30 mars 2013

En direct du Lao bar team

Quand j'étais gamin, j'ai eu droit à ma dose de Joe bar team. Plus tard j'ai roulé sur les mécaniques des copains. Aujourd'hui j'ai une bécane. Avec l'ami Benjo on a traversé une partie du Cambodge et du Laos et on s'est éclaté au propre comme au figuré. C'est jubilatoire de déguster la route de cette façon. De pouvoir se lever aux aurores et d'aller à la rencontre du soleil dans un paysage karstique dément. Toutes les péripéties qui ont pu nous arriver... Je ne vais pas toutes les conter. Ces derniers jours, une m'a particulièrement marquée parce que je suis passé par toutes les émotions.
Il y a quelques jours, j'ai vendu la moto du Benjo à un guignol du nom de Mathieu, ça ne s’invente pas. Il n'avait jamais touché une moto de sa vie. Apres quelques cours de pilotage improvisés sur un parking de Vientiane le long du Mékong, nous avons décidé de tailler la route ensemble.
La première journée a été éprouvante, je crois qu’on a battu un record, huit heures pour 150 km. Beaucoup de temps passé au garage. Ici, la motobike règne en maitre sur les routes et vous pouvez trouver des garages dans chaque maison, tout le monde bricole plus ou moins. Plutôt moins que plus à dire vrai. C'est toujours un grand moment quand tu arrives pour faire réparer un truc et que tu repars avec d'autres problèmes, des boulons en moins, l'arrivée d'essence non rebranchée etc. Bref, le cirque.
Apres avoir rejoint le Benjo pour une dernière soirée, nous sommes remontés en direction de Luang Prabang. Quelle journée.

Les 4000 îles, premier collègue rider

La route est splendide et en moto, quel pied. C'est jouissif. Les motos étaient réglées aux petits oignons. Tout allait super. Un petit arrêt dans un garage improbable où les gens s'étonnent de voir deux blancs sur des motos vietnamiennes. Mais quel bon moyen de briser la glace. Et puis les rencontres sont toujours autant surprenantes. Ce jeune d'à peine quinze ans s'approchant de nous et commençant à nous taper la discute dans un français impeccable. Ici au milieu de nulle part, les mains dans le cambouis essayant d'expliquer mon problème d'embrayage à Gabert, le jeune nous enchaine du Molière. Je crois que je ne voyage que pour ces moments là. Ces pauses à un moment que l'on n'attend pas avec des gens tous plus attachants les uns que les autres. La moto offre ça. Des vieilles motos surtout ^^.
Plus tard un local nous roulera dans la farine en nous indiquant une mauvaise direction, qui nous mettra sur la réserve. C'est l'élément déclencheur du joyeux bordel qui va suivre.
Sur la réserve donc. Dans le nord du Laos, les stations se font très très rares et celles qui livrent du carbu sont rapidement à sec. Dans les villages tu trouves toujours des gars qui te vendent des bouteilles de sky reconverties en tord-boyaux pour moteurs. Y’a aussi ces barils colorés avec pompe intégrée. L'essence est tout aussi chère et d'une fiabilité douteuse. On traverse enfin une bourgade équipée, on demande à un local où l'on peut trouver de l'essence. Le mec nous répond tant bien que mal "à dix minutes". En fait il fallait comprendre à dix mètres. Je démarre et je me gare direct en voyant les barils. Le temps de descendre de moto, je ne vois pas Mathieu, l'autre, continue sa route sans me voir. Pendant deux bonnes heures chacun a vécu sa journée avec ses événements. Charpipo tu peux nous la conter ?

-    Pour ma part, je prends de l'essence et j'attends Mathieu, croyant qu'il a du mal à démarrer sa moto ou qu'il discute avec un gonze du coin. La pompiste commence à trouver louche que je ne la paye pas tout de suite. Je n'avais plus de monnaie locale, seulement des dongs vietnamiens et une carte de crédit. INUTILE ! Mathieu avait du liquide. Je commence à me dire qu'il a du passer sans me voir. Je lance quelques appels, personne ne répond. La pompiste revient avec la police. Hé merde !! Je m'attable avec les policiers, je leur explique ma situation. Ils ne comprennent rien mais tout le monde garde le sourire. Quelques villageois s'attroupent autour de nous. Tu parles, l'attraction. Je me dis bon, c'est la route de Luang Prabang, première destination touristique du pays, va bien avoir un bus ou des velocyclistes.
Quelques minutes plus tard, un bus de touristes thaï s’arrête. Je me précipite à l'intérieur. Leur guide, une jeune de 25 ans, parle un peu anglais. J'explique ma situation. Là-dessus elle prend le micro et raconte mon délire à tout le bus. Quelques secondes de suspension et comme un seul homme, une trentenaire de thaï commencent à me mitrailler, crépitements de flashs, je suis sous les feux de la rampe. Une femme à côté de la guide se lève et me file du fric en me remerciant. Surréaliste. Je n’ai toujours pas compris. Une fois réglé mes comptes, j'enfourche ma meule et met les gaz pour rattraper Mathieu. Et toi Mathieu, ta journée ?

Les Mathieu... vise l'équipe !

