28 juin 2012


Aux portes de l’Orient – portrait croisé Bosnie et Kosovo.
Post premier.

11 jours a travers l’ex-Yougoslavie et nous voulions commencer ces posts (car il y en aura 2 pour votre plus grand bonheur de lecteurs) par leur conclusion à savoir que l’on a plus apprit en quelques  jours immergés au sein des familles qui nous ont reçu que si on avait suivi a la lettre un parcours « lonely planet ».
Alors certes nous n’avons pas forcément vu d’immenses étendues sauvages, des paradis de verdure ou des panoramas à vous couper le souffle mais cela fut largement compenser par l’envie irrésistible d’ouverture des gens. Un besoin de parler aux étrangers. Cela devient d’autant plus simple que nous avions la volonté de confronter nos représentations aux réalités passées et actuelles.
Nos représentations ! Parlons-en ! J’avais une dizaine d’années quand la (les ?) guerre a éclaté en Yougoslavie, Benjo lui était beaucoup plus minot...^^ Et ma vision de cette partie du monde était  limitée aux images des medias et aux dires des profs. Bref jusqu’à notre passage à la frontière en direction de Mostar, je pensais que notre séjour se limiterait à ramper sur l’herbe pour éviter les tirs.
Autant vous dire qu’on est resté idiot seulement trois secondes, le temps pour nous de se rendre compte à quel point notre imagination peut nous jouer des tours et obscurcir notre esprit.
Certes la Bosnie-Herzégovine reste marquée par la guerre, les nombreux immeubles criblés de balles et les dizaines de tombes indiquant les morts de 1993-1994 sont là pour le rappeler, mais ce qui est surprenant c’est le mélange des genres (on l’évoquera aussi dans le 2ème post). En effet, à coté de ces derniers vous pouvez trouver des infrastructures « high tech »  avec toutes les marques qui vont bien.

Mostar, depuis le post des snipers

Il ne faut pas oublier que la Yougoslavie de Tito avait une économie relativement cohérente, l’éducation et la santé étaient quasiment gratuites pour tous. Elle avait un poids sur la scène internationale en tant qu’acteur prédominant dans le mouvement des non-alignés. Même après la mort de Tito (1980) les J.O. d’Hiver sont à Sarajevo en 1984, véritable catalyseur médiatique. Six ans avant le début de la guerre...
Alors il ne s’agit pas pour nous de vous expliquer la complexité hallucinante des tensions de cette région du monde qui va puiser ses fondements dans le panslavisme du XVème siècle (pour ceux que ca intéresse je recommande tout particulièrement la lecture de Benhamina Charpillov et ses 8 tomes) mais plutôt de mettre en perspective les impacts des évènements sur les sociétés bosniaques et kosovars actuelles.
Tout ce qui va suivre est le résultat de discussions avec les personnes que l’on a pu rencontrer en Bosnie et au Kosovo ainsi que la diaspora kosovar.
En rentrant en Bosnie et au Kosovo, nous avions la même question qui brulait nos lèvres “quels rapports entretiennent les gens avec leur passe récent?”. On retrouve certes des points communs chez les jeunes notamment : envie d’oublier, besoin de consommer, de voyager, de faire la fête bref pas différents de chez nous. Ils entretiennent des relations relativement apaisées avec les autres nationalités. Le choc des générations se fait sentir. Les rancœurs sont nettement plus vives pour ceux qui ont vécus les évènements. Pour les anciens la « Yougo-nostalgie » est une voie d’expression ; certains voyant inéluctable une réunification afin d’améliorer la situation socio-économique qui est guère brillante dans ces deux pays.

Sunset sur un Sarajevo en plein renouveau

Notons en premier lieu que l’implosion de la Yougoslavie a cassé les filières économiques et le tissu social existant rendant la tâche encore plus compliquée pour les nouvelles entités. Certains s’en sortant plutôt bien : Slovénie, Croatie et Monténégro. Pour la Bosnie et le Kosovo le score est sans appel : un taux de chômage autour de 40% (officiellement...), des investissements étrangers en net ralentissement, une économie souterraine très active, dérives criminelles. Les populations sont très jeunes : au Kosovo, par exemple, les moins de 30 ans représentent 65% des 2 millions d’habitants. A savoir que pendant près de 15 ans Slobodan Milosevic a interdit l’accès à l’école aux albanais (peuple majoritaire au Kosovo). De fait à la suite de ces réformes type « apartheid » ce sont 22 500 étudiants sur 23 000 qui durent quitter l’université de Pristina. Malgré le développement d’un enseignement parallèle, les conditions d’apprentissages restèrent précaires. Ces faits rapportés aux débouchés, ca laisse peu d’espoir pour le futur.
Certes les différences existent entre la Bosnie et le Kosovo. La Bosnie sort petit a petit du marasme dans lequel elle a été  laissée par les bombardements et l’indifférence de la communauté européenne. Depuis la fin des événements, le touriste est largement revenu à Mostar (la présence de ce site dans les guides pour la Croatie aidant), à Sarajevo les mutations urbaines sont rapides : BTP au taquet, consumérisme effréné, dynamisme de la jeunesse.

