Istanbul : pile et face.
Pré-prologue : nous voila de retour après un long silence... C'est pas qu'on ne voulait pas c'est qu'on ne pouvait pas ! On s'excuse et ça ne se reproduira pas c'est promis. Oui bon, on verra.
Pré-prologue : nous voila de retour après un long silence... C'est pas qu'on ne voulait pas c'est qu'on ne pouvait pas ! On s'excuse et ça ne se reproduira pas c'est promis. Oui bon, on verra.
Prologue
Une écriture depuis
le bus en direction de Kas à l’extrême sud de la Turquie sur la côte
méditerranéenne (faites une petite halte pour enfin bien écrire ce mot et que
le correcteur cesse de s’allumer en vague rouge).
J’espère que le son
des Wailers va m’inspirer.
Depuis une quinzaine
(déjà !!!), nous naviguons en Turquie et comme nous avons passé la moitié
de ce temps à Istanbul (la capitale ? ^^). Il nous semblait sympa de
partager ces moments stambouliotes. Alors redressez vos sièges ! Serrez
votre ceinture ! Décollage immédiat
vers la « ville des villes » ou la « nouvelle Rome » (au
choix).
Comme vous l’avez
remarqué (ou pas), j’aime bien commencer par mes représentations (joli euphémisme
pour citer mes a priori… et Allah sait que j’en ai une quantité mais je bosse
dessus).
Istanbul, pour moi
c’est aussi Byzance et Constantinople (pour les grecs encore d’ailleurs…
Konstantinopoulos), c’est Sainte-Sophie surtout. C’est des images plein la tête
de récits de pèlerins, d’ambassadeurs, de voyageurs,… Ca sent bon les épices
qui circulent sur les routes du lointain Orient. Istanbul ? Un de ces
endroits de la planète surconvoité pour ses richesses, son faste, sa situation
exceptionnelle entre les mers noire et méditerranée. Son rôle historique de
pont entre l’Occident et l’Orient, entre l’Europe et l’Asie. Enjeu de luttes
acharnées entre temporel et spirituel. Encore aujourd’hui. On y reviendra. Et
puis le mythe du coucher sur le Bosphore. Tellement présent que je me rappelle
que même James Bond s’emballe une minette en lui sortant cette niaiserie. James
Bond… c’est pas rien…
Alors on arrive avec ça
dans la tête. La réalité est « mosaïcale ». Des choses se vérifient,
d’autres non. En fait ce qui vous occupe l’esprit avec Istanbul c’est de
déterminer le qualificatif que vous mettriez derrière : infernale ou
enchanteresse. Les deux mon capitaine. Une ville, pardon des villes (on en
reparlera) dont l’on tombe amoureux et que l’on déteste en même temps.
Je suis tombé
amoureux d’Istanbul dès les premières secondes de notre arrivée dans une des Otogar de la périphérie… une agitation…
un bazar (dèjà) organisé et puis la traversée nocturne de la ville dans une
boîte à sardine appelé Dolmus (prononcé
Dolmouss), assis parterre à côté du pilote à flotter dans l’air avec en vue la
mosquée bleue, Sainte-Sophie et la mosquée de Soliman jouant des coudes avec
les nombreux immeubles éclairés comme autant de feux d’alerte. Bienvenue à
Istanbul où se mêlent tradition et modernisme.
Quelle taille !!
Paris à côté ? Un village ! Depuis l’Otogar jusqu’à Taksim (un des
centres modernes, le plus fameux) 45 minutes de « sardines bus ». Et
encore 30 minutes de métro avant de rejoindre notre premier logement situé au
terminus de la rame au nord d’Istanbul (terminée l’année dernière). L’étendue
d’Istanbul est monstrueuse. Une pieuvre qui étend ses tentacules sur plusieurs
dizaines de km dans toutes les directions possibles. Ce n’est pas sans poser de
gros problèmes d’urbanisme avec ses conséquences quasi immédiates en termes de
trafic, de pollution et de surpopulation (en 1960 il y a 1 million de personnes,
aujourd’hui entre 14 et 19. Personne ne sait vraiment. L’exode rural a sa part
dans les statistiques. En comparaison la Turquie c’est 70 millions de personnes
et 1 fois et demi plus grand que la France. C’est vous dire la densité de la
cité).
