5 oct. 2012


Je t’aime moi non plus

Un post sur le « mélange des genres » qui se déroule en 2 actes qui vous donnera matière à réflexion je l’espère. Il s’appuie sur nos rencontres et nos expériences personnelles. On a pu généraliser quelques aspects présents dans la société iranienne mais étudier les rapports sociaux réclament beaucoup plus d’investigations. Libre à vous de venir aussi vous faire votre propre avis.  

ACTE UN des garçons
Lieu : Esfahan
Contexte : un anniversaire d’un ami de Javad (notre hôte).
Problème : l’endroit n’est pas très « sécure ». Faire une fête mixte est risqué. Les parents de l’ami ont peur d’être jugés durement par le voisinage.
Conséquence : une vingtaine de bonhomme et pas une seule meuf !
Nous ça nous a fait marrer avec le Benj’ ; on continue notre voyage culturel mais après coup je me dis qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans cette société.
Les filles c’est interdit parce que ça va entraîner des commérages et du bordel. Par contre l’alcool et la mariejeanne (interdits eux aussi) on peut y aller à fond la caisse. La musique à donf, une espèce de techno-pop locale, le djembé, les cris. Tout ça ne va pas poser de problèmes. Non car on est entre bonhommes, des vraies. Enfin presque. Moi avec mes boucles d’oreilles, je me suis fait charrier toute la soirée ; Y’a même un des excités qui n’a pas arrêter de me les tirer. En Iran pas un seul homme (je dis bien pas un seul) ne porte de boucles d’oreilles. Autrement tu es gay. Et comme déclarait Ahmadinejad il y a peu : « l’homosexualité n’existe pas en Iran ». Ok je suis gay. Par contre porter des bagues, des colliers en or, des bracelets, sentir la cocotte à 30 km, porter des petits hauts apprêtés et faire du bodybuilding ça look pas gay. Ah bon ?! Je me suis retenu de leur expliquer que dans leur Perse antique qu’ils adulent les hommes portaient des boucles d’oreilles.
La soirée continue, ça monte en pression, les hommes dansent entre eux. Ils se lâchent complètement. Pas de pression, pas de concurrence il n’y a personne à séduire. Enfin presque. Des attitudes hallucinantes, on se touche, on se tient la main ; je vois un mec se frotter contre la jambe du Benj’. Euh ! Pardon ! Oui Benjo je crois que tu as quelque chose à dire à ce sujet : Ma réponse. Merci Benjo.

Petite soirée entre amis...

Moi qui ai fait quelques sorties gays, je ne voyais pas la différence. Et pourtant personne n’est gay en Iran, vous le savez maintenant. Alors on se traite de gay, on se moque, on refoule un maximum. Il faut montrer qu’on en a une grosse paire et qu’elle est destinée à la gente féminine.  Messieurs de la communauté gay iranienne vous méritez une statue. Ça vous paraît irréel mais à part trois d’entre eux, personne n’avait vu un étranger d’aussi près. On reste sur des préconceptions. Un manque de culture et d’ouverture d’esprit. Et oui je juge parce que dans le monde hyper connecté dans lequel on est on peut se renseigner et apprendre mais il faut cesser d’avoir peur. Tous ces mecs avaient une attitude plus gay (si tant est qu’il en existe une) que la plupart des gays que je connais. J’aurais bien voulu rouler un patin à l’un d’entre eux. Mais aucun ne me plaisait.
En résumé, c’est viril d’être hyper tactile entre hommes, de se dire des mots doux (on nous en a dit des tonnes pendant cette soirée), de danser l’un contre l’autre mais c’est criminel d’être gay.
Je t’aime moi non plus.
Rajouter à ce tableau la double pression dont je parlais plus haut et vous comprendrez un peu mieux ce que peut vivre aujourd’hui tous les gays et lesbiennes d’Iran et plus largement du monde entier.
Je demande de la tolérance, du respect et merde à tous les réactionnaires ignorants et dogmatiques.
Malgré tout, tous étaient incroyablement chaleureux et on a passé une soirée mémorable.

ACTE DEUX un couple
Lieu : Shiraz
Personnages : Albi 26 ans, Maryam 31 ans et Sepenta 6 ans. Mariés depuis 7 ans.
Nous avons passé trois nuits chez Albi et Mariam dans le sud de l’Iran. Ils ont été aux petits soins pour nous. Nous avons pu parler en français avec Albi puisqu’il est en train de l’apprendre. La première chose à demander à un étranger qui veut progresser : « Bon mec tu veux apprendre le français ou un p…..n de français ? ». Excellente réponse de sa part et me voilà en train de lui glisser quelques phrases dignes de l’Académie française : « Faut pas pousser mémé dans les orties ; j’ai tellement serré les fesses que j’ai marqué le cuir… »  Mais ce qui l’intéressait particulièrement c’était les phrases destinées aux meufs. Du genre : « Elle a les yeux qui crient braguette ; je m’en vais lui faire mordre l’oreiller. » Bref de la poésie et rien que ça. Le tout dès le premier soir et devant sa nana. Faut dire qu’à cet instant je ne pensais pas que le bougre était un va-t-en guerre.
Le lendemain après une bonne journée dans Shiraz, je me retrouve seul avec Maryam. Au bout de quelques instants, elle commence à m’interroger sur mes relations amoureuses, sur comment on gère la séparation, si je suis déjà tombé raide dingue d’une fille… Puis elle m’annonce de but en blanc qu’elle veut divorcer. Elle n’aime plus Albi depuis que ce dernier s’est soudainement rappelé ses origines rugbylistique en raffutant sauvagement sa secrétaire. On en parle. Je lui demande si Albi est au courant et ce qu’il en pense. Il croit qu’elle blague et que c’est juste une menace en l’air pour ne pas recommencer. Mais Maryam n’est pas vraiment ancrée dans un schéma traditionnel. Elle attend de passer son examen de médecine et après c’est la rupture nette et sans bavure. Un classique. Oui mais… On est en Iran. Et c’est là que ça se corse. Le mariage en Iran est couvert par la loi islamique ce qui implique des dispositions législatives quelque peu particulières.

