Visa.con : ambrassades et conspulats
Visa.con ou
paperasse.con ou emmerdements.con c’est selon. Vous pouvez substituer le .con
par .ouzbekistan .turkmenistan .china voire .france pour les iraniens.
Fini Schengen, fini
la Turquie accueillante, « bien » venu en Asie ! Dans tous ces
pays, il faut payer un droit de passage et parfois cela ne suffit pas. Pas
moyen d’entrer au Pakistan ou en Afghanistan par la voie diplomatique
habituelle. Donc, du floose pour ces
pays mais aussi de la paperasse en veux-tu en voila. Paradoxal, ces pays requièrent
des visas pour qu’on entre alors que personne ne veux y aller. Y aurait-il plus
de touristes s’il n’y avait pas de visa ?
Un visa c’est un
beau papier sur le passeport avec le tampon du pays d’accueil et les dates
d’entrées et sorties. Le seul point positif pour nous, voyageur, c’est le
souvenir sur le passeport. Franchement, on aurait pu faire sans ces souvenirs.
On galère pour
quelques papiers, mais on a déjà la chance de pouvoir voyager. Pendant ces
pertes de temps interminables, on pense à nos potes iraniens dont l’Europe et
d’autres pays ferment les frontières…
Pour quasiment tous
les pays il faut une lettre de recommandation de l’ambassade de France avec
cirage de pompe en bonne et due forme pour le pays quémandé. Soit. Néanmoins,
quand vous reviendrez dans le coin, n’hésitez pas à en faire des fausses, c’est
ce que firent un anglais et un espagnol que nous avons croisés, ils passeront
donc par l’Afghanistan.
Notre projet
initial était donc d’arriver en Iran, ça c’est fait, puis de monter au nord via
le Turkménistan, l’Ouzbékistan… pour arriver en Chine puis l’Asie du Sud-est. A
Tehran, capitale régionale voire mondiale, on peut faire les démarches pour
nombre de ces pays donc on s’est lancés. D’abord, consulter les sites internet
officiels mais surtout les forums et blogs sur le sujet (mais avec la vitesse
du web ici, ce n’est pas la panacée) ; puis téléphoner dans les
ambassades pour confirmation (et donc bosser son russe pour l’Asie
centrale) ; et enfin se rendre sur place.
Le visa de l’Iran
est bien le plus simple à avoir : deux heures de temps à Trabzon, en
Turquie.
Par contre, on a du
faire 7-8 allers-retours aux ambassades d’Ouzbékistan et Chine, qui sont à
côté. Il manque toujours un truc. D’abord, trouver un taxi pour y aller. Pas un
ne connaît le quartier et ne parle anglais. Puis, arriver entre 9h et 11h, ce
qui fait une fenêtre de tir relativement courte. Enfin, avoir les
papiers : copies des passeports, des visas iraniens, photos de bonne
taille (différente selon les pays), lettre de l’ambassade de France,
« application form » à imprimer sur internet,… ça parait simple à
première vue mais ça ne l’est vraiment pas. Ne pas oublier de prendre avec soi
sa patience et ses meilleurs sourires diplomatiques.
Exemple pour la
Chine. On y va une première fois, on a de la chance, Charpi double toute la
file d’attente pour demander les papiers requis (sans rien demander mais le soldat
aime sa tête de blond et son k-way bleu fluo). La paperasse habituelle, ainsi qu’un
aller/retour en avion ! Bon, on en fait un fake dans une agence de voyage (pour vous dire à quel point c’est
de l’onanisme diplomatique), on revient trois semaines plus tard (entre temps
on a voyagé), et l’ambassade est exceptionnellement fermée. Ma foi, on revient
le lendemain, tout heureux avec nos paplars, on trouve la guichetière qui parle
anglais, plutôt bien il faut le dire, et elle nous annonce qu’il faut désormais
une résidence en Iran ou posséder un passeport local pour demander un visa
chinois ! Rrrrrhhhhh t’es bien mignonne mais on est touristes
français ! Rien à faire… pas de visa chinois depuis Tehran, espérons que
ce ne soit pas les mêmes obligations dans les pays suivants.