-        Perso je ne me suis pas inquiété, Mathieu (Charpipo) roule plus vite. C'est une route de montagne, les routes sont sinueuses. Tu ne vois pas forcement la tête du peloton même cent mètres devant toi. Au bout d'un moment, je commence à me demander. J'accélère de plus en plus. On devrait déjà être en panne sèche. Bon je me dis qu'il va m'attendre à la station (située à dix minutes selon les indications du local NDLR). En haut de la côte, arrive ce qui devait arriver, plus de jus. Je vois arriver un local avec sa bécane, il passe devant moi et coupe le moteur pour descendre. Tilt. Ok allez on fait la même. Heureusement en bas du col se trouve la station. Je fais le plein mais toujours pas de Mathieu. Je commence à me dire : putain il s'est barré. Il a file à Luang Prabang. C'est notre point de chute. Je reprends la route, croise un autre touriste motard qui me confirme n'avoir pas vu une seule autre Honda Win conduite par un blanc. Ok il est derrière, en panne ou s'est trompé de chemin. Reste plus qu'a attendre.
-   Putain mais il est où ? Ce n’est pas possible qu'il bombarde autant avec si peu d'expérience en bécane. Tiens c'est pas une Honda Win qui vient là... ah si, mais c'est pas Mathieu. Pourquoi le gars me fait des signes ? Pas le temps je fonce, j'enchaine il faut que je tempère mon excitation. Que la route est belle. On va encore arriver de nuit. Encore un virage puis un autre. Je suis où là ? Plus que vingt bornes avant Luang Prabang. Ok je m'arrête au prochain bled. Ça y est j'y suis. Ok j'appelle Mathieu.
-      Qu'est ce que je fais ? Je reste la ? Je rebrousse chemin ? Je file à Luang P... Hé mais c'est lui. Hé Mathieu !! Il fonce comme un dingue, je commence à secouer mes bras. Il peut pas me louper, il peut pas, il peut... Il est concentré sur sa conduite. Je cours récupérer ma bécane, je démarre à fond et j'appuie comme un cinglé. Mince un bus. J'attaque dans le virage. Oh merde, c'est une épingle. Je me déporte dangereusement, le vide est pas loin. Tiens bon, tiens bon. Je suis presque passé. Le trou !! évite le trou !! évi...
-         Ça sonne... Mathieu ? T'es où ? Moi, je suis dans un village, dans la vallée, plus très loin de Luang Prabang.
-         Je viens d'avoir un accident, je suis un peu plus haut.

Il faut bien vous dire que j'ai changé de couleur quand il m'a annonce ça. Bon il répond de lui-même, ça m'a rapidement rassuré. Je remonte vers le col et je vois la moto défoncée. Mathieu est assis, en état de choc. Quelques contusions, un genou en vrac mais ça va. On n’est pas sûr à propos d'un trauma. Trois locaux sont à côté de lui. Je comprends que pendant son vol plané, il a perdu son larfeuille et son téléphone. On cherche quelques instants, on retrouve son téléphone. Pas de portefeuille. Quelques instants plus tard un des trois gus nous ramène les papiers de la moto qui se trouvaient dans le dit portefeuille. Pour le reste, sans commentaires. Heureusement il n'y avait pas grand chose dedans : un peu de liquide, une carte de crédit. Je commence plus à m'inquiéter de l'état du Mathieu. Je me mets en travers de la route, deux bus de touristes arrivent de Vang vieng pour Luang Prabang. Personne ne s'arrête, des touristes prennent des photos... Super. J'apprendrai plus tard qu'un de mes potes cyclistes présent à l’intérieur a demandé au chauffeur de s’arrêter qui lui a gentiment répondu que ce n’était pas son problème. Je continue à m’agiter dans tous les sens au milieu de la route quand un van s’arrête. Un chinois de Shanghai. Il ne parle pas un mot d’anglais. On lui montre la moto, les contusions de Mat, on lui demande de nous emmener direct à l'hosto. Sur ce, le mec plein de bon sens et de reflexes de survie... prend son appareil photo et mitraille. C’est quoi le délire ?! Je crois n’avoir jamais autant été pris en photo en si peu de temps.
Direction l’hôpital. Pour une première journée dans le coin le plus touristique du Laos, c’est novateur.

Et un autre garage, un autre...

Conseil aux voyageurs : ne pas tomber gravement malade au Laos. L’hôpital ressemble à une école maternelle aménagée. C’est sale, insalubre et ouvert aux quatre vents. Un moulin, le bordel. Ils ont rarement l’occasion de voir des touristes. On passe assez rapidement. Diagnostic cool pour Mathieu. En clair pas de trauma. Mais le personnel en profite. Ils nous dressent une liste de médocs et de pansements, de quoi soigner tout un régiment. Je me retrouve a naviguer dans l’école pardon l’hosto pour trouver l’office de vente, à négocier le prix des soins. N’importe quoi.
Finalement on sen sort bien. D’autant que le chinois nous avait attendus sur le parking de l’hôpital, prépare un repas. Nous avons fini la soirée dans son van, à regarder une espèce de cirque érotico-ludique sur l’écran intégré, à boire du tord-boyaux. Le mec a traversé une partie de l’Asie dans son van. Les conversations étaient limitées mais la ponctuation était claire, une phrase, une gorgée.
Le soir on s’est retrouvés à loger loin du vieux centre, dans la partie laotienne de Luang Prabang, au milieu des garages et des karaokés. Pas très loin du bowling, le seul endroit qui ne ferme pas après le couvre-feu. Good to know.

Le frelon d'or : ces quelques semaines en moto à travers le Cambodge puis le Laos avec mes deux compagnons riders. La liberté à l’état pur. De la musique, des pensées douces et sauvages. Des paysages somptueux à des heures choisies.
Le fun de la semaine : voir ci-dessus
La pompe à vélo : Moi vendant ma bécane à Luang Prabang. Je m'en veux, putain ce que je m'en veux. Le retour aux réalités busitiques fut un cauchemar.

Charpi

Ps musical de Charpipo : Ajo, de Peter King
Ps musical de Benjo : A Walk, de Tycho

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