Priseren, Kosovo, concert de métal balkanique au pied de la Mosquée

Quant au Kosovo ce qui est frappant c’est le peu de traces de guerre. La réaction de l’Union a été plus vive cette fois-ci et les ONG furent très présentes pendant quelques années. Mais l’économie kosovare reste encore exsangue. Malgré des classements médiocres dans les statistiques économiques, La Bosnie et le Kosovo ont une vraie volonté de changement. Les deux pays frappent aux portes de l’Union (le Kosovo a déjà adopté l’euro !!). Beaucoup de gens sont polyglottes (ce qui facilite énormément les échanges).
Néanmoins les retards à l’allumage sont aggravés par la « crise » mondiale, le manque de confiance des sociétés occidentales dans l’avenir, les méfiances de ces dernières à l’égard d’une solidarité envers les plus démunis. De même les très grands écarts de richesse au sein des populations bosniaques et kosovars induisent des tensions (« hypermatérialisme », politique à outrance du « to be seen », un mélange de cynisme et d’utilitarisme) qui nuisent au bon fonctionnement des Etats (corruption à tous les étages).
Bref c’est un véritable bouillon économique, social et culturel auquel on a pu assister. Ça part dans tous les sens et très vite. Nous espérons sincèrement que ça ne finira pas dans le mur. Pour toutes ces personnes que nous avons rencontrées et appréciées avec qui nous avons pu partager leur vie le temps d’un séjour et qui ont toutes à cœur de donner du sens à leur existence exprimant de fait un fort désir de reconnaissance, merci !! Toutes ces personnes qui ont fait preuve envers nous d’une générosité et d’une hospitalité totalement désintéressées, merci !! Toutes ces personnes avec qui nous avons tant ris, merci !! Toutes ces personnes qui nous ont permis d’ouvrir nos horizons et de pouvoir être à notre tour des promoteurs pour ces contrées, merci !!

Mon rédacteur en chef m’interdisant plus de 4 pages pour ce post, je dois y m’être un terme. Soyez assurés qu’un deuxième suivra bientôt et vous plongera un peu plus dans les anecdotes et les situations cocasses que nous avons vécues au quotidien.

POST SCRIPTUM

PS 1 Merci à Lamia et Madja pour leur hospitalité « so finny » à Sarajevo.
PS 2 Un énorme merci à Albert et sa famille sans qui ce séjour exceptionnel au Kosovo n’aurait pu être possible.
PS 3 Merci à sa belle-famille de nous avoir accueillie, nourrie et guidée.
PS 4 Merci à Veton de nous avoir réceptionnés à Pristina après une nuit en carton dans un bus. Et d’avoir pu prolonger notre immersion chez les locaux, ici, à Tirana (Albanie) grâce à ses contacts.  
PS 5 And the last but not least. Thanks a lot Agron. Are you ok my man ? You were so crazy. The best guide in Pejä, Kosovo!! Don’t worry about that. You’re a very good driver and we’re waiting for your journey in France.  
PS 6 Culture générale : Mettre un peu de clarté dans l’utilisation et la signification des termes “bosniaques” et “bosniens”. Pour le peuple de Bosnie seul le terme de « Bosanac » est retenu pour désigner leur peuple et leur nationalité. Mais l’histoire veut qu’à l’étranger et notamment en Europe l’on entretienne encore l’emploi de bosniaque pour désigner un musulman slave de langue bosnienne n’habitant pas la Bosnie. Quant au terme de Bosnien il désigne la nationalité d’un habitant de Bosnie hors considération ethnique et religieuse. Bien entendu les confusions sont nombreuses et on a tendance à s’y perdre. Bonne chance !!

2 commentaires:

  1. Fifi brin d'acier29 juin 2012 à 08:43

    Merci pour ce diptyque, merci pour les photos, merci pour l'effusion de savoirs et de vécus, ça fait du bien de vous lire!

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