Chacun de son côté...

Je suis encore assez effaré de ce qui va suivre mais c’est du stricto sensu veritas (sans le in vino ici). Je vous livre quelques règles en matière de mariage et de divorce à l’iranienne.
1° L’âge du mariage a beaucoup varié depuis ces trente dernières années. Au moment de la Révolution de 1979, il est tombé à neuf ans pour les filles (dix-huit ans auparavant). Aujourd’hui il est officiellement à treize. La virginité doit être préservée jusqu’à l’union. 
2° Le mariage est tributaire de la dot (apportée par la famille de l’homme à sa future belle-famille). L’homme doit également apporter une somme d’argent ou un bien à sa femme. S’il n’honore pas son engagement, c’est la case prison qui l’attend.
3° L’homme peut se marier jusqu’à quatre fois. La femme une seule fois.
4° L’homme peut de fait tromper sa femme. Depuis deux ans, la règle a évolué. La première femme doit donner son accord.
5° En cas d’adultère d’un côté comme de l’autre, il faut le prouver (pas évident évident).
6° Considérez que devant la justice, la femme vaut la moitié d’un homme.
7° Si l’homme refuse le divorce (à moins d’un adultère avéré et prouvé), la cour suivra toujours son avis.
8° La garde de l’enfant est a priori réservée à l’homme.
9° Gare aux mythes. Certes la lapidation est prévue par la charia si la femme faute hors mariage. Mais cet acte barbare n’est plus utilisé en Iran du moins officiellement.
Vous pouvez maintenant mettre en perspective la situation de Maryam.
Curieux de se retrouver au milieu de ce contexte ; mais recevoir des gens est pour eux une bouffée d’air. Les tensions étaient palpables chaque fois qu’ils se retrouvaient. Maryam était pleine de vie avec nous mais dès qu’Albi revenait du travail elle mettait ses écouteurs ou s’enfermait dans la chambre. Chambre qu’elle ne partage plus d’ailleurs.
Le plus malheureux dans cette histoire c’est que le petit Sepenta en fait les frais tous les jours. Maryam s’échappe dès qu’elle peut à Téhéran pour ses études. Albi rentre tard très tard du travail (du vrai). Résultat c’est la grand-mère qui gère. Maryam est soutenue par sa famille malgré les contraintes et les paradoxes du cadre législatif iranien. Pour la petite histoire, le dernier soir Maryam et moi nous nous sommes retrouvés seuls à nouveau. Elle était au bord des larmes, une de ses amies venait de l’appeler. Cette dernière venait d’apprendre que son mari l’avait trompée… Je t’aime moi non plus.

La pompe à vélo : Je suis dans la voiture en direction du désert avec Mahti et Fafa (nos amis de Téhéran) quand j’aperçois une affiche grand format avec une femme en tchador et sans visage. Il y a des écritures en farsi que je demande à traduire. « Femme, le tchador te rendra heureuse et te préservera… ». Mesdames, mesdemoiselles nous venons d’atterrir en Iran veuillez respecter le code vestimentaire islamique. C’est peut-être pour cela aussi qu’elles se font toutes refaire le nez. On ne voit plus que ça.   
Le fun de la semaine : Je suis avec Maryam et elle me demande si j’ai des photos de ma nana. Je lui en montre une. Avec toute la finesse qui la caractérise, elle pousse un cri effrayant en me regardant : « she’s ugly, she’s got a big nose ».
Encore et toujours le nez. Il faut dire qu’elle s’est fait refaire le sien. Chaque soir elle applique méticuleusement un pansement pour soutenir les os qui doivent se ressouder entre eux. No comment.
Le frelon d’or : Dans les deux actes vous avez pu noter l’incroyable hospitalité des gens ici. Certes les contradictions sont nombreuses mais qui n’en a pas. Sachez une chose, si vous venez en Iran, il y aura toujours quelqu’un pour vous faire passer un moment hors du temps.

Pas évident pour les femmes ici... Grogol s'en sort quand-même bien.

Charpi

PS musical de Charpi : Mag’ t’es la plus belle femme du monde. Une chanson rien que pour toi : ne me quitte pas.
PS musical du Benjo : Yala, de Oumou Sangare

2 commentaires:

  1. Mat, n'en fais pas trop quand même^^
    Mag

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  2. J'aime bien les subtilités orthographiques du texte, moins ce que révèle son contenu...

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