Les visas c'est le bordel, faut en vouloir |
Pour l’Ouzbékistan,
on fait à chaque fois la queue avec les agences de camionneurs… on a deux
passeports et 150$ ; ils en ont des dizaines… et donc des milliers, en
grosses coupures. Pour avoir écrit sur l’ « application form »
que j’avais bossé dans la sécurité, il nous a fallu maintes courbades pour leur
démontrer que je n’allais pas poser un problème de sécurité dans leur pays. Chaque mot est important. Ok maintenant je
serai ostréiculteur.
Pour le Turkménistan,
on ne peut avoir qu’un visa de transit (3 ou 5 jours on verra). En arrivant à
l’ambassade, on remarque tout de suite ce chaleureux accueil qui semble
caractériser le gouvernement. Même nos potes Khameni et Khomeni paraissent
sympathiques à côté de ce gars, un remède contre l’amour (de son pays en
l’occurrence). Pas moyen de demander une once d’effort, on aura nos visas le 30
octobre pour passer la frontière le 1er novembre. Alors que le visa
iranien se termine le 30… le pouvoir diplomatique a parlé, on la ferme.
THE news of the
week, ce sont nos amis kirghizes qui ont supprimé les visas d’entrées il y a
trois mois pour quelques pays dont le nôtre. Si ça vous dit un petit
aller-retour Paris - Bichkek, la voie est libre.
Avec Charpi
l’itinéraire initial nous emmenait dans ces pays d’Asie Centrale. Mais. Mais
par « chance », un français attendant avec nous devant l’ambassade
d’Ouzbékistan nous avait parlé d’un « passeur » pour le Pakistan, un
gars qui peut nous avoir des visas au black, car c’est impossible pour nous
français de l’avoir par la voie diplomatique habituelle. Arf, why not se dit-on.
Puis le lendemain on croise ce gars « par hasard » (ça commence à
faire beaucoup de guillemets vous ne trouvez pas ?) au bazar de
Tehran : il peut nous avoir des visas, par un pote qui bosse à
l’ambassade.
Petit à petit on se
fait à l’idée, pourquoi ne pas passer par cette route, on courra un peu moins
qu’au Nord, on traversera l’Inde du sud puis la Birmanie, ça semble sympa. On
croise un français à Esfahan, il est resté six semaines au Pakistan, a adoré ce
pays, et il nous décharge d’une bonne partie de nos doutes sur la sécurité dans
le pays.
En rentrant à
Tehran on recontacte Ali le passeur dans le bazar. Le contact est bon, on est
sur nos gardes mais on prend confiance. La première fois il nous déconseille
carrément d’aller dans ce pays, trop dangereux. Soit. On le recroise deux trois
fois pour parler affaires. Et là messieurs dames et mesdames on a affaire au
plus grand arnacteur de tous les
temps : à côté de cela Di Caprio est marchand de tapis, Audrey Hepburn est
caissière à Mammouth et Christophe Maé est... Christophe Maé (oui ça n’a rien à voir
mais tant pis, c’est gratuit).
Allez, on plonge,
mais surtout on ne regarde pas plus si la piscine est remplie d’eau ou d’huile
de vidange. On lui file 200 $ et tous les documents nécessaires (il voulait la
totalité pour les visas d’Inde et Pakistan, soit le double, vous voyez on n’est
pas si crédule^^). On se rend compte assez rapidement de l’arnaque car il est
injoignable… dans le fion !! Ca nous apprendra à faire goozgooz nakom baba (« les
malins », oui je me la raconte en farsi).
Sympa ce visa... mais ce n'est pas le notre |
Soit, on est bien
dégoutés. Déjà pour les 200 $ mais surtout pour la route du Sud. Perso j’ai
vraiment la mort contre ce gars et contre nous. Mais on n’a pas grand-chose à
se reprocher sur l’impression que nous a faite le gars. Si on le retrouve, on
le présente à la Warner ou à Hazanivicius. En même temps c’est son job
d’arnaquer le touriste, il se doit d’être compétent. Félicitations mon
gars !
Néanmoins il a fait
une erreur ce bougre de charlatan. Dans une de nos nombreuses balades dans le
bazar, il nous a fait prendre un thé chez un « ami », vendeur de
chaussures.