Ah vous pensiez que
la ville qui dormait jamais c’était « big apple », tiens ! Viens
donc à Istanbul ! Des embouteillages à toute heure même le week-end. Le
trafic sur les ponts Atatürk et Galata qui relient rive européenne et
anatolienne (ici on ne dit pas asiatique) le prouvent. C’est aussi une ville
très musicale qui offre des concerts gratuits de klaxons à chaque coin de rue.
Programmation un peu répétitive et stressante. Heureusement les entractes nous offrent
5 fois par jour le groupe mosquée et son leader DJ Muezzin avec son tube
ancestral « Appel à la prière ».
Une véritable porte
de communication entre l’Occident et l’Orient, c’est le projet de fond voulu
par ses « premiers » fondateurs (un dénommé Byzas et surtout
Constantin, premier empereur romain à se faire baptiser et à faire de sa ville
la capitale du futur empire romain d’Orient… le mélange des genres déjà). Et
cette vision est bien réelle quant on aperçoit l’architecture des ponts. Mais
on passe finalement peu d’un côté et de l’autre. Certes ça communique mais ils
ne s’aventurent guère dans d’autres territoires à part ceux où ils résident. On
trouve tout sur place, dans son quartier ; alors pourquoi aller de l’autre
côté du « chemin de fer ». Chaque quartier est une miniville d’où
certains ne sortent quasi jamais. Un polycentrisme hallucinant. Cet aspect
urbain te propose des différences entre secteurs assez frappantes.
Certains très
traditionnels (y compris le centre historique, Sultanahmet) : ici il faut
savoir où acheter de l’alcool. Dans les bus, accroche-toi pour trouver un homme
et une femme assis l’un à côté de l’autre. Pas de tabacs, pas de lingerie fine
à part sur les cheveux. Les hommes sont vêtus stricts et puis pas un touriste à
l’horizon à part deux loufoques un peu paumés. D’autres secteurs (Beyöglu,
Taksim ou encore Kadiköy côté anatolien) sont culturellement très proches de
quartiers parisiens ou londoniens : un monde grouillant, une sorte de
melting-pot dopé au « Sephora starbucké », on est coquet à souhait y
compris chez les femmes voilées.
Alors au début tu ne
vois pas tout ça, tu restes assez bluffé par l’apparente mixité culturelle qui
règne à Istanbul. Mais les nombreuses conversations avec les locaux te font
relativiser pas mal de choses. Depuis de nombreuses années la Turquie change et
pas forcément dans la bonne direction. La pression gouvernementale pour imposer
un voile (religieux) sur toutes les affaires du pays se fait de plus en plus
sentir. Par exemple à Taksim et Beyöglu il a été interdit aux restaurants et
bars de sortir les tables en terrasse officiellement pour ne pas entraver la
circulation, officieusement… vous avez déjà deviné. Quoi !! Pardon je n’ai
pas compris tu protestes ?! Et bien vas donc rejoindre tes pairs
journaleux et autres en prison.
Après tout, côté
censure en Turquie on en connaît un rayon. Résultat quand tu achètes ton canard
t’as plutôt intérêt à t’intéresser au football et à supporter un des trois
clubs de la capitale (Fenerbahce – le chelsea local ; Galatasaray – pour
les bobos estudiantins ou alors Le Besiktas des populeux, dockers de père en
fils).
