauce,
leurs premiers albums ne comportent que très peu de composition originales. Ici
ils rendent hommage à Muddy Waters. Normal !
Séance de boulot avec Mick |
Keef et la première composition
des Stones
« L’histoire
selon laquelle, Andrew Oldham, producteur de l’époque, nous a enfermé un jour
dans la cuisine, à Willesden, et nous a dit : « allez, pondez un
morceau » n’est pas une légende, ça s’est vraiment passé comme ça […] J’imagine
que c’est parce que Mick et moi on trainait tout le temps ensemble à cette
époque. C’est comme ça qu’Andrew l’a expliqué par la suite : « j’ai
supposé que puisque Mick était capable d’écrire des cartes postales à Chrissie
Shrimpton, mannequin et actrice anglaise, et que Keef pouvait gratter une
guitare, ils devaient être fichus de composer des chansons ». Donc on a
passé toute la nuit dans cette cuisine de merde, et bon, on était les Rolling
Stones, quasiment les rois du blues, et on avait à manger, et on pouvait pisser
par la fenêtre ou dans l’évier, alors ce n’était pas la fin du monde. Et j’ai
dit à Mick : « écoute, si on veut sortir d’ici, on a intérêt à pondre
quelque chose ». Curiosité de l’histoire, c’est Marianne Faithfull qui a
enregistré en premier As tears go by
(notre première compo originale) et qui en a fait un hit quelques semaines à
peine après la scène dans la cuisine ».
==> As tears go by tirée de l’album December’s children and everybody’s,
1965. Profitez-en pour revoir le film Casablanca où elle apparaît dans la bande son.
Keef et le premier tube des
Rolling Stones
« Je l’ai écrit dans mon sommeil. Je ne
le savais pas moi-même, c’est mon petit enregistreur à cassette Philips qui me
l’a dit. Je ne sais pas ce qui m’a pris de vérifier la cassette ce matin-là,
elle était toute neuve, j’avais donc dû la glisser dedans la veille au soir, et
elle était à la fin. J’ai rembobiné et j’ai écouté « Satisfaction ». Ce n’était qu’une ébauche. Il y avait
la structure de la chanson et le son n’y était pas, bien sûr, parce que j’avais
utilisé une guitare acoustique. Après, on m’entendait ronfler pendant quarante
minutes. »
==> I can’t get no satisfaction tirée de
l’album out of our heads, 1965. Dire
que Keef ne voulait pas la sortir en single. Le riff est largement inspiré de dancing on the street de Martha and the
Vandellas sorti quelques semaines plus tôt
Keef, Mick et la compo chez les
Stones
« En ce temps
là, je définissais les riffs, les titres et l’accroche, et Mick se chargeait du
reste. Ça fonctionnait comme ça, essentiellement. On ne se torturait pas trop,
on n’avait pas besoin de méditer des plombes. Allez, l’histoire de celle-là
c’est : « j’ai connu une salope de première dans tel bled. » A
toi de jouer avec ça Mick. Je t’ai donné le riff de départ, baby. Pendant que
tu trouves, je vais essayer d’en pondre une autre. Et il sait écrire, le
Mick ! Donnes lui une idée et il t’en fera un roman. »
==> Under my thumb tirée de l’album Aftermath, 1966. Mysogines les
Stones ? nooonnn !!! à peine théâtraux.
Keef, son premier grand amour
Linda, et Jimi
« Et Linda Keith
a rencontré Jimi Hendrix. Elle l’a vue jouer et a fait de sa carrière une
croisade personnelle, essayant de lui trouver un contrat avec Andrew Oldham.
Elle m’a raconté que dans son enthousiasme, au cours d’une longue soirée passée
avec Jimi, elle lui a offert une Fender Stratocaster qu’elle a trouvé dans une
chambre d’hôtel. Et, toujours d’après ses dires, Linda aurait dégoté chez moi
une démo d’un single, chanté par Tim Rose, et l’aurait fait écouter à Jimi. Ça
fait partie de l’histoire du rock : Jimi aurait découvert Hey Joe grâce à moi. »
==> Miss you tirée de l’album some girls, 1978. Selon
Keef, Mick rentrait de boîte avec cette idée en tête. A part lui personne ne voulait
se mettre à faire de la m…..e disco. Ils ont quand même essayé et tous ont
produit le « meilleur titre disco du monde »
Keith et une de ses premières fans à gauche, Anita Pallenberg |
Keef et la musique blues
« J’ai oublié de
mentionner que, pour moi, jouer le blues était un moyen de m’évader de
l’alignement méticuleux des portées, avec leurs mesures comme autant de
barreaux de prison et leurs notes entassées derrière comme des détenus à la
mine triste »
==> Ventilator blues tirée l’album exile on the main street. Ça sent Chicago, le sud américain
et le delta du Mississipi.