Charpi qui commence
à me connaître sait que dans ces moments où ça monte, faut juste pas me parler,
il passe le message aux potes iraniens. Le jour même, ce dimanche, je décide
donc de filer seul au bazar avec je ne sais quel espoir. Je reste une
demi-heure à la sortie du métro à essayer d’apercevoir Ali mais autant chercher
un américain en Iran. Je file par désespoir de cause voir le marchand de
godasse, Hamid, le fameux « ami ».
Et là plutôt bonne
surprise, il est à mon écoute et me supporte (et parle un peu anglais !).
Bon, avant toute discussion, il me fait fumer la shisha et boire le thé (il a aussi un shisha-shop). Il me dit qu’il va m’aider. Il est désolé pour moi
mais regrette surtout l’image que cela donne à son pays qui n’est déjà pas au
mieux sur la scène internationale. Il appelle deux trois gars du bazar, ça
défile sous la pipette, tous sont désolés pour moi. Le temps passe, on fume, il
téléphone, il me parle du pays, on boit, on regarde du foot à la télé, on boit,
on fume, la salle ressemble de plus en plus à un aquarium… On sort, ouf !
Malgré sa taille
gigantesque, tout le monde se connaît au bazar. Là, deux trois autres amis
d’Hamid et connaissances d’Ahad (et non plus Ali, le faux nom du faux passeur)
s’énervent après l’arnacteur. Un
petit vieux tout rabougris « s’il repasse par là je lui mets une
droite » me mime-t-il. Hamid fait débarquer le frérot d’Ahad. Ça ne rigole
plus, on est dans le magasin de chaussures, du monde tout autour, c’est la
foire, ça tracte et je ne comprends pas grand-chose. Après des coups de fils,
des gars qui vont et viennent, Hamid me dit que l’arnacteur rapportera le pognon ce lundi. Yeahhhhhh Aaliye
(« c’est bon ça », en farsi) !
Je reviens le
lendemain, évidemment rien du tout. Shisha
et thés quand-même. Hamid me conseille d’appeler les flics. Alors oui, pourquoi
pas avoir à faire avec la police du pays qui a le record d’exécution par
habitants depuis des années, mais il faut savoir aussi qu’on est en tort dans
cette affaire ! Les visas au black ce n’est pas recommandé parait-il.
Ok, après acquiescement
de notre hôte Grogol par téléphone, on décide d’appeler les flics. Au pire je
feindrai la naïveté devant un gars qui proposait des visas, tout simplement.
Moi aussi je peux faire mon acteur ! Je n’en n’aurai pas besoin. Le flic
arrive en moto, armé mais pas trop. On est dans le magasin de shoes qui se trouve à l’angle d’une des
plus grosses entrées, et qui est l’entrée des marchandises aussi. Hamid lui
raconte l’histoire, il prend des notes, il boit le thé. Mais pas la shisha
faut pas abuser.
« Here the
police is very good you know » Oui oui Hamid t’es bien gentil de m’aider
je ne vais pas te contredire.
Ma deposition : c'est clair non ?! |
Je suis assis, les
deux discutent debout dans ces 5m² où passent les clients, les voisins, les
potes : le bordel quoi ! Au beau milieu des débats, Hamid remonte la
fermeture éclaire de la veste du flic qui ne réagit pas, normal ! Vers la
fin, Hamid lui tape un morceau de grosse bise baveuse dans le cou !
Heureusement je suis déjà assis. Mais c’est pas fini, le flic prend une brosse
et s’astique les pompes. Je suis mort de rire intérieurement, c’est un gag
cette histoire ! Après ça il me lance (alors qu’il ne m’a pas adressé la
parole jusque là) :
« Doumash ?! »
Moi, interloqué et
en regardant Hamid : « Quoi, ké qui dit ? »
Le flic,
encore : « Doumash, Doumash ?! »
Moi :
« Chi ? Bebarshid, ne mifahmam » (quoi ? désolé je ne
comprends pas »)
Le flic :
« Alexand Doumash ?! »
AHHHHHHH d’accord,
Alexandre Dumas !!! Puis il me débite tout son amour de la littérature
française, avec un accent à faire pâlir tout tourangeau qui se respecte :
Victor Hugo, Emile Zola, Voltaire… et le plus célèbre d’entre eux Zinedine
Zidane, ah oui quand-même faut pas déconner trop longtemps. J’ai de la
« chance » je suis tombé sur un flic francophile.
