13 avr. 2013


Bonzes et bonzesses

Je finissais l’article précédent ainsi : en Birmanie, Aung San Suu Kyi est vénérée de partout tout à la fois comme la mère et l’espoir de la nation Myanmar. Et à côté de ça 88% du pays est bouddhiste, une religion où la femme doit dans un premier temps se réincarner en homme pour accéder au nirvana… Autre paradoxe, le gouvernement qui se réclame du bouddhisme mais qui tue ses moines qui manifestent dans le calme. Mais de la part d’une junte militaire, c’est peu surprenant, et on imagine que le bouddhisme est avant tout une manière de s’octroyer les faveurs du clergé.
La constitution autorise la liberté de culte mais en réalité les bouddhistes ont un statut privilégié. Il y a en plus des bouddhistes, quelques chrétiens, musulmans, hindous, animistes… et presque tous respectent encore les vieilles croyances animistes et le culte des esprits tutélaires, les nat. De plus, la superstition est très présente, la consultation d’astrologue faisant partie intégrante des traditions, que l’on soit simple citoyen ou au sommet de l’Etat.
Originaire du Népal, le futur Bouddha naquit au VIème siècle av. J.C. Tenant tête au démon Mara, assis pendant quatre jours sous un figuier dans la position du lotus, il atteint l’Eveil et réussi à se libérer de toute souffrance. Il enseignera dès lors la loi du Karma, selon laquelle toute action sera récompensée ou punie (selon si elle est bonne ou mauvaise) dans une future réincarnation.

Allez on prend des notes, je vais pas répéter

L’enseignement vise à se défaire de trois caractéristiques existentielles de tout un chacun : la dukkha (souffrance due à l’insatisfaction), l’anicca (la non-permanence, rien n’est figé) et l’anatta (l’impersonnalité, l’interdépendance). Le cycle des renaissances permet au bouddhiste de chasser petit à petit l’ignorance, le désir, les passions. Ce n’est qu’en atteignant cet état de sagesse et d’absence de désir qu’il peut atteindre le bonheur. Pour l’accompagner sur ce chemin, il pratique la méditation. Ainsi les bouddhistes cherchent à atteindre le Nirvana, un état de bonheur ou l’Homme s’est défait de ses passions et en a fini avec le cycle des renaissances. Bouddha a enseigné « Quatre nobles vérités » :
-          Notre existence est faite de souffrances
-          Les causes de ces souffrances
-          La cessation ou l’extinction de ces souffrances
-          Les solutions pour arrêter ces souffrances, l’octuple sentier
Cet octuple sentier comprend : la pensée juste, la compréhension juste, la parole juste, l’action juste, le mode de vie juste, l’effort juste, l’attention juste et la concentration juste. Et l’ordre juste ? Ah, non ça c’était Ségolène en 2007. Désolé.
Au Myanmar, on pratique essentiellement le bouddhisme theravada, ou bouddhisme du Petit Véhicule (et non le mahayana, Grand Véhicule). Ce bouddhisme (présent également au Sri Lanka, Thaïlande, Cambodge, Laos) diffère de toutes les grandes religions dans le sens où il n’est pas centré autour d’un ou plusieurs Dieux. Il n’y a pas d’intermédiaire entre l’Homme et son salut, celui-ci peut-être trouvé seul, par des actes individuels, la contemplation et la discipline (qui n’est pas de l’ascétisme).
Le bouddhisme mahayana (Chine, Tibet, Mongolie, Japon, Corée) promeut plus l’action, la compassion, le salut d’une personne passant par le salut de toute l’humanité. Il semblerait que le bouddhisme birman tende petit à petit à adopter quelques préceptes mahayana, en étant un peu plus dans l’action.
C’est jusqu’ici le pays où je rencontre le plus de moines et où le bouddhisme fait partie intégrante du quotidien. Il faut peu de temps pour que les yeux croisent une pagode ou un moine, une nonne. Et dans toutes les maisons, toutes les voitures, les bus, les magasins, il y a toujours une place pour Bouddha, avec quelques offrandes déposées devant sa représentation (pomme, Coca…). D’ailleurs ici les gens donnent énormément, de 10 à 30 % de leurs revenus parait-il. Dans tous les monuments religieux il y a des « donation box » de partout, le plus souvent remplies par des locaux. Cela aide à la restauration des monuments mais pour eux ces offrandes, comme l’aumône matinale, sont également le moyen de gagner une vie meilleure, c’est une bonne action (ça rappelle un peu des vieilles pratiques chrétiennes tout ça…).
Tout homme bouddhiste de Birmanie doit passer au moins une semaine dans un monastère et il peut aller et venir en tant que moine tout au long de sa vie, comme bon lui chante. Pour beaucoup de familles pauvres, l’éducation bouddhiste est le seul moyen de scolariser les enfants, cela expliquant aussi le grand succès des écoles religieuses. Car au Myanmar l’école est payante, même pour les tout petits… « I don’t like this governement » me disait Kima, l’adolescente de Dana Township à Yangon, « parce que mes parents n’ont pu me payer que quatre ans d’école ». Mais démerdarde, la petite s’en sortait plutôt bien. Raison de plus pour soutenir Aung San Suu Kyi, même pour cette petite musulmane.

