27 oct. 2012



Visa.con : ambrassades et conspulats


Visa.con ou paperasse.con ou emmerdements.con c’est selon. Vous pouvez substituer le .con par .ouzbekistan .turkmenistan .china voire .france pour les iraniens.
Fini Schengen, fini la Turquie accueillante, « bien » venu en Asie ! Dans tous ces pays, il faut payer un droit de passage et parfois cela ne suffit pas. Pas moyen d’entrer au Pakistan ou en Afghanistan par la voie diplomatique habituelle. Donc, du floose pour ces pays mais aussi de la paperasse en veux-tu en voila. Paradoxal, ces pays requièrent des visas pour qu’on entre alors que personne ne veux y aller. Y aurait-il plus de touristes s’il n’y avait pas de visa ?
Un visa c’est un beau papier sur le passeport avec le tampon du pays d’accueil et les dates d’entrées et sorties. Le seul point positif pour nous, voyageur, c’est le souvenir sur le passeport. Franchement, on aurait pu faire sans ces souvenirs.
On galère pour quelques papiers, mais on a déjà la chance de pouvoir voyager. Pendant ces pertes de temps interminables, on pense à nos potes iraniens dont l’Europe et d’autres pays ferment les frontières…
Pour quasiment tous les pays il faut une lettre de recommandation de l’ambassade de France avec cirage de pompe en bonne et due forme pour le pays quémandé. Soit. Néanmoins, quand vous reviendrez dans le coin, n’hésitez pas à en faire des fausses, c’est ce que firent un anglais et un espagnol que nous avons croisés, ils passeront donc par l’Afghanistan.
Notre projet initial était donc d’arriver en Iran, ça c’est fait, puis de monter au nord via le Turkménistan, l’Ouzbékistan… pour arriver en Chine puis l’Asie du Sud-est. A Tehran, capitale régionale voire mondiale, on peut faire les démarches pour nombre de ces pays donc on s’est lancés. D’abord, consulter les sites internet officiels mais surtout les forums et blogs sur le sujet (mais avec la vitesse du web ici, ce n’est pas la panacée) ; puis téléphoner dans les ambassades pour confirmation (et donc bosser son russe pour l’Asie centrale) ; et enfin se rendre sur place.
Le visa de l’Iran est bien le plus simple à avoir : deux heures de temps à Trabzon, en Turquie.
Par contre, on a du faire 7-8 allers-retours aux ambassades d’Ouzbékistan et Chine, qui sont à côté. Il manque toujours un truc. D’abord, trouver un taxi pour y aller. Pas un ne connaît le quartier et ne parle anglais. Puis, arriver entre 9h et 11h, ce qui fait une fenêtre de tir relativement courte. Enfin, avoir les papiers : copies des passeports, des visas iraniens, photos de bonne taille (différente selon les pays), lettre de l’ambassade de France, « application form » à imprimer sur internet,… ça parait simple à première vue mais ça ne l’est vraiment pas. Ne pas oublier de prendre avec soi sa patience et ses meilleurs sourires diplomatiques.
Exemple pour la Chine. On y va une première fois, on a de la chance, Charpi double toute la file d’attente pour demander les papiers requis (sans rien demander mais le soldat aime sa tête de blond et son k-way bleu fluo). La paperasse habituelle, ainsi qu’un aller/retour en avion ! Bon, on en fait un fake dans une agence de voyage (pour vous dire à quel point c’est de l’onanisme diplomatique), on revient trois semaines plus tard (entre temps on a voyagé), et l’ambassade est exceptionnellement fermée. Ma foi, on revient le lendemain, tout heureux avec nos paplars, on trouve la guichetière qui parle anglais, plutôt bien il faut le dire, et elle nous annonce qu’il faut désormais une résidence en Iran ou posséder un passeport local pour demander un visa chinois ! Rrrrrhhhhh t’es bien mignonne mais on est touristes français ! Rien à faire… pas de visa chinois depuis Tehran, espérons que ce ne soit pas les mêmes obligations dans les pays suivants.