A cette longue et
pernicieuse descente vers un peu plus de charia dans une société laïque (mise
en place par Mustafa Kemal à partir des années 1920), les détracteurs ont peu
d’impact. Et quand ils sont un tant soit peu médiatique la réaction est
immédiate et souvent brutale (demandez un peu au prix Nobel de littérature Orhan
Pamuk). Les grèves se font rares, le 1er mai est une journée où il
faut mieux rester chez soi. L’exploitation de la loi pour glisser de nouveaux
dogmes s’accélère depuis cinq ans. Le parti islamiste modéré d’Erdögan joue
avec la loi en fonction de ses convictions.
La question du voile
en est un des exemples les plus flagrants (ce dernier a fait sa rentrée
universitaire sous couvert de démocratiser l’enseignement – les filles voilées
n’avaient pas accès aux études supérieures). Une loi interdisant de critiquer
la « bonne morale » est dans les tuyaux. Autrefois la censure ne frappait
durement « que » les attaques envers Atatürk et la République. L’homosexualité reste plus qu’un
« taboo » en Turquie. La loi ne la rend pas illégale mais elle ne la
protège pas non plus (les comportements discriminatoires étant légion).
Le BTP religieux se
porte bien. Soutenu financièrement par l’Etat, les mosquées fleurissent y
compris dans le tréfonds des campagnes. Reste à convertir les abeilles. 98% de
la population est musulmane mais en cette période de ramadan on voit bien que
les pratiques religieuses sont aléatoires. Ah ! Au fait ! Non ! Pour
tous ceux et celles qui se posent cette question fondamentale, les gens ne
s’arrêtent pas de vivre cinq fois par jour en sortant une carpette « made
in Turkey » en direction de la Mecque.
Une grande part de la
population « accepte » ses changements car ils se font en douceur et
surtout parce que l’économie nationale est relativement bien portante. Du pain et
des jeux pour le peuple et tu pourras faire ce que tu veux mon fils. Le
Gouvernement Erdögan est populaire. Mais encore une fois c’est l’arbre qui
cache la forêt. Certes l’autosuffisance alimentaire est assurée : 35% de
la population active est agricole et cela donne 12% au PIB. Mais il n’est pas
rare de voir un nombre croissant de crève-la-faim dans les rues stambouliotes,
des gamins souvent. Les migrants ruraux venus chercher une meilleure vie
gonflent la population des secteurs les plus pauvres de la ville, les écarts de
richesse scinde de plus en plus la population.
Ah ça y va les critiques ! Mais la banane est toujours bien accrochée, no soucy |
Trois projets de
centrales nucléaires sont en cours (trio gagnant Russie-Chine et Canada ;
pas d’Areva… Erdögan nous a renvoyé dans les 22 quand le brassard était tenu
par l’écolo Sarko). C’est cool pour produire du PIB à court terme et être
autosuffisant énergétiquement (quoique). Par contre l’environnement, we don’t
give a steak !! Côté pollution Istanbul tient le haut du pavé. Lieu
privilégié des pollueurs en tout genre : la mer de Marmara et le Bosphore.
Ce qui n’empêche pas
la cité d’avoir son lot de pêcheurs tout style et âge confondus et à toute
heure de la journée (se faire une petite ligne après le boulot est très
répandu). On consomme sa pêche dans un sandwich (une des spécialités ici)
accompagné de quelques végétaux baignant dans le vinaigre. On pique une tête en
espérant voir un des derniers dauphins survivants tant bien que mal (un peu
comme les minots cités ci-dessus).
Officiellement le
taux de chômage est proche de celui de la France. Le nombre de petits boulots
moins. En effet, partout on peut rencontrer des vendeurs ambulants. On trouve
de tout et à tous les prix. Je ne parle pas des « bazars » pour
touristes où les tauliers annoncent la couleur « Hey ! My friend ! How can i help you
to spend your money ? ». Mais plutôt des rues annexes, cachées,
qui sont véritablement les bazars stambouliotes et où toute une économie plus
ou moins informelle trépigne (pour les consuméristes en herbe c’est ici que se
trouve La Vraie Affaire et la pratique du marchandage est élevée au rang d’art).