Keef, réflexion sur le beat
« Nous avons
tous une manière élémentaire, primordiale, de réagir aux pulsations. Nous
existons sur un rythme de 72 battements par minute. Le train a certes
transporté le blues du Delta jusqu’à Detroit, mais il est surtout devenu un
élément crucial de l’inspiration des bluesmen à cause du rythme créé par la
machine et les rails – le train change de voie et le tempo change, mais le même
écho raisonne encore dans le corps humain. Dès qu’il y a une machine ou un
bourdonnement soutenu dans les parages, une musique existe déjà en nous.
L’organisme humain perçoit des rythmes même lorsqu’il n’y en a pas. Le rythme
doit être évoqué, pas imposé. C’est pour cette raison qu’on se goure quand on
dit Rock : c’est le Roll qui compte, pas le Rock. »
==> Midnight rambler tiré de l’album let it bleed. La chanson
évoquerait l’étrangleur de Boston, Albert de Salvo.
Keef à propos des enregistrements
sonores
« […], puis tu
rends grâce à Dieu pour les enregistrements. C’est la plus grande invention
depuis l’Ecriture. »
==> Sway tirée de l’album Sticky fingers. Composée par Mick
Taylor, le guitariste solo. Il n’est pas crédité. Tu parles, dejà à l’époque il
fallait que ça soit Mick et Keef. Personne d’autre. Résultat il quittera le
groupe en 1974.
Keef et l’art de la photographie
« Je trainais
pas mal avec un autre copain, Michael
Cooper, photographe génial. Il tenait le coup pendant des heures, c’était
incroyable ce qu’il pouvait ingurgiter comme came. C’est le seul photographe
que j’ai rencontré qui avait la tremblote – et pourtant il ne ratait pas
beaucoup de photo. « C’est quoi ton secret ? tu sucres les fraises,
ça devrait être totalement flou ». Et lui : « J’appuie toujours
au bon moment. »
==> Stray cat blues tirée de l’album Beggar’s banquet 1968. Avoir envie d’une
groupie, ça n’est pas un crime…
Rock & Roll / whysky & Coke |
Keef et la privation
« Une fois en
studio, je branchais le magnéto sur un petit baffle, devant laquelle je posais
un micro pour rajouter un peu de souffle et de profondeur, et c’était ça que
j’enregistrais. Street Figthting Man,
Jumpin’ Jack Flash et la moitié de Gimme
Shelter ont été réalisées comme ça, au magnéto à cassette. Il n’y a pas un
seul instrument électrique, sauf la basse que j’ai mixé ultérieurement. Rien
que de l’acoustique. Peu après cette période d’expérimentation, les magnétos à
cassette ont été équipés d’un limiteur qui t’empêchaient de saturer
l’enregistrement. Toujours la même chose : dès que tu t’éclates avec un
truc, on te met un cadenas dessus. »
==> Jumpin’Jack Flash tiré de l’album… ah
bah non en fait juste un single en 1968 mais quel single !! Riff original
du bassiste Bill Wyman qui n’a toujours pas digéré de ne pas être crédité.
Quant à l’ami Keef pour lui c’est le seul riff qu’il voudrait jouer en
permanence.
Keef et le vol en bandes
organisées
« Aujourd’hui,
ils ont un tunnel, avec des cabines de péage devant lesquelles le flot des
bagnoles de Douvres à Londres doit s’arrêter. Taxer les voyageurs est tout ce
qu’il ya de plus légal, et les racketteurs sont en uniforme. Dans un cas comme
dans l’autre vous êtes obligé de casquer ».
==> Parachute woman tirée de l’album
Beggar’s Banquet. Mick et ses exploits sportifs.
Keef, les Stones et leur exil en
France NDLR de Tour et
Détours : un truc de fous, ça a bien changé !
« Quand les
autorités nous ont matraqué avec leur super-méga-impôt. Je pense qu’ils
s’attendaient à tout sauf à ce qu’on dise : « Ok, on se tire. On va
se joindre à tous ceux qui ne vous paient pas ces sommes dingues. » On
n’avait pas envie de se faire dépouiller alors on a surenchérie et on s’est
cassé en France. Ce choix nous a hissé plus haut que jamais et a produit Exile on main street, peut-être le
meilleur disque des Stones. »
==> Shine a light tirée de l’album Exile on the main street. C’est
également le nom du film de Martin Scorsese réalisé sur les Stones en 2006.