Aumône dans un village Palaung

Je le disais en intro, les femmes n’ont pas la meilleure place ici. Comme de partout, les racines de cet état de fait proviennent de la doctrine religieuse, ici le bouddhisme, qui présente les femmes comme impures, à part la Dame bien sûr. Les nonnes, tout de roses vêtues, suivent un bouddhisme moins « prestigieux » car elles ne suivent que dix préceptes, comme pour les novices… pourtant les birmans les appellent souvent les thilashin, les détentrices de la morale.
A les croiser dans la rue ou à discuter avec elles, les relations sont presque « normales », surtout avec la nouvelle génération qui s’affranchit des vieilles traditions. Dans les lieux touristiques, elles agissent d’égal à égal avec les hommes mêmes si c’est toujours un homme qui semble être le boss. Dans les campagnes, elles s’occupent de la maison, de la famille et à côté de ça travaillent dans les champs, au marché… elles n’arrêtent pas ! Parfois l’homme lui ne fait pas grande chose, si ce n’est dormir, discuter ou boire avec ses amis. Notre guide Mr Bean nous le disait plus ou moins en rigolant mais il est vrai qu’on pouvait constater cela de temps en temps : les femmes en train de bosser et les gars qui somnolaient sous un arbre. Lui bosse ! Il veut payer l’école et des études à ses trois enfants donc a deux travails, guide et maraicher. Et apparemment c’est sa femme qui fait la loi de retour à la maison^^. Mais j’ai souvent pu constater, quand-même, que les gars bossaient ardemment et pas dans les meilleures conditions de travail, bien qu’il soit écrit « safety first » de partout. Une bonne blague.

Mais les filles aussi savent faire l'aumône !

Et si on continue dans les discriminations, parlons des homosexuels. Invité à un anniv d’un occidental, on discutait avec Joseph, jeune birman bilingue anglais (et ouvert d’esprit) qui n’arrivait pas à concevoir l’homosexualité. Il était d’accord pour dire que les gens étaient libres de choisir leur mode de vie mais… Mixé avec les conflits actuels avec les musulmans dans le nord du pays, il dit que le violeur musulman (dont je parlais au post précédent) se réincarnera en homo (ou l’inverse je ne sais plus trop mais au point où on en est). Le musulman et le gay étant donc les pires… des races. Pas très bouddhiste tout ça me semble-t-il. Et quand je lui demandais « et toi avec tes deux copines à la fois, comment tu l’envisage ta future réincarnation ? » Piégé ahah !! Un rire gêné et il esquive le sujet… eh oui mon Jojo.
J’avais une image très positive du bouddhisme, une religion prônant la paix, l’amour entre les peuples… comme toutes les religions ! De plus en Occident, on a l’image du Dalaï Lama et des tibétains oppressés par le gouvernement chinois. Une religion martyre en somme. Oui j’ai ressenti un accueil bien particulier de la part de ces gens, mais comme toutes les autres religions il y a des extrémistes, des crétins finis, des moines avec des poignards sous la robe… Pas un culte pour rattraper l’autre.

Mais en Birmanie, je n’ai pas été que sérieux à enquêter et potasser, j’ai aussi parcouru une petite partie de ce grand pays, plus grand que la France. Seulement présent pour une vingtaine de jours, j’ai essentiellement suivi les circuits à touristes. Et le pays se débrouille déjà très bien dans la gestion des foreigners, en fait on se croirait dans un autre pays d’Asie du Sud-est quand on se promène dans les sites touristiques. Presque les mêmes infrastructures, les mêmes astuces, les mêmes arnaques, et les mêmes relations humaines.
De ces trois semaines j’en ai passé une à Yangon, où j’ai croisé pour quelques minutes ou quelques heures des dizaines de birmans dont les gamins de Dala ; Je suis allé à Bagan, capitale au temps du moyen-âge, où trônent encore plus de 2200 pagodes qui se perdent dans la poussière et les palmiers au détour d’un bras de l’immense fleuve Irrawady, j’y ai rencontré Aung Tou le « peintre sur sable » et Pyu Pyu la vendeuse de longyi, l’habit traditionnel birman ; A Mandalay, Aung Sisan nous a fait découvrir la ville et ses faubourgs cachés ; à Hsipaw Mr Bean (car il vend des beans !!) nous a bien fait marrer, tout en me parlant sérieusement de son pays ; au Lac Inle, Atta nous a emmené dans son immense maison sur pilotis puis sur le lac pour profiter d’un superbe coucher du soleil… (top cinq des sunset ?).
Les rencontres avec les locaux sont quotidiennes, parfois faussées par l’attrait pécuniaire, et parfois sous le signe de la méfiance envers ces blancs, mais la plupart du temps elles sont simples voire enrichissantes lorsqu’il est possible d’échanger. Personnellement j’ai préféré les grandes villes, Mandalay et surtout Yangon. Des villes d’un autre temps où il règne une atmosphère vraiment particulière et où il fait bon s’égarer.
Bon allez, j’me thaÏ.

Ciao !

 Le frelon d’or : Parcourir de nouveau Yangon, cette ville bloquée au milieu voire au début du XXème. Et particulièrement le retour à Dala Township avec la jeune Kima, croisée lors de mon premier passage à Yangon. En compagnie de l’hollandaise Misha, un voyage dans un autre monde, qui commence par le ferry puis à pied ou à bord d’un trishaw, le tuktuk local, un vélo avec un side-car ou un passager est dans le sens de la marche quand l’autre est tourné vers l’arrière.
La pompe à vélo : Malheureusement j’imagine déjà les difficultés de gestion du pays une fois la démocratie vraiment en place, et les espoirs déçus… mais ce ne pourra qu’être mieux que ces cinquante dernières années.
Le fun : la soirée en boite avec Bastien et Fabien, encore une expérience… et le petit tour au festival Hip-hop avec toute la classe wesh wesh made in Myanmar. Excellent !

Benjo

PS Musical de Benjo : Olhos Molhados, de Bonga
PS Musical de Charpi : Jazz we’ve got, de Tribe Called Quest

2 commentaires:

  1. le petit a plutôt l'air de vouloir "chier" vos préceptes "doliprane" (la voie de l'anti-douleur)... AHHHHH la nouvelle génération... flûte alors!!!

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  2. Très belle dernière photo!
    Et comme d'hab, c'est toujours aussi intéressant de vous lire!

    Marcus

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