Bonzes et bonzesses
Je finissais
l’article précédent ainsi : en Birmanie, Aung San Suu Kyi est vénérée de
partout tout à la fois comme la mère et l’espoir de la nation Myanmar. Et à
côté de ça 88% du pays est bouddhiste, une religion où la femme doit dans un
premier temps se réincarner en homme pour accéder au nirvana… Autre paradoxe,
le gouvernement qui se réclame du bouddhisme mais qui tue ses moines qui
manifestent dans le calme. Mais de la part d’une junte militaire, c’est peu
surprenant, et on imagine que le bouddhisme est avant tout une manière de
s’octroyer les faveurs du clergé.
La constitution
autorise la liberté de culte mais en réalité les bouddhistes ont un statut
privilégié. Il y a en plus des bouddhistes, quelques chrétiens, musulmans, hindous,
animistes… et presque tous respectent encore les vieilles croyances animistes
et le culte des esprits tutélaires, les nat.
De plus, la superstition est très présente, la consultation d’astrologue
faisant partie intégrante des traditions, que l’on soit simple citoyen ou au
sommet de l’Etat.
Originaire du
Népal, le futur Bouddha naquit au VIème siècle av. J.C. Tenant tête au démon
Mara, assis pendant quatre jours sous un figuier dans la position du lotus, il
atteint l’Eveil et réussi à se libérer de toute souffrance. Il enseignera dès
lors la loi du Karma, selon laquelle toute action sera récompensée ou punie (selon
si elle est bonne ou mauvaise) dans une future réincarnation.
Allez on prend des notes, je vais pas répéter |
L’enseignement vise
à se défaire de trois caractéristiques existentielles de tout un chacun :
la dukkha (souffrance due à
l’insatisfaction), l’anicca (la
non-permanence, rien n’est figé) et l’anatta
(l’impersonnalité, l’interdépendance). Le cycle des renaissances permet au
bouddhiste de chasser petit à petit l’ignorance, le désir, les passions. Ce
n’est qu’en atteignant cet état de sagesse et d’absence de désir qu’il peut
atteindre le bonheur. Pour l’accompagner sur ce chemin, il pratique la
méditation. Ainsi les bouddhistes cherchent à atteindre le Nirvana, un état de
bonheur ou l’Homme s’est défait de ses passions et en a fini avec le cycle des
renaissances. Bouddha a enseigné « Quatre nobles vérités » :
-
Notre existence est faite de souffrances
-
Les causes de ces souffrances
-
La cessation ou l’extinction de ces souffrances
-
Les solutions pour arrêter ces souffrances, l’octuple
sentier
Cet octuple sentier
comprend : la pensée juste, la compréhension juste, la parole juste,
l’action juste, le mode de vie juste, l’effort juste, l’attention juste et la
concentration juste. Et l’ordre juste ? Ah, non ça c’était Ségolène en
2007. Désolé.
Au Myanmar, on
pratique essentiellement le bouddhisme theravada, ou bouddhisme du Petit
Véhicule (et non le mahayana, Grand Véhicule). Ce bouddhisme (présent également
au Sri Lanka, Thaïlande, Cambodge, Laos) diffère de toutes les grandes
religions dans le sens où il n’est pas centré autour d’un ou plusieurs Dieux.
Il n’y a pas d’intermédiaire entre l’Homme et son salut, celui-ci peut-être
trouvé seul, par des actes individuels, la contemplation et la discipline (qui
n’est pas de l’ascétisme).
Le bouddhisme mahayana
(Chine, Tibet, Mongolie, Japon, Corée) promeut plus l’action, la compassion, le
salut d’une personne passant par le salut de toute l’humanité. Il semblerait
que le bouddhisme birman tende petit à petit à adopter quelques préceptes
mahayana, en étant un peu plus dans l’action.
C’est jusqu’ici le
pays où je rencontre le plus de moines et où le bouddhisme fait partie
intégrante du quotidien. Il faut peu de temps pour que les yeux croisent une
pagode ou un moine, une nonne. Et dans toutes les maisons, toutes les voitures,
les bus, les magasins, il y a toujours une place pour Bouddha, avec quelques
offrandes déposées devant sa représentation (pomme, Coca…). D’ailleurs ici les
gens donnent énormément, de 10 à 30 % de leurs revenus parait-il. Dans tous les
monuments religieux il y a des « donation box » de partout, le plus
souvent remplies par des locaux. Cela aide à la restauration des monuments mais
pour eux ces offrandes, comme l’aumône matinale, sont également le moyen de
gagner une vie meilleure, c’est une bonne action (ça rappelle un peu des
vieilles pratiques chrétiennes tout ça…).
Tout homme bouddhiste
de Birmanie doit passer au moins une semaine dans un monastère et il peut aller
et venir en tant que moine tout au long de sa vie, comme bon lui chante. Pour
beaucoup de familles pauvres, l’éducation bouddhiste est le seul moyen de
scolariser les enfants, cela expliquant aussi le grand succès des écoles
religieuses. Car au Myanmar l’école est payante, même pour les tout petits…
« I don’t like this governement » me disait Kima, l’adolescente de
Dana Township à Yangon, « parce que mes parents n’ont pu me payer que
quatre ans d’école ». Mais démerdarde, la petite s’en sortait plutôt bien.
Raison de plus pour soutenir Aung San Suu Kyi, même pour cette petite
musulmane.
Aumône dans un village Palaung |
Je le disais en
intro, les femmes n’ont pas la meilleure place ici. Comme de partout, les
racines de cet état de fait proviennent de la doctrine religieuse, ici le bouddhisme,
qui présente les femmes comme impures, à part la Dame bien sûr. Les nonnes,
tout de roses vêtues, suivent un bouddhisme moins « prestigieux » car
elles ne suivent que dix préceptes, comme pour les novices… pourtant les
birmans les appellent souvent les thilashin,
les détentrices de la morale.
A les croiser dans
la rue ou à discuter avec elles, les relations sont presque
« normales », surtout avec la nouvelle génération qui s’affranchit
des vieilles traditions. Dans les lieux touristiques, elles agissent d’égal à
égal avec les hommes mêmes si c’est toujours un homme qui semble être le boss. Dans
les campagnes, elles s’occupent de la maison, de la famille et à côté de ça
travaillent dans les champs, au marché… elles n’arrêtent pas ! Parfois
l’homme lui ne fait pas grande chose, si ce n’est dormir, discuter ou boire
avec ses amis. Notre guide Mr Bean nous le disait plus ou moins en rigolant
mais il est vrai qu’on pouvait constater cela de temps en temps : les
femmes en train de bosser et les gars qui somnolaient sous un arbre. Lui bosse !
Il veut payer l’école et des études à ses trois enfants donc a deux travails,
guide et maraicher. Et apparemment c’est sa femme qui fait la loi de retour à
la maison^^. Mais j’ai souvent pu constater, quand-même, que les gars bossaient
ardemment et pas dans les meilleures conditions de travail, bien qu’il soit
écrit « safety first » de partout. Une bonne blague.
Mais les filles aussi savent faire l'aumône ! |
Et si on continue
dans les discriminations, parlons des homosexuels. Invité à un anniv d’un
occidental, on discutait avec Joseph, jeune birman bilingue anglais (et ouvert
d’esprit) qui n’arrivait pas à concevoir l’homosexualité. Il était d’accord
pour dire que les gens étaient libres de choisir leur mode de vie mais… Mixé
avec les conflits actuels avec les musulmans dans le nord du pays, il dit que
le violeur musulman (dont je parlais au post précédent) se réincarnera en homo
(ou l’inverse je ne sais plus trop mais au point où on en est). Le musulman et
le gay étant donc les pires… des races. Pas très bouddhiste tout ça me
semble-t-il. Et quand je lui demandais « et toi avec tes deux copines à la
fois, comment tu l’envisage ta future réincarnation ? » Piégé
ahah !! Un rire gêné et il esquive le sujet… eh oui mon Jojo.