L’inflation est
parfois déroutante (40 centimes pour un jus d’orange pressé, 13 euros pour
visiter Sainte-Sophie), notre guide touristique est totalement à la rue
seulement trois ans après. Un Etat qui se veut moraliste mais où la corruption
est présente à tous les étages (notre logeuse à Istanbul nous en même raconté
une croustillante à ce sujet, du vécu).
Clairement passer un
séjour ou vivre à Istanbul est une expérience intense un peu comme un bain
turc. Alors tu cherches quelques moments de plénitude : une remontée du
Bosphore ; Un (plusieurs) thé(s) (2ème consommateur de thé
derrière la « perfide Albion »)
lors d’une partie de Backgammon (un des rares sports pratiqués avec assiduité).
Tu apprends à lire dans le marc d’un café turc. Tu t’offres un repas de « mezzes » (sortes de tapas
turcs) accompagné d’un verre de « Raki »
(prononcé « Rakeu », c’est l’anisette locale).
Pour un gourmand
comme moi, la Turquie c’est dangereux tu t’arrêterais jamais de
grignoter toutes sortes de petites pâtisseries, des fruits secs et des « döners » (le vrai nom pour
nos « Kebab » ici on
dit « Kebap » et
c’est un autre plat). Et on voit qu’ils aiment bien manger les turcs et tout
comme eux vous devez frôler l’indigestion après ce long post. Donc je vous
laisse digérer tout ça tranquillement. En vous disant à bientôt si vous le
voulez bien. D’autres nouvelles anatoliennes vous attendent…
Epilogue
Le coucher sur le
Bosphore est de plus en plus incroyable sans oublier qu’il est aussi du au
nombre sans cesse croissant de particules de pollution rejetées dans
l’atmosphère ; Quant l’esthétique et la morale se rencontrent… Istanbul en
est une des illustrations les plus éblouissantes.
Charpi
POST SCRIPTUM
PS de décharge de responsabilité.
Certain(es) me diront d’y regarder à deux fois quand j’exprime des jugements de
valeur dans ce post. Primo ce n’est qu’un blog et c’est notre blog na !
Donc on dit ce qu’on veut ! Deuxio nous sommes conscients que notre pays,
présenté comme le champion des droits et des libertés, est très loin mais alors
très loin d’être candide. Tertio, on parle de la Turquie contemporaine et on
voulait juste vous donner un bref aperçu des changements en cours. Mais sans
nul doute, la meilleure manière de se forger sa propre opinion est de venir sur
place et de croiser un maximum de sources pour en sortir quelques évidences.
Le fun : Après un
repas absolument délicieux, je voulais une nouvelle fois montrer ma
reconnaissance au patron non pas en anglais mais avec nos quelques mots de
turcs glanés ici et là. Alors je me lance « çok
güselsin ». Là le patron, ancien tenancier d’un bar hard-rock, boule à
z, percé et tatoué comme il se doit me montre toute sa désapprobation teintée
d’un regard mi-méchant mi-surpris. Nos logeurs sont morts de rire et expliquent
à ce dernier que je voulais simplement dire « çok
güsel ». Traduction « çok
güselsin » tu es très belle - « çok
güsel » c’était très bon. On a
finit dans une cave à bière locale avec concert de métal en fond sonore. Le
deuxième groupe nous a déçus… seulement 215 décibels…
Le frelon d’or : marcher
et se perdre dans Istanbul que tous nos sens soient en éveil.
La pompe à vélo : l’indicible
glissade de la société turque dans un conservatisme dogmatique. Le tout
orchestré par les gouvernements successifs et ce depuis 30 ans.
Bon, on voit bien dans les posts que Charpi est heureux, puis que Benjo est heureux, mais tous les deux, comment ça se passe? Il n'y a pas quelques anecdotes croustillantes de ce côté là aussi?
RépondreSupprimerBien vu Manu c'est pour le prochain post ! Peux-tu d'ailleurs nous donner le sujet du suivant suivant, toi qui devines tout en avance... On a croisé une jeune Amandine hier, la même !!
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