Les visas c'est le bordel, faut en vouloir
 
Pour l’Ouzbékistan, on fait à chaque fois la queue avec les agences de camionneurs… on a deux passeports et 150$ ; ils en ont des dizaines… et donc des milliers, en grosses coupures. Pour avoir écrit sur l’ « application form » que j’avais bossé dans la sécurité, il nous a fallu maintes courbades pour leur démontrer que je n’allais pas poser un problème de sécurité dans leur pays. Chaque mot est important. Ok maintenant je serai ostréiculteur.
Pour le Turkménistan, on ne peut avoir qu’un visa de transit (3 ou 5 jours on verra). En arrivant à l’ambassade, on remarque tout de suite ce chaleureux accueil qui semble caractériser le gouvernement. Même nos potes Khameni et Khomeni paraissent sympathiques à côté de ce gars, un remède contre l’amour (de son pays en l’occurrence). Pas moyen de demander une once d’effort, on aura nos visas le 30 octobre pour passer la frontière le 1er novembre. Alors que le visa iranien se termine le 30… le pouvoir diplomatique a parlé, on la ferme.
THE news of the week, ce sont nos amis kirghizes qui ont supprimé les visas d’entrées il y a trois mois pour quelques pays dont le nôtre. Si ça vous dit un petit aller-retour Paris - Bichkek, la voie est libre.

Avec Charpi l’itinéraire initial nous emmenait dans ces pays d’Asie Centrale. Mais. Mais par « chance », un français attendant avec nous devant l’ambassade d’Ouzbékistan nous avait parlé d’un « passeur » pour le Pakistan, un gars qui peut nous avoir des visas au black, car c’est impossible pour nous français de l’avoir par la voie diplomatique habituelle. Arf, why not se dit-on. Puis le lendemain on croise ce gars « par hasard » (ça commence à faire beaucoup de guillemets vous ne trouvez pas ?) au bazar de Tehran : il peut nous avoir des visas, par un pote qui bosse à l’ambassade.
Petit à petit on se fait à l’idée, pourquoi ne pas passer par cette route, on courra un peu moins qu’au Nord, on traversera l’Inde du sud puis la Birmanie, ça semble sympa. On croise un français à Esfahan, il est resté six semaines au Pakistan, a adoré ce pays, et il nous décharge d’une bonne partie de nos doutes sur la sécurité dans le pays.
En rentrant à Tehran on recontacte Ali le passeur dans le bazar. Le contact est bon, on est sur nos gardes mais on prend confiance. La première fois il nous déconseille carrément d’aller dans ce pays, trop dangereux. Soit. On le recroise deux trois fois pour parler affaires. Et là messieurs dames et mesdames on a affaire au plus grand arnacteur de tous les temps : à côté de cela Di Caprio est marchand de tapis, Audrey Hepburn est caissière à Mammouth et Christophe Maé est... Christophe Maé (oui ça n’a rien à voir mais tant pis, c’est gratuit).
Allez, on plonge, mais surtout on ne regarde pas plus si la piscine est remplie d’eau ou d’huile de vidange. On lui file 200 $ et tous les documents nécessaires (il voulait la totalité pour les visas d’Inde et Pakistan, soit le double, vous voyez on n’est pas si crédule^^). On se rend compte assez rapidement de l’arnaque car il est injoignable… dans le fion !! Ca nous apprendra à faire goozgooz nakom baba (« les malins », oui je me la raconte en farsi).