Keef et l’héroïne
« Il y avait
alors une loi merveilleusement bizarre, dans le cadre du système de santé
public : si tu étais un junkie, tu t’enregistrais auprès de ton toubib, tu
devenais « officiellement » dépendant de l’héro et on te donnait des
petites pastilles de came pure, avec en rab, une petite ampoule d’eau distillée
pour te l’injecter. Evidemment, n’importe quel camé va doubler la dose dont il
a vraiment besoin. En même temps, que vous le vouliez ou non, il vous refilait
l’équivalent en cocaïne, selon la théorie que la coke annulerait l’effet de la
merde et ferait des junkies des membres respectables de la société. Alors les
camés revendaient la coke, bien entendu, cela leurs permettaient de payer leurs
loyers, et comme ils avaient gonflés leurs besoins en héro, ils avaient aussi
la moitié de leurs doses à refourguer. Fantastique plan ! Et c’est
seulement quand ce programme a été supprimé que la Grande-Bretagne a commencé à
avoir un véritable problème avec la drogue. »
==> Sister morphine tirée de l’album Sticky fingers. La mort de Brian Jones
et une overdose qui manque de les réunir concluent les Sixties de Marianne
Faithfull. Elle écrit et chante Sister
Morphine, mais le titre, jugé choquant, est rapidement retiré de la vente.
Par la suite, les Rolling Stones en feront un tube (le texte est plus
acceptable dans la bouche d'un homme) et le mérite de Marianne en cette
occasion ne sera reconnu que beaucoup plus tard et Faithfull aime à la chanter
sur scène et demander ensuite coquettement et avec assurance au public "je
la chante bien ?"
Keef et l’acide
« Il n’y a pas
grand-chose à dire sur l’acide, à part que c’est vraiment un trip incroyable.
Le truc le plus dingue dont je me souvienne sous acide c’est un vol d’oiseaux –
des oiseaux, des nuées d’oiseaux de paradis que je regardais passer et repasser
devant mes yeux, sauf qu’ils n’étaient pas là. C’est pour ça que ça ne m’étonne
pas que des gars sautent par la fenêtre : parce que tu as l’impression
d’avoir compris d’un coup comment on fait. »
==> Dead flowers tirée de l’album Sticky fingers. « L’héro » encore
présente dans cette composition.
The Rolling Stones, jeunes. De gauche à droite : Ian Stuart, Keith, Brian Jones, Charlie Watts, Mick, Bill Wyman |
Keef et l’art de la fête
« Je sais que
je me suis vraiment lâché au cours de certaines soirées, parce qu’on me l’a
dit, mais je ne me souviens de presque rien ! Une fête réussie c’est une
fête dont on ne garde aucun souvenir. « Comment, tu ne te souviens pas du
flingue, retourne le tapis, tu verras les trous dans le plancher,
mec ! » J’étais un peu honteux et confus. »
==> Pass the wine (Sophia Loren) tirée de
l’album Exile on the main street. Titre
on ne peut plus évocateur pour faire la fête.
Keef et la remarque déplacée de
Truman Capote
« Ca a chauffé.
Je me souviens d’avoir défoncé la porte de sa chambre à coup de latte. Je
l’avais préalablement aspergé de ketchup avec une bouteille que j’avais trouvé
sur un chariot. « Tu vas sortir de là, espèce de vieille tante ? Pour
qui tu te prends ? Tu veux du sang, tu vas en avoir, mais pas du
froid ! On est sur la route, ce que tu as à me dire, tu me le dis ici,
dans le couloir ! »
==> So divine (Aladdin story). Avec le
Benj’ on se regarde… mais c’est Paint it
black ?!… et puis ça retombe tout doux et c’est juste so divin.
Keef et l’art du couteau
« J’ai presque
toujours un couteau sur moi, ça m’est arrivé de m’en servir pour m’expliquer ou
me faire entendre. Les grandes règles du combat au couteau sont : ne
t’entraînes pas, et si t’as un couteau, c’est pour ne jamais t’en servir. Ça sert
à détourner l’attention. Pendant que ton adversaire regarde la lame d’acier
luisante, tu lui en balance un dans les burnes qui lui font voir les étoiles,
et il est à ta merci. Tu parles d’un conseil ! »
==> Wild horses tiré de l’album Sticky fingers. Une incroyable ballade à
l’origine écrite par keef pour la naissance de son fils Marlon. Puis réécrite
par Mick évoquant sa relation chaotique avec Marianne Faithfull.
Keef et l’art de la maïeutique
« Si vous
voulez tirer les vers du nez à quelqu’un, mon conseil est de le mettre sous
dope pendant un mois ou deux, puis de la lui enlever : il parlera. »
==> Soul Survivor(alternate take)
tirée de l’album exile on the main street,
1972. Celle-là a quelque chose de spécial, on ne pouvait pas y couper.
PS :
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