Le flic :
« Et la police, elle est bien en France ? »
Et là je lui
rétorque un peu hâtivement : « Ca dépend ». Aie, je sens que ça
l’irrite, il attendait une autre réponse. Faisant référence au même prof’
d’hypocrisie contemporaine que Mat’, je luis lance « mais avec moi ça va
il n’y a pas de problème ». Le voila rassuré.
On signe une
« déposition » : un double sera transmis au frère d’Ahad l’arnacteur. S’il ne ramène pas l’argent
dans les deux jours, la Police ira le voir chez lui. Ça sent plutôt bon.
Quatre jours après,
les flics n’arrivent pas à le trouver… ça sent le roussi cette histoire.
Je suis retourné
plusieurs fois au bazar dans la semaine, et sur le chemin entre le métro et le
magasin de shoes (et de shisha-thés, encore !!!!!!), je ne fais pas
plus le malin que ça, je suis quand-même au milieu du bazar de Tehran, un
« mafieu » comme les gars l’appellent ici, est recherché par les
flics par ma faute… Un gars va-t-il m’attraper dans le dos ? Un autre
va-t-sortir d’un magasin ? Vais-je prendre un coup-bas par un gars que je
croise dans ces embouteillages humains... ? Y’a peu de risques mais je
n’évolue pas à domicile, donc je ne fais pas trop le fier et je reste sur mes
gardes.
Le bazar c’est
hallucinant en tant que touriste, ça grouille de partout, on en prend pleins
les yeux. Mais pour commencer à le fréquenter un peu comme un téhéranais, je
ressens beaucoup plus cette oppression incessante, un milieu ultra masculin (au
moins pour cette partie du bazar). A côté de gens tranquillou comme Hamid qui
enchainent les shisha-thés, les
transporteurs de marchandises sur chariots supers tendus. Mélange particulier
où les premiers calment les seconds qui s’énervent entre eux pour un rien. La
violence est latente avec ces allées et venues incessantes de marchandises dans
un espace hyper réduit, et parfois elle éclate.
J’en profite quand
même pour taper la discut’ avec le frérot de François Hollande qui passe par
là : « Bon le frangin en France, il galère ou bien ? ».
Bien ou bien ? |
On verra bien si
l’on récupère l’argent. Ce n’est pas le plus important. On veut surtout qu’il
ne recommence pas avec d’autres couillons, ce serait déjà pas mal. On est
surtout déçu de ne pas passer au Pakistan et Inde, on s’y était fait. Et on va
devoir courir un peu car on doit être dans moins de deux mois en Thaïlande (on
ne dira pas pour quoi et pour qui^^). Cerise sur le gâteau, on a renvoyé nos
duvets (et Charpi, sa doudoune) en France car on pensait ne plus en avoir
besoin jusqu’en Amérique du Sud ! On va se les geler !
Mais don’t worry,
ça va être énorme aussi cette aventure en Asie Centrale et Chine. De toute
façon, du temps qu’on découvre des choses... On devrait être servis.
Frelon d’or : Bon voyage en
France Grogol ! Si tu passes par la région lyonnaise…
Pompe à vélo : L’autre jour
Mahdi appelle Mat’ « Viens voir sur mon balcon, vite », Mat’
interloqué se précipite. Tout ému, à regarder le ciel, « incroyable, des
étoiles ! ». Il habite là depuis belle lurette, c’est la première fois qu’il
en voit… pollution quand tu nous tiens.
Le fun : Après le
CouchHôtel en Turquie avec Samia et Lise, « Viens chez moi j’habite chez
une copine » : on a enfin réussi à virer notre logeuse !
Tranquille, on a l’appart à Tehran, si ça vous dit de nous rendre visite.
Benjo
PS Musical de Benjo : I’ll see you in my dreams, de Django Reinhardt
PS Musical de Charpi : Elevation of love, Esbjorn Svensson Trio