Sympa ce visa... mais ce n'est pas le notre

Soit, on est bien dégoutés. Déjà pour les 200 $ mais surtout pour la route du Sud. Perso j’ai vraiment la mort contre ce gars et contre nous. Mais on n’a pas grand-chose à se reprocher sur l’impression que nous a faite le gars. Si on le retrouve, on le présente à la Warner ou à Hazanivicius. En même temps c’est son job d’arnaquer le touriste, il se doit d’être compétent. Félicitations mon gars !
Néanmoins il a fait une erreur ce bougre de charlatan. Dans une de nos nombreuses balades dans le bazar, il nous a fait prendre un thé chez un « ami », vendeur de chaussures.
Charpi qui commence à me connaître sait que dans ces moments où ça monte, faut juste pas me parler, il passe le message aux potes iraniens. Le jour même, ce dimanche, je décide donc de filer seul au bazar avec je ne sais quel espoir. Je reste une demi-heure à la sortie du métro à essayer d’apercevoir Ali mais autant chercher un américain en Iran. Je file par désespoir de cause voir le marchand de godasse, Hamid, le fameux « ami ».
Et là plutôt bonne surprise, il est à mon écoute et me supporte (et parle un peu anglais !). Bon, avant toute discussion, il me fait fumer la shisha et boire le thé (il a aussi un shisha-shop). Il me dit qu’il va m’aider. Il est désolé pour moi mais regrette surtout l’image que cela donne à son pays qui n’est déjà pas au mieux sur la scène internationale. Il appelle deux trois gars du bazar, ça défile sous la pipette, tous sont désolés pour moi. Le temps passe, on fume, il téléphone, il me parle du pays, on boit, on regarde du foot à la télé, on boit, on fume, la salle ressemble de plus en plus à un aquarium… On sort, ouf !
Malgré sa taille gigantesque, tout le monde se connaît au bazar. Là, deux trois autres amis d’Hamid et connaissances d’Ahad (et non plus Ali, le faux nom du faux passeur) s’énervent après l’arnacteur. Un petit vieux tout rabougris « s’il repasse par là je lui mets une droite » me mime-t-il. Hamid fait débarquer le frérot d’Ahad. Ça ne rigole plus, on est dans le magasin de chaussures, du monde tout autour, c’est la foire, ça tracte et je ne comprends pas grand-chose. Après des coups de fils, des gars qui vont et viennent, Hamid me dit que l’arnacteur rapportera le pognon ce lundi. Yeahhhhhh Aaliye (« c’est bon ça », en farsi) !
Je reviens le lendemain, évidemment rien du tout. Shisha et thés quand-même. Hamid me conseille d’appeler les flics. Alors oui, pourquoi pas avoir à faire avec la police du pays qui a le record d’exécution par habitants depuis des années, mais il faut savoir aussi qu’on est en tort dans cette affaire ! Les visas au black ce n’est pas recommandé parait-il.
Ok, après acquiescement de notre hôte Grogol par téléphone, on décide d’appeler les flics. Au pire je feindrai la naïveté devant un gars qui proposait des visas, tout simplement. Moi aussi je peux faire mon acteur ! Je n’en n’aurai pas besoin. Le flic arrive en moto, armé mais pas trop. On est dans le magasin de shoes qui se trouve à l’angle d’une des plus grosses entrées, et qui est l’entrée des marchandises aussi. Hamid lui raconte l’histoire, il prend des notes, il boit le thé. Mais pas la shisha faut pas abuser.
« Here the police is very good you know » Oui oui Hamid t’es bien gentil de m’aider je ne vais pas te contredire.

Ma deposition : c'est clair non ?!

Je suis assis, les deux discutent debout dans ces 5m² où passent les clients, les voisins, les potes : le bordel quoi ! Au beau milieu des débats, Hamid remonte la fermeture éclaire de la veste du flic qui ne réagit pas, normal ! Vers la fin, Hamid lui tape un morceau de grosse bise baveuse dans le cou ! Heureusement je suis déjà assis. Mais c’est pas fini, le flic prend une brosse et s’astique les pompes. Je suis mort de rire intérieurement, c’est un gag cette histoire ! Après ça il me lance (alors qu’il ne m’a pas adressé la parole jusque là) :
« Doumash ?! »
Moi, interloqué et en regardant Hamid : « Quoi, ké qui dit ? »
Le flic, encore : « Doumash, Doumash ?! »
Moi : « Chi ? Bebarshid, ne mifahmam » (quoi ? désolé je ne comprends pas »)
Le flic : « Alexand Doumash ?! »
AHHHHHHH d’accord, Alexandre Dumas !!! Puis il me débite tout son amour de la littérature française, avec un accent à faire pâlir tout tourangeau qui se respecte : Victor Hugo, Emile Zola, Voltaire… et le plus célèbre d’entre eux Zinedine Zidane, ah oui quand-même faut pas déconner trop longtemps. J’ai de la « chance » je suis tombé sur un flic francophile.
Le flic : « Et la police, elle est bien en France ? »
Et là je lui rétorque un peu hâtivement : « Ca dépend ». Aie, je sens que ça l’irrite, il attendait une autre réponse. Faisant référence au même prof’ d’hypocrisie contemporaine que Mat’, je luis lance « mais avec moi ça va il n’y a pas de problème ». Le voila rassuré.
On signe une « déposition » : un double sera transmis au frère d’Ahad l’arnacteur. S’il ne ramène pas l’argent dans les deux jours, la Police ira le voir chez lui. Ça sent plutôt bon.

Quatre jours après, les flics n’arrivent pas à le trouver… ça sent le roussi cette histoire.
Je suis retourné plusieurs fois au bazar dans la semaine, et sur le chemin entre le métro et le magasin de shoes (et de shisha-thés, encore !!!!!!), je ne fais pas plus le malin que ça, je suis quand-même au milieu du bazar de Tehran, un « mafieu » comme les gars l’appellent ici, est recherché par les flics par ma faute… Un gars va-t-il m’attraper dans le dos ? Un autre va-t-sortir d’un magasin ? Vais-je prendre un coup-bas par un gars que je croise dans ces embouteillages humains... ? Y’a peu de risques mais je n’évolue pas à domicile, donc je ne fais pas trop le fier et je reste sur mes gardes.
Le bazar c’est hallucinant en tant que touriste, ça grouille de partout, on en prend pleins les yeux. Mais pour commencer à le fréquenter un peu comme un téhéranais, je ressens beaucoup plus cette oppression incessante, un milieu ultra masculin (au moins pour cette partie du bazar). A côté de gens tranquillou comme Hamid qui enchainent les shisha-thés, les transporteurs de marchandises sur chariots supers tendus. Mélange particulier où les premiers calment les seconds qui s’énervent entre eux pour un rien. La violence est latente avec ces allées et venues incessantes de marchandises dans un espace hyper réduit, et parfois elle éclate.
J’en profite quand même pour taper la discut’ avec le frérot de François Hollande qui passe par là : « Bon le frangin en France, il galère ou bien ? ».

Bien ou bien ?

On verra bien si l’on récupère l’argent. Ce n’est pas le plus important. On veut surtout qu’il ne recommence pas avec d’autres couillons, ce serait déjà pas mal. On est surtout déçu de ne pas passer au Pakistan et Inde, on s’y était fait. Et on va devoir courir un peu car on doit être dans moins de deux mois en Thaïlande (on ne dira pas pour quoi et pour qui^^). Cerise sur le gâteau, on a renvoyé nos duvets (et Charpi, sa doudoune) en France car on pensait ne plus en avoir besoin jusqu’en Amérique du Sud ! On va se les geler !
Mais don’t worry, ça va être énorme aussi cette aventure en Asie Centrale et Chine. De toute façon, du temps qu’on découvre des choses... On devrait être servis.

Frelon d’or : Bon voyage en France Grogol ! Si tu passes par la région lyonnaise…
Pompe à vélo : L’autre jour Mahdi appelle Mat’ « Viens voir sur mon balcon, vite », Mat’ interloqué se précipite. Tout ému, à regarder le ciel, « incroyable, des étoiles ! ». Il habite là depuis belle lurette, c’est la première fois qu’il en voit… pollution quand tu nous tiens.
Le fun : Après le CouchHôtel en Turquie avec Samia et Lise, « Viens chez moi j’habite chez une copine » : on a enfin réussi à virer notre logeuse ! Tranquille, on a l’appart à Tehran, si ça vous dit de nous rendre visite.

Benjo

PS Musical de Benjo : I’ll see you in my dreams, de Django Reinhardt
PS Musical de Charpi : Elevation of love, Esbjorn Svensson Trio

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire