Je t’aime moi non plus
Un post sur le « mélange des genres » qui
se déroule en 2 actes qui vous donnera matière à réflexion je l’espère. Il
s’appuie sur nos rencontres et nos expériences personnelles. On a pu
généraliser quelques aspects présents dans la société iranienne mais étudier
les rapports sociaux réclament beaucoup plus d’investigations. Libre à vous de
venir aussi vous faire votre propre avis.
ACTE UN des
garçons
Lieu : Esfahan
Contexte : un anniversaire d’un ami de Javad
(notre hôte).
Problème : l’endroit n’est pas très
« sécure ». Faire une fête mixte est risqué. Les parents de l’ami ont
peur d’être jugés durement par le voisinage.
Conséquence : une vingtaine de bonhomme et pas
une seule meuf !
Nous ça nous a fait marrer avec le Benj’ ; on
continue notre voyage culturel mais après coup je me dis qu’il y a quelque
chose qui ne tourne pas rond dans cette société.
Les filles c’est interdit parce que ça va entraîner
des commérages et du bordel. Par contre l’alcool et la mariejeanne (interdits
eux aussi) on peut y aller à fond la caisse. La musique à donf, une espèce de
techno-pop locale, le djembé, les cris. Tout ça ne va pas poser de problèmes.
Non car on est entre bonhommes, des vraies. Enfin presque. Moi avec mes boucles
d’oreilles, je me suis fait charrier toute la soirée ; Y’a même un des
excités qui n’a pas arrêter de me les tirer. En Iran pas un seul homme (je dis
bien pas un seul) ne porte de boucles d’oreilles. Autrement tu es gay. Et comme
déclarait Ahmadinejad il y a peu : « l’homosexualité n’existe pas en
Iran ». Ok je suis gay. Par contre porter des bagues, des colliers en or,
des bracelets, sentir la cocotte à 30 km, porter des petits hauts apprêtés et
faire du bodybuilding ça look pas gay. Ah bon ?! Je me suis retenu de leur
expliquer que dans leur Perse antique qu’ils adulent les hommes portaient des
boucles d’oreilles.
La soirée continue, ça monte en pression, les
hommes dansent entre eux. Ils se lâchent complètement. Pas de pression, pas de
concurrence il n’y a personne à séduire. Enfin presque. Des attitudes
hallucinantes, on se touche, on se tient la main ; je vois un mec se frotter
contre la jambe du Benj’. Euh ! Pardon ! Oui Benjo je crois que tu as
quelque chose à dire à ce sujet : Ma réponse.
Merci Benjo.
Moi qui ai fait quelques sorties gays, je ne voyais pas la différence. Et pourtant personne n’est gay en Iran, vous le savez maintenant. Alors on se traite de gay, on se moque, on refoule un maximum. Il faut montrer qu’on en a une grosse paire et qu’elle est destinée à la gente féminine. Messieurs de la communauté gay iranienne vous méritez une statue. Ça vous paraît irréel mais à part trois d’entre eux, personne n’avait vu un étranger d’aussi près. On reste sur des préconceptions. Un manque de culture et d’ouverture d’esprit. Et oui je juge parce que dans le monde hyper connecté dans lequel on est on peut se renseigner et apprendre mais il faut cesser d’avoir peur. Tous ces mecs avaient une attitude plus gay (si tant est qu’il en existe une) que la plupart des gays que je connais. J’aurais bien voulu rouler un patin à l’un d’entre eux. Mais aucun ne me plaisait.
Petite soirée entre amis... |
Moi qui ai fait quelques sorties gays, je ne voyais pas la différence. Et pourtant personne n’est gay en Iran, vous le savez maintenant. Alors on se traite de gay, on se moque, on refoule un maximum. Il faut montrer qu’on en a une grosse paire et qu’elle est destinée à la gente féminine. Messieurs de la communauté gay iranienne vous méritez une statue. Ça vous paraît irréel mais à part trois d’entre eux, personne n’avait vu un étranger d’aussi près. On reste sur des préconceptions. Un manque de culture et d’ouverture d’esprit. Et oui je juge parce que dans le monde hyper connecté dans lequel on est on peut se renseigner et apprendre mais il faut cesser d’avoir peur. Tous ces mecs avaient une attitude plus gay (si tant est qu’il en existe une) que la plupart des gays que je connais. J’aurais bien voulu rouler un patin à l’un d’entre eux. Mais aucun ne me plaisait.
En résumé, c’est viril d’être hyper tactile entre
hommes, de se dire des mots doux (on nous en a dit des tonnes pendant cette
soirée), de danser l’un contre l’autre mais c’est criminel d’être gay.
Je t’aime moi non plus.
Rajouter à ce tableau la double pression dont je
parlais plus haut et vous comprendrez un peu mieux ce que peut vivre
aujourd’hui tous les gays et lesbiennes d’Iran et plus largement du monde
entier.
Je demande de la tolérance, du respect et merde à
tous les réactionnaires ignorants et dogmatiques.
Malgré tout, tous étaient incroyablement chaleureux
et on a passé une soirée mémorable.
ACTE DEUX un
couple
Lieu : Shiraz
Personnages : Albi 26 ans, Maryam 31 ans et
Sepenta 6 ans. Mariés depuis 7 ans.
Nous avons passé trois nuits chez Albi et Mariam
dans le sud de l’Iran. Ils ont été aux petits soins pour nous. Nous avons pu
parler en français avec Albi puisqu’il est en train de l’apprendre. La première
chose à demander à un étranger qui veut progresser : « Bon mec tu
veux apprendre le français ou un p…..n de français ? ». Excellente réponse
de sa part et me voilà en train de lui glisser quelques phrases dignes de
l’Académie française : « Faut pas pousser mémé dans les orties ;
j’ai tellement serré les fesses que j’ai marqué le cuir… » Mais ce qui l’intéressait particulièrement
c’était les phrases destinées aux meufs. Du genre : « Elle a les yeux
qui crient braguette ; je m’en vais lui faire mordre l’oreiller. »
Bref de la poésie et rien que ça. Le tout dès le premier soir et devant sa
nana. Faut dire qu’à cet instant je ne pensais pas que le bougre était un
va-t-en guerre.
Le lendemain après une bonne journée dans Shiraz,
je me retrouve seul avec Maryam. Au bout de quelques instants, elle commence à
m’interroger sur mes relations amoureuses, sur comment on gère la séparation, si
je suis déjà tombé raide dingue d’une fille… Puis elle m’annonce de but en
blanc qu’elle veut divorcer. Elle n’aime plus Albi depuis que ce dernier s’est
soudainement rappelé ses origines rugbylistique en raffutant sauvagement sa
secrétaire. On en parle. Je lui demande si Albi est au courant et ce qu’il en
pense. Il croit qu’elle blague et que c’est juste une menace en l’air pour ne pas
recommencer. Mais Maryam n’est pas vraiment ancrée dans un schéma traditionnel.
Elle attend de passer son examen de médecine et après c’est la rupture nette et
sans bavure. Un classique. Oui mais… On est en Iran. Et c’est là que ça se
corse. Le mariage en Iran est couvert par la loi islamique ce qui implique des
dispositions législatives quelque peu particulières.
Chacun de son côté... |
Je suis encore assez effaré de ce qui va suivre
mais c’est du stricto sensu veritas
(sans le in vino ici). Je vous livre
quelques règles en matière de mariage et de divorce à l’iranienne.
1° L’âge du mariage a beaucoup varié depuis ces trente
dernières années. Au moment de la Révolution de 1979, il est tombé à neuf ans
pour les filles (dix-huit ans auparavant). Aujourd’hui il est officiellement à treize.
La virginité doit être préservée jusqu’à l’union.