J’avais une image
très positive du bouddhisme, une religion prônant la paix, l’amour entre les
peuples… comme toutes les religions ! De plus en Occident, on a l’image du
Dalaï Lama et des tibétains oppressés par le gouvernement chinois. Une religion
martyre en somme. Oui j’ai ressenti un accueil bien particulier de la part de
ces gens, mais comme toutes les autres religions il y a des extrémistes, des
crétins finis, des moines avec des poignards sous la robe… Pas un culte pour
rattraper l’autre.
Mais en Birmanie,
je n’ai pas été que sérieux à enquêter et potasser, j’ai aussi parcouru une
petite partie de ce grand pays, plus grand que la France. Seulement présent
pour une vingtaine de jours, j’ai essentiellement suivi les circuits à
touristes. Et le pays se débrouille déjà très bien dans la gestion des foreigners, en fait on se croirait dans
un autre pays d’Asie du Sud-est quand on se promène dans les sites
touristiques. Presque les mêmes infrastructures, les mêmes astuces, les mêmes
arnaques, et les mêmes relations humaines.
De ces trois
semaines j’en ai passé une à Yangon, où j’ai croisé pour quelques minutes ou
quelques heures des dizaines de birmans dont les gamins de Dala ; Je suis allé
à Bagan, capitale au temps du moyen-âge, où trônent encore plus de 2200 pagodes
qui se perdent dans la poussière et les palmiers au détour d’un bras de
l’immense fleuve Irrawady, j’y ai rencontré Aung Tou le « peintre sur
sable » et Pyu Pyu la vendeuse de longyi,
l’habit traditionnel birman ; A Mandalay, Aung Sisan nous a fait découvrir
la ville et ses faubourgs cachés ; à Hsipaw Mr Bean (car il vend des
beans !!) nous a bien fait marrer, tout en me parlant sérieusement de son
pays ; au Lac Inle, Atta nous a emmené dans son immense maison sur pilotis
puis sur le lac pour profiter d’un superbe coucher du soleil… (top cinq des sunset ?).
Les rencontres avec
les locaux sont quotidiennes, parfois faussées par l’attrait pécuniaire, et
parfois sous le signe de la méfiance envers ces blancs, mais la plupart du
temps elles sont simples voire enrichissantes lorsqu’il est possible
d’échanger. Personnellement j’ai préféré les grandes villes, Mandalay et
surtout Yangon. Des villes d’un autre temps où il règne une atmosphère vraiment
particulière et où il fait bon s’égarer.
Bon allez, j’me
thaÏ.
Ciao ! |
Le frelon
d’or : Parcourir de nouveau Yangon, cette ville bloquée au
milieu voire au début du XXème. Et particulièrement le retour à Dala
Township avec la jeune Kima, croisée lors de mon premier passage à Yangon. En
compagnie de l’hollandaise Misha, un voyage dans un autre monde, qui commence
par le ferry puis à pied ou à bord d’un trishaw,
le tuktuk local, un vélo avec un side-car ou un passager est dans le sens de la
marche quand l’autre est tourné vers l’arrière.
La pompe à
vélo : Malheureusement j’imagine déjà les difficultés de
gestion du pays une fois la démocratie vraiment en place, et les espoirs déçus…
mais ce ne pourra qu’être mieux que ces cinquante dernières années.
Le fun : la soirée en boite avec Bastien et Fabien, encore une expérience… et le
petit tour au festival Hip-hop avec toute la classe wesh wesh made in Myanmar. Excellent !
Benjo
PS Musical de Benjo : Olhos Molhados, de Bonga
PS Musical de Charpi : Jazz we’ve got, de Tribe
Called Quest
le petit a plutôt l'air de vouloir "chier" vos préceptes "doliprane" (la voie de l'anti-douleur)... AHHHHH la nouvelle génération... flûte alors!!!
RépondreSupprimerTrès belle dernière photo!
RépondreSupprimerEt comme d'hab, c'est toujours aussi intéressant de vous lire!
Marcus