2° Le mariage est tributaire de la dot (apportée
par la famille de l’homme à sa future belle-famille). L’homme doit également
apporter une somme d’argent ou un bien à sa femme. S’il n’honore pas son
engagement, c’est la case prison qui l’attend.
3° L’homme peut se marier jusqu’à quatre fois. La
femme une seule fois.
4° L’homme peut de fait tromper sa femme. Depuis deux
ans, la règle a évolué. La première femme doit donner son accord.
5° En cas d’adultère d’un côté comme de l’autre, il
faut le prouver (pas évident évident).
6° Considérez que devant la justice, la femme vaut
la moitié d’un homme.
7° Si l’homme refuse le divorce (à moins d’un
adultère avéré et prouvé), la cour suivra toujours son avis.
8° La garde de l’enfant est a priori réservée à
l’homme.
9° Gare aux mythes. Certes la lapidation est prévue
par la charia si la femme faute hors mariage. Mais cet acte barbare n’est plus
utilisé en Iran du moins officiellement.
Vous pouvez maintenant mettre en perspective la
situation de Maryam.
Curieux de se retrouver au milieu de ce contexte ;
mais recevoir des gens est pour eux une bouffée d’air. Les tensions étaient
palpables chaque fois qu’ils se retrouvaient. Maryam était pleine de vie avec
nous mais dès qu’Albi revenait du travail elle mettait ses écouteurs ou s’enfermait
dans la chambre. Chambre qu’elle ne partage plus d’ailleurs.
Le plus malheureux dans cette histoire c’est que le
petit Sepenta en fait les frais tous les jours. Maryam s’échappe dès qu’elle
peut à Téhéran pour ses études. Albi rentre tard très tard du travail (du vrai).
Résultat c’est la grand-mère qui gère. Maryam est soutenue par sa
famille malgré les contraintes et les paradoxes du cadre législatif
iranien. Pour la petite histoire, le dernier soir Maryam et moi nous nous
sommes retrouvés seuls à nouveau. Elle était au bord des larmes, une de ses
amies venait de l’appeler. Cette dernière venait d’apprendre que son mari
l’avait trompée… Je t’aime moi non plus.
La pompe à vélo : Je suis dans
la voiture en direction du désert avec Mahti et Fafa (nos amis de Téhéran)
quand j’aperçois une affiche grand format avec une femme en tchador et sans
visage. Il y a des écritures en farsi que je demande à traduire. « Femme,
le tchador te rendra heureuse et te préservera… ». Mesdames,
mesdemoiselles nous venons d’atterrir en Iran veuillez respecter le code
vestimentaire islamique. C’est peut-être pour cela aussi qu’elles se font
toutes refaire le nez. On ne voit plus que ça.
Le fun de la semaine : Je suis
avec Maryam et elle me demande si j’ai des photos de ma nana. Je lui en montre
une. Avec toute la finesse qui la caractérise, elle pousse un cri effrayant en
me regardant : « she’s ugly, she’s got a big nose ».
Encore et toujours le nez. Il faut dire qu’elle
s’est fait refaire le sien. Chaque soir elle applique méticuleusement un
pansement pour soutenir les os qui doivent se ressouder entre eux. No comment.
Le frelon d’or : Dans les deux actes vous avez pu noter l’incroyable hospitalité des gens ici. Certes les
contradictions sont nombreuses mais qui n’en a pas. Sachez une chose, si vous
venez en Iran, il y aura toujours quelqu’un pour vous faire passer un moment
hors du temps.
Charpi
PS musical de Charpi : Mag’ t’es la plus belle
femme du monde. Une chanson rien que pour toi : ne me quitte pas.
PS musical du Benjo : Yala, de Oumou Sangare
Mat, n'en fais pas trop quand même^^
RépondreSupprimerMag
J'aime bien les subtilités orthographiques du texte, moins ce que révèle